L'Étoile du Nord

Huits mois de grève à la SQDC

L’obstination du gouvernement renforce le marché noir du cannabis

Temps de lecture:3 Minutes

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À la fin de l'année 2022, la Société Québécoise du Cannabis revendiquait avoir capturé 58% du marché noir de cannabis après 4 ans d'existence. Toutefois, il y a un peu plus de trois ans, celle-ci estimait réaliste d'atteindre 66% en 2022. Comment se fait-il alors que près de la moitié des ventes de cette drogue désormais légale proviennent de l'économie illégale et profitant, ultimement, à des forces du crime organisé de longue date?

La grève qui dure depuis près de 8 mois dans environ un quart des 90 succursales pourrait apporter une partie de la réponse. Lucas Gizard, employé dans une de celles-ci et délégué syndical du Syndicat de la Fonction Publique du Canada (SCFP), pense que cet obstination du gouvernement à leur donner des conditions insuffisantes pousse les consommateurs à considérer "le marché illégal où le marché gris" comme "vraiment plus avantageux."

Celui-ci explique qu'il "trouve ça dommage parce que il y a moins de contrôle sur la qualité du produit. On sait pas vers qui ça va aussi. C'est dommage qu'on rajoute encore des bénéfices au crime organisé." De plus, la SQDC perd, depuis plusieurs mois, plus que ce qu'ils auraient gagnés à avoir donné le salaire de 21$ de l'heure exigé par les employés.

Selon M.Gizard, cette augmentation représente une dépense de 2 millions de dollars, contre une estimation très conservatrice de 10 millions de dollars de perte dans les six derniers mois pour la société d'État. "Sur 220 millions par année [de budget à la SQDC], c'est vraiment minuscule." La demande des employés est pourtant plus faible que ce que paye actuellement le gouvernement un conseiller SAQ - 25$/h - ou un fonctionnaire du service à la clientèle.

Cette attitude du gouvernement caquise envers les travailleurs de la SQDC est loin d'être isolée. Les prochaines négociations avec les travailleurs du secteur public ne seront pas faciles, alors qu'il fait face à un front uni syndical—le premier depuis des décennies. Des manifestations majeures secouent actuellement la France et l'Angleterre, et des actions comparables ont également été observées dans d'autres régions du Canada, notamment en Ontario, où les syndicats du secteur public luttent contre la suppression salariale.

Malgré ce que tente de faire croire de nombreux commentateurs, Lucas Gizard explique que "c'est pas notre faute [le retour du marché noir] parce que pour payer notre loyer et notre bouffe, on a besoin d'un certain salaire. On n'a pas envie de faire ça. On avait des moyens de pression tout à fait légaux, le problème c'est que le gouvernement ne veut pas dire ce petit mot en trois lettres qui est 'oui'. Nous, on ne fait que lutter pour avoir une vie correcte en Amérique du Nord."

Lucas Gizard, devant le parlement Canadien

Même avec une inflation extrême, "ils aimeraient augmenter à même pas 3%, c'est pas possible. Il faut au moins qu'on mange. Donc soit on a le choix de mourir de faim, soit on a le choix de demander au gouvernement et quand le gouvernement est pas d'accord, on est obligé d'aller en grève parce qu'il y a pas d'autres moyens qui comprennent."

"Je pense qu'il y a une mauvaise foi depuis le début," soutiens M. Gizard. "C'est vraiment idéologique. Leur mentalité, c'est un truc très néolibéral et capitaliste. Il faut économiser seulement sur les humains. Ils économisent pas sur les machines, ils économisent pas sur le service de livraison." ​

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