L'Étoile du Nord

Après la grève des transports en commun à Vancouver

La désignation de service essentiel utilisée comme tactique d’intimidation par les patrons

Temps de lecture:4 Minutes

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La récente grève des travailleurs des transports publics du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) 4500, qui s’est terminée par la ratification d’un nouveau contrat le 5 février, s’inscrit dans une tendance émergente d’actions syndicales qui prennent fin après avoir été menacées d’être désignées comme «service essentiel».

En janvier, le syndicat des superviseurs des transports de la Colombie-Britannique SCFP 4500 a menacé d’intensifier son action pour fermerles services de bus et de SeaBus dans la région métropolitaine de Vancouver. Translink et ses filiales — Coast Mountain Bus Company, West Coast Express, British Columbia Rapid Transit Company (BCRTC) et ProTrans — ont réagi en demandant à être désignés comme services essentiels. Quelques jours plus tard, le syndicat a ratifié un accord proposé par le médiateur chevronné Vince Ready, et Translink a abandonné sa demande auprès de la Commission des relations du travail.

La désignation de service essentiel aurait empêché les employés du syndicat d'abandonner leur poste et de faire du piquetage pendant les quarts de travail qui leur étaient assignés. Lors d'un interview téléphonique, John-Henry Harter, professeur en études du travail, a expliqué à l'Étoile du Nord que les entreprises utilisent la menace de la désignation de « service essentiel » comme tactique pour sortir les négociations de l'impasse et mettre fin aux grèves. Commentant le cas de Translink, il a déclaré : « Disons les choses telles qu'elles sont: ce n'était pas une demande sérieuse [...] il n'y a aucune raison légitime à laquelle je puisse penser pour abandonner une demande au bout de 3 ou 4 jours».

À l'été 2023, les débardeurs de l'ILWU en grève au port de Vancouver ont accepté une offre de l'employeur peu après que le ministre fédéral du Travail, Seamus O'Regan, ait menacé d'imposer une convention collective ou un arbitrage contraignant si le Conseil canadien des relations industrielles devait déterminer que « le rejet par le syndicat de l'accord de principe a éliminé la possibilité d'une résolution négociée », éliminant ainsi la voie vers d'autres négociations.

En réponse à la grève portuaire, qui a eu un impact de plus de 500 millions de dollars par jour, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes a exhorté le gouvernement fédéral à faire des ports un service essentiel avant les futures négociations.

Au cours de la récente vague de grèves au Canada, les menaces de désignation de services essentiels sont régulièrement brandies par les employeurs, en particulier dans le secteur public, car cette tactique leur procure un énorme avantage, notamment sur le front de la narration publique. Le professeur Harter explique : « C'est une tactique de négociation éprouvée que les employeurs utilisent, où qu'ils soient, lorsque les travailleurs sont sur le point de se mettre en grève, qui consiste à rejeter la responsabilité de la grève sur les travailleurs. Et je pense que le fait de déclarer un service comme essentiel, ou même de dire que l'on va le faire, fait en sorte que le public se range davantage du côté de l'employeur que de celui des travailleurs... »

Notamment, les demandes des employeurs pour être considérés comme un service essentiel peuvent être déposées trois mois avant la date d'expiration d'un accord, mais les sociétés de transport ont attendu jusqu'à la toute dernière seconde. « Si un employeur, en pleine grève, parle de faire de certains ou de tous ses employés des travailleurs essentiels et soumet une demande au Conseil des relations industrielles, c'est une tactique peu sincère de la part de l'employeur », déclare le professeur Harter. « Je ne vois pas beaucoup de scénarios[légitimes] dans lesquels ils abandonnent la demande, surtout en quelques jours. C'est vraiment étrange. »

Le professeur Harter affirme qu'il existe en effet des façons correctes d'utiliser les désignations de services essentiels, en prenant pour exemple la récente grève de 124 jours des travailleurs de First Transit par la section locale 561 du SCFP dans la vallée du Fraser. Dans ce cas, le service de transport partagé porte-à-porte de Translink pour les personnes incapables d'utiliser les transports publics conventionnels, HandyDART, a été désigné comme service essentiel et est resté opérationnel pendant la grève.

« Pendant la grève des chauffeurs de bus de la vallée du Fraser, qui s'est prolongée, les services HandyDART ont continué à transporter les personnes qui avaient besoin d'aller se faire dialyser et d'autres choses de ce genre, il y avait une liste de services requis pour prendre HandyDART qui étaient considérés comme essentiels. »

Mais en fin de compte, le professeur Harter considère les désignations de services essentiels comme un jeu de dupes pour les employeurs : « La société ne peut pas opérer sans la classe ouvrière. Ce n'est que lorsque les travailleurs disent 'hey, nous devrions être mieux payés' que les employeurs disent 'oh non, mais vous êtes essentiels'. S'ils sont essentiels pourquoi ne pas leurs payer comme il le faut? »

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