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Il y a maintenant un mois que les syndicats affiliés à la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) se sont prononcés sur leur entente de principe. Les votes ont été très serrés, mais l'entente a été adoptée à majorité par les membres de la FAE. Les enseignants, de retour à l'école, sont nombreux à manifester leur insatisfaction. En témoigne le faible taux de participation au plan de rattrapage scolaire du gouvernement qui vient ajouter encore plus de travail aux enseignants. L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Mario Lemelin, enseignant en univers social dans la région des Basses-Laurentides, pour mieux comprendre les détails et les impacts de l'entente.
L'élément central de l'entente est un « mécanisme préventif sur la composition de la classe ». Ce mécanisme, conçu pour répondre aux préoccupations des enseignants sur la lourdeur des groupes, prévoit des mesures d'aides pour les cohortes qui dépassent 60% d'élèves en difficulté au primaire et 50% au secondaire. Au secondaire, la mesure d'aide priorisée est le rehaussement des techniciens en éducation spécialisée pour la cohorte.
« C'est reçu très froidement dans le milieu parce qu'on a l'impression qu'on annonce des chiffres, mais dans les faits, il n'y a rien qui se passe pour les élèves [...] comme si ça ou rien, c'était pareil » lance Lemelin. « Selon mon analyse, ça ne s'appliquera jamais, et si ça s'applique, c'est que la situation est catastrophique dans l'école. C'est seulement pour bien paraitre aux yeux de l'opinion publique. »
C'est donc la possibilité même de l'application d'un tel mécanisme qui est mis en cause par les enseignants. « La crainte qu'on a [par rapport au nouveau mécanisme] c'est que nos directions se rencontrent et quand on se retrouve avec une cohorte à 50% d'élèves en difficulté, on déménage des élèves d'école. » En effet, la pénurie d'enseignants et de personnel de soutien est grave. Il est donc difficile pour les directions de s'engager à ouvrir des groupes ou à bonifier l'offre de service dans une école.
« On avait déjà un mécanisme dans notre convention collective qui faisait en sorte que lorsqu'un groupe avait 50% d'élèves en difficulté, il y avait l'obligation de scinder le groupe en deux ou d'en ouvrir un nouveau », explique-t-il. « Pour l'avoir vécu, les directions ajoutaient des élèves dans les groupes pour garder le pourcentage en dessous des 50%. » Lemelin donne l'exemple d'un groupe de 24 élèves dont 14 avec des plans d'interventions. La réaction de la direction a été d'y ajouter cinq élèves sans plan d'intervention pour ne pas avoir à alléger la composition du groupe.
L'entente de principe prévoit aussi la création d'un nouveau statut d'enseignant (E2) et la création de plus de 5000 contrats de ce type. Il s'agirait de tâches à temps partiel agrémentées de suppléance ou des combinaisons de différents remplacements pour composer des contrats à temps plein.
Toutefois, le statut des E2 est différent de celui des enseignants réguliers. « Cette nouvelle classe de professeurs-là perd des acquis, ils n'ont pas les mêmes droits qu'un enseignant régulier. Personnellement, je crains que c'est une porte qu'on ouvre pour diminuer les avantages sociaux des professeurs réguliers parce qu'une fois qu'on l'aura fait pour une classe de professeurs, on voudra peut-être l'importer dans l'autre. Par exemple, les congés sans traitement, pour ces professeurs-là, c'est impossible de les demander. »
Autre particularité pour ce statut d'enseignant, les centres de services scolaires peuvent modifier leur tâche en cours d'année scolaire. « Ces gens-là ont un statut particulier parce que c'est la direction qui décide de leur affection, ce qui fait en sorte qu'on ne respecte plus nécessairement l'ancienneté et le processus d'affection pour les autres enseignants. Mis à part qu'on va donner des contrats, ce qui peut être avantageux pour le côté syndical, il y a juste des avantages patronaux associés à ça. »