L'Étoile du Nord

Crise dans les Antilles

Comment l’oligarchie canadienne profite du chaos en Haïti

Temps de lecture:5 Minutes

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Depuis le tremblement de terre de magnitude 7,0 qui a secoué Haïti en 2010, faisant plus de 100 000 morts et des milliards de dollars de dégâts, le Canada a envoyé plus de 2 milliards de dollars d'aide au pays. Près de 15 ans plus tard, cet argent semble toutefois avoir profité aux oligarques canadiens des secteurs minier et manufacturier bien plus qu'au peuple haïtien.

Le gouvernement canadien et ses principales organisations à but non lucratif sont les deuxièmes à envoyer de l'aide à Haïti, après les États-Unis, et ils déversent de l'argent dans le pays depuis les années 1980. Même avant le tremblement de terre, jusqu'à 80% des services sociaux en Haïti provenaient d'ONG étrangères, de groupes religieux, de banques de développement et d'entreprises privées plutôt que de l'État haïtien.

Les autorités locales n'ayant jamais été responsables des services publics, elles n'ont jamais été en mesure de se développer de manière durable et indépendante. Si une partie de l'argent envoyé par le Canada et ses alliés dans ce pays des Caraïbes est consacrée à un patchwork désordonné d'aide alimentaire, d'éducation et de services de santé, une part importante de cet argent est consacrée à la « sécurité ».

Pendant des décennies, le Canada a financé et aidé à former la police nationale haïtienne, qui a été accusée de manière crédible d'innombrables violations des droits de l'homme à l'encontre des dissidents politiques et des Haïtiens les plus vulnérables. Le Canada soutient une mission imminente visant à envoyer 1 000 officiers paramilitaires kenyans pour réprimer le soulèvement des gangs qui, depuis mars de cette année, a réduit à néant ce qui reste de l'État haïtien.

Exercise de formation de la Police nationale d'Haïti

Ces officiers kenyans font partie de groupe élite « Recce », fondée en 1948 par les colonisateurs britanniques pour réprimer la rébellion Mau Mau au Kenya. Depuis, ils ont réprimé des soulèvements similaires dans toute l'Afrique et ont reçu une formation approfondie en matière de contre-insurrection de la part des forces de défense israéliennes.

Cette mission est actuellement contestée par des avocats et des militants kenyans qui affirment que le déploiement est illégal et contraire à l'éthique. L'accord autorisant cette intervention a été signé par l'ancien président non élu d'Haïti, Ariel Henry, et n'a été ratifié par aucun organe parlementaire.

La mission est une initiative du Core Group des Nations unies, dont les États-Unis et le Canada sont membres. Le Core Group occupe effectivement Haïti depuis 2004 en dirigeant la mission de stabilisation des Nations unies en Haïti, en choisissant les premiers ministres du pays et en administrant la police nationale.

Le Core Group a été créé après que les puissances nord-américaines et leurs alliés ont renversé Jean-Baptiste Aristide pour réprimer la dissidence au nom du « maintien de la démocratie ». La mission de renverser Aristide a été décrite dans l'Initiative d'Ottawa, un projet adopté lors d'une conférence tenue dans un bâtiment patrimonial appartenant au gouvernement fédéral sur le Lac Meech, juste au nord-est d'Ottawa.

Aucun représentant haïtien n'était présent lors de l'adoption de l'Initiative d'Ottawa. Dans le cadre de ce projet, le Canada et ses alliés ont entraîné et soutenu militairement la force paramilitaire qui a enlevé Aristide. Toutefois, l'intérêt du Canada pour Haïti a commencé bien avant l'Initiative d'Ottawa ou même que le début de sa frénésie de financement dans les années 1980.

Centre de conférence du gouvernement canadien au Lac Meech

Le Canada a jeté son dévolu sur le pays pour la première fois en 1954, à l'époque où Haïti faisait l'objet d'une exploitation à ciel ouvert de la bauxite, un minerai nécessaire à la production d'aluminium. Par l'intermédiaire de la Société d'exploitation et de développement économique et naturel (SEDREN), l'oligarchie canadienne a extrait des dizaines de millions de dollars de cuivre grâce à des droits d'extraction achetés par l'intermédiaire de l'Organisation des États américains.

Tout au long de la dictature de la famille Duvalier dans les années 1960, 1970 et 1980, le Canada et les États-Unis ont commencé à développer les réseaux d'ONG qui ont fini par dominer l'avenir d'Haïti par le biais d'efforts humanitaires visant à amener les réfugiés haïtiens fuyant la terreur d'État au Canada (en particulier au Québec).

Bien que ce processus ait sauvé de nombreuses vies, il a systématiquement privilégié les Haïtiens éduqués, bien situés et riches qui pouvaient naviguer dans la bureaucratie migratoire et acheter leur moyen de quitter le pays, ce qui a entraîné une fuite persistante des cerveaux. En 2006, il y avait plus de médecins haïtiens travaillant à Montréal qu'en Haïti.

Dans les années 70, à l'apogée du pouvoir de Jean-Claude Duvalier, les Nations unies ont contribué à la création et à la gestion du ministère haïtien des ressources naturelles, en finançant des projets de prospection minière dans le pays. Après la chute de la dynastie, ces études ont révélé de vastes quantités d'or, d'argent et de cuivre. Des études récentes ont également révélé des réserves de pétrole.

Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier

Bien que ces études aient été menées dans le but de renforcer l'économie haïtienne, les droits d'extraction ont été vendus à des sociétés minières étrangères, dont les sociétés canadiennes Ressources Majescor Inc. et Eurasian Minerals Inc.

Aucune opération minière majeure n'est actuellement en cours en Haïti, mais les mines proposées pourraient détruire de vastes étendues de forêts et de terres arables, déplaçant des agriculteurs de subsistance précaires vers des bidonvilles urbains déjà denses et appauvris. 

De futures interventions armées pourraient permettre ces projets miniers en mettant fin à la rébellion, comme l'ont fait les interventions précédentes. L'infrastructure de ces mines, ainsi que les minéraux et les profits générés, appartiendront directement aux capitaux canadiens et américains, laissant les droits de douane et les taxes comme des miettes que la classe dirigeante haïtienne pourra aspirer.

Cette exploitation étrangère systématique redirige les richesses d'Haïti vers d'autres pays, freinant le développement d'une classe financière et propriétaire locale. La dépendance à l'égard des capitaux étrangers empêche les Haïtiens d'atteindre une qualité de vie adéquate.

Aujourd'hui, plus de 52% des revenus d'Haïti proviennent de la fabrication et de l'exportation de vêtements pour des entreprises étrangères telles que Les Vêtements de Sport Gildan, basé à Montréal. Les travailleurs des ateliers clandestins de ces industries gagnent à peine quatre dollars canadiens par jour. La pauvreté est extrêmement élevée dans les centres urbains et de nombreux Haïtiens dépendent d'économies informelles telles que la vente de ferraille ou d'autres produits de récupération pour gagner de l'argent.

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