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La création de l'Agence Santé Québec, structurée comme une grande entreprise et dirigée par des leaders des grands hôtels et des services médicaux privés, suscite de vives préoccupations. Selon Anne Plourde de l'Institut de recherche d’informations socio-économiques (IRIS), derrière l'objectif affiché de l'agence d'augmenter « l'efficacité » du réseau de la santé, la CAQ semble encore une fois préparer le terrain pour sa soumission à l'oligarchie québécoise et canadienne.
En 2022, le gouvernement de la CAQ présentait le projet de l’Agence Santé Québec, visant à créer un réseau centralisé pour gérer l’ensemble des institutions municipales et régionales. Il permettra également de subventionner des « prestataires privés » pour qu’ils offrent des « services du domaine de la santé et des services sociaux », tels qu’inscrits dans l’article 23 de la réforme.
Le 29 avril, le ministre de la Santé Christian Dubé annonçait la nomination des membres du conseil d’administration de cette nouvelle agence. À sa tête, il nomme Geneviève Biron, ancienne PDG de Biron Groupe Santé, une chaîne de laboratoires médicaux privés.
Il nomme ensuite au Conseil d'administration Christiane Germain, présidente cofondatrice de la chaîne hôtelière du Groupe Germain et membre fondatrice de la Coalition Avenir Québec.
Au vu des déclarations du gouvernement et des récentes nominations, Anne Plourde réitère que la CAQ ne fait rien de nouveau. S’inspirer du privé et importer ses méthodes de gestion, c’est exactement ce que tous les gouvernements du Québec ont fait dans les dernières décennies:
« On peut se baser sur les conséquences des précédentes réformes pour essayer de prédire ce qui va se produire à la suite de la réforme actuelle, parce que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la réforme actuelle est tout à fait en continuité avec les réformes précédentes. »
« Je pense à la réforme Couillard du début des années 2000 et à la réforme Barrette de 2015, » précise-t-elle. « Ces deux réformes-là ont conduit à une centralisation de la gestion, à des fusions d'établissements, à une accentuation de l'utilisation de méthodes de gestion propres au secteur privé, comme ce qu'on appelle la nouvelle gestion publique, à une accentuation aussi de la privatisation des services. »
Elle ajoute qu'en « analysant le projet de loi et les déclarations du gouvernement actuel, ce qu'on peut constater, c'est que la réforme actuelle s'en va exactement dans la même direction. »
Anne Plourde mentionne également que non seulement cette réforme est loin d’être une innovation, mais rien n’indique qu'elle va réellement améliorer l’état du réseau ni le rendre plus efficace. Les données indiquent plutôt le contraire.
Le privé prend beaucoup de place dans les services de santé au Québec depuis longtemps, et les données qui nous permettent d’évaluer l’efficacité de la gestion 'à la McKinsey' existent:
« Quand on analyse les différents modèles qui existent au Québec et leur capacité à améliorer l'accès aux services, à désengorger le public, à réduire les coûts, à offrir des services de qualité, c'est un échec lamentable. Et ça, les données sont très claires. Les données internationales aussi. »
Il est donc difficile de croire que l'objectif du gouvernement est réellement d'améliorer l'efficacité des services de santé. La nomination de Christiane Germain et de Martine Biron, ainsi que l'organisation générale de la nouvelle agence, laisse penser que cette réforme visera plutôt à faire le bonheur des oligarques amis du gouvernement caquiste, lui-même dirigé par un ancien PDG.
Anne Plourde ajoute que « ce qu'on risque de voir se produire, c'est une accentuation des problèmes qu'on tente de régler en faisant cette réforme-là. [...] Donc, à mon avis, les problèmes de détérioration des conditions de travail, de la qualité des services et de l'accès aux services qu'on constate dans le réseau de la santé depuis un bon moment déjà, risquent de s'accentuer. »