L'Étoile du Nord

La LCBO à vendre?

La gestion des magasins d’alcool de l’Ontario dominée par l’oligarchie canadienne

Temps de lecture:6 Minutes

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La toute première grève des travailleurs de la LCBO est terminée. Alors qu'ils ont obtenu quelques avancées dans leur bras de fer de deux semaines avec l'État, Doug Ford est allé de l'avant avec son plan visant à transférer certaines ventes d'alcool de la LCBO vers les épiceries un an plus tôt. Mais c'est la bataille en coulisses qui devrait retenir l'attention, car les membres du conseil d'administration de la LCBO ont applaudi le travail de sape de M. Ford à l'égard de leur propre société d'État.

Les bénéfices des magasins de la LCBO contribuent à hauteur d'environ 2,5 milliards de dollars au budget annuel de l'Ontario. Selon J.P. Hornick, président du SEFPO, la sous-traitance de la vente d'alcool aux épiceries détournerait les fonds publics « pour aider les PDG des grandes surfaces à s'enrichir encore plus grâce à la vente d'alcool », tandis que le gouvernement perdrait une importante source de revenus sans la remplacer.

Les dirigeants de la LCBO « ont le sens des affaires »

Même le président-directeur général de la LCBO, George Soleas, semble soutenir la démarche de M. Ford. En mars, il a déclaré au Toronto Star que le projet de M. Ford d'autoriser la vente privée d'alcool était « de la musique à [ses] oreilles ». Rien d'étonnant à cela : le grand patron des magasins d'alcool siège également au conseil d'administration du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), aux côtés de représentants de Loblaws, Walmart, Metro et Sobeys.

Le CCCD est une « association commerciale » composée de membres qui se targue d'être la « voix la plus forte du commerce de détail au Canada ». Il représente les intérêts des propriétaires de plus de 143 000 magasins dans tous les formats de vente au détail, y compris les grands magasins, les épiceries, les magasins spécialisés, les magasins de rabais, les détaillants indépendants, les marchands en ligne et les restaurants à service rapide.

Le CCCD a publiquement approuvé la décision de Ford d'accorder des contrats aux grands épiciers. Hornrick a déclaré à PressProgress que le SEFPO considère la position de Soleas au sein du conseil d'administration du CCCD comme un « conflit d'intérêt évident » et une « trahison de la confiance du public ».

Hornrick a ajouté que « durant les sept dernières années où Soleas a été à la fois PDG de la LCBO et membre du conseil d'administration du CCCD, la privatisation des ventes d'alcool en Ontario n'a cessé de s'accentuer ».

Soleas, parmi d'autres, a fait référence à son amour de la « concurrence » lorsqu'il a approuvé ces plans. Ce qui n'est pas dit, c'est que cette concurrence concerne les monopoles de l'alimentation qui ont le don d'éliminer ou de racheter leurs concurrents.

Mais Soleas n'est pas le seul à représenter l'oligarchie canadienne dans l'administration de l'entreprise publique : Claudia Hepburn, cousine germaine de Galen Weston Jr, la tête d'affiche de Loblaws, est membre du conseil d'administration de la LCBO depuis 2021.

Hepburn est également l'ancienne directrice des politiques éducatives de l'Institut Fraser, un éminent « groupe de réflexion » qui a publié des articles plaidant en faveur de la privatisation complète de la LCBO.

Mais ce n'est pas tout : elle siège au conseil d'administration de l'Institut C.D. Howe, un autre groupe de réflexion réputé qui (surprise, surprise) a publié plusieurs articles dénonçant les décisions de grève du SEFPO. Les articles ne s'arrêtent pas là, puisque plusieurs d'entre eux défendent la nécessité de privatiser les ventes d'alcool et de créer une plus grande concurrence dans ce domaine.

Soleas a pu racler 563 000 dollars en 2023 grâce à son poste à la LCBO (61e employé public le mieux payé de l'Ontario).

Comment la LCBO rapporte-t-elle de l'argent à l'Ontario ?

En 2023, les recettes brutes de la LCBO s'élevaient à 7,41 milliards de dollars. Sur ce montant, un revenu net de 2,46 milliards de dollars a été directement versé au budget de l'administration de la province de l'Ontario. Le reste du revenu brut est affecté à des postes tels que les salaires, les coûts et les opérations.

La LCBO réalise des bénéfices sur son alcool de la même manière que n'importe quelle autre entreprise, en majorant le prix du produit par rapport à ce qu'elle a acheté à ses fournisseurs. Tout l'alcool est vendu à un prix standardisé, que l'on peut consulter sur le site Internet de la LCBO. Actuellement, la LCBO est à la fois un vendeur et un grossiste, mais elle réalise un bénéfice plus important lorsque l'alcool est vendu dans son propre magasin

La LCBO réalise toujours un bénéfice sur l'alcool vendu dans les épiceries agréées, mais il est moindre. Pour une bouteille de vin à 14 $, la LCBO gagne 5,97 $ si elle la vend dans une boutique LCBO, contre 4,75 $ si elle la vend dans une épicerie. Ainsi, si la LCBO n'est qu'un grossiste, ses bénéfices sont moindres.

Actuellement, les bénéfices nets de la LCBO sont versés au gouvernement de l'Ontario sous la forme d'un dividende annuel qui aide à financer les programmes et services publics locaux et provinciaux. Cela n'a toutefois pas empêché M. Ford de réorienter les bénéfices des magasins de détail de la LCBO vers les magasins de détail privés, sans que l'on sache s'il existe un autre plan permettant de maintenir les recettes pour les programmes et les services publics.

Liberté économique… Pour les milliardaires de l'alimentation

L'association de Doug Ford avec des PDG et des milliardaires canadiens n'est pas passée inaperçue. En fait, un site web du nom de « So Fund Me » a été lancé pour mettre en lumière les décisions de Ford qui soulignent son soutien à la privatisation. Le site invite M. Ford à « cesser d'amputer les services dont nous dépendons tous. Arrêtez de remplir les poches de vos amis milliardaires. Faites passer l'Ontario avant les milliardaires. MAINTENANT ».

La Coalition des électeurs de l'Ontario a également publié une ligne du temps décrivant les choix politiques de Doug Ford en faveur des PDG, de ses amis et d'importants donateurs du PC. L'un des nombreux exemples énumérés est celui du PDG de Loblaws, Galen Weston, qui a rencontré Doug Ford, en août 2018, pour lui faire part de ses préoccupations concernant le projet d'augmentation du salaire minimum. Peu de temps après, Doug Ford a adopté le projet de loi 47 qui a annulé cette même augmentation de salaire.

Les travailleurs de la LCBO qui étaient sur les piquets de grève ont exprimé un sentiment similaire. Noah, un travailleur de la LCBO de Sauble Beach, a expliqué avec frustration : « Je pense que Doug Ford n'a qu'un seul objectif, et c'est d'aider tous ses copains PDG ; je ne pense pas qu'il soit intéressé à nous aider. »

Les liens de la LCBO avec l'oligarchie canadienne laissent penser que les dirigeants de la société d'État ont l'intention de réorienter les fonds publics vers le secteur privé. Il n'est donc pas surprenant que la LCBO ne veuille pas ouvrir des points de vente plus petits et plus pratiques, comme les succursales rurales de la LCBO. Ces succursales rendraient également l'alcool accessible, un argument clé sur lequel les conservateurs de l'Ontario s'appuient pour justifier la décision de M. Ford de vendre dans les épiceries à grande surface monopolistiques.

Le nombre de points de vente a été limité à 400 dans la dernière entente avec le SEFPO, mais des kiosques ou d'autres endroits plus petits qui emploient réellement des travailleurs de la LCBO pourraient être une solution qui conviendrait à la fois aux travailleurs et à l'intention de M. Ford d'accroître l'accessibilité des ventes d'alcool.

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