L'Étoile du Nord

Débardeurs en lock-out

Les employeurs à blâmer pour les perturbations dans les ports de C-B, selon un expert

Temps de lecture:4 Minutes

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La BC Maritime Employers Association (BCMEA) a mis en lock-out les travailleurs syndiqués, fermant les ports de Vancouver, de Prince Rupert et à travers la province dans la soirée du 4 novembre. Cette action, que l'employeur qualifie de « lock-out défensif », survient après que le syndicat des débardeurs a interdit les heures supplémentaires le matin du 4 novembre, première étape d'un plan d'action de plus en plus important.

Le contrat de la section locale 514 de l'ILWU, qui représente les débardeurs du port, a expiré le 31 mars 2023. Les négociations, y compris les efforts de médiation, n'ont pas abouti à un nouvel accord. La BCMEA a accusé le syndicat de négocier de « mauvaise foi ». Le syndicat a déclaré dans un communiqué de presse du 31 octobre que « la BCMEA et ses membres ne veulent manifestement pas parvenir à un accord, même lorsque les médiateurs fédéraux et les syndicats sont prêts à poursuivre les négociations ».

Pour mieux comprendre les enjeux de ce lock-out, L'Étoile du Nord s'est entretenue avec John-Henry Harter, maître de conférences en études du travail et en histoire à l'université Simon Fraser. Pour M. Harter, « le principal problème dont l'employeur ne veut pas parler, c'est l'automatisation. Et c'était aussi un gros problème à l'été 2023 [lorsque les travailleurs du port de Colombie-Britannique ont fait grève] ».

« Quand on lit les communiqués de presse de la BCMEA et des choses de ce genre, on se rend compte à quel point ces travailleurs sont bien payés et quelle offre formidable ils ont reçue, mais on ne voit pas grand-chose au sujet de l'automatisation. Et le syndicat l'a bien souligné, en disant: le salaire de nos membres n'a pas vraiment d'importance s'ils perdent leur emploi à cause de l'automatisation ».

L'automatisation portuaire a été un problème dans les grèves dans les ports à travers le continent au cours des deux dernières années et est adoptée par les opérateurs portuaires d'une manière importante. Un rapport publié en 2018 par McKinsey & Company, intitulé « The Future of Automated Ports » (L'avenir des ports automatisés), affirme que l'automatisation pourrait réduire les dépenses d'exploitation de 25 à 55% et augmenter la productivité de 10 à 35%.

Des groupes de réflexion comme McKinsey considèrent l'automatisation comme nécessaire et inévitable, un sentiment souvent repris par les employeurs et les médias grand public.

Selon M. Harter, « si les grands employeurs, les capitalistes, décident de remplacer leurs travailleurs par des machines, c'est un choix qu'ils font. Il n'y a pas de fatalité. Cela me dérange vraiment quand les gens présentent la chose comme 'Nous devons accepter de perdre nos emplois à cause de l'automatisation', comme une fatalité, au lieu d'un choix délibéré des capitalistes pour maximiser leurs profits ».

M. Harter souligne que cinq membres seulement de la BCMEA, d'énormes entreprises mondiales telles que Maersk, Cosco et Hapag-Lloyd, ont réalisé 100 milliards de dollars de profits en 2022.

« Ça montre vraiment que l'économie n'est pas pour nous. Ils essaient de nous convaincre que notre intérêt en tant que travailleurs, en tant que classe ouvrière, est le même que celui de ces milliardaires. Par exemple, qui se soucie des bénéfices réalisés par la BCMEA? »

Le jour où la BCMEA a mis ses travailleurs en lock-out, des organisations professionnelles telles que la Chambre de commerce du Grand Vancouver, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont demandé au gouvernement fédéral d'intervenir dans le conflit de travail. Cette tendance est inquiétante pour M. Harter.  

« Ce sont eux qui causent cette perturbation, et tous les groupes d'entreprises vont dire: 'La chaîne d'approvisionnement, ça va coûter aux Canadiens X millions de dollars par jour,' comme si ce n'était pas la BCMEA, les employeurs, qui causaient cette perturbation. »

Après la grève de 2023 de l'ILWU, la BCMEA a déclaré qu'une telle perturbation ne devrait plus jamais se produire. « Je pense que ça montre qu'ils diront et feront n'importe quoi pour s'assurer d'avoir une année encore plus rentable que 2022, où ils ont gagné plus de 100 milliards de dollars », a commenté M. Harter.

M. Harter note que les appels à la désignation des services essentiels et à l'intervention du gouvernement se sont multipliés ces dernières années.

« C'est une pratique courante depuis 50 ans, mais elle s'est intensifiée. Lors de la grève de l'ILWU en 2023, j'ai fait remarquer qu'avant même le début de la grève, alors que le syndicat venait de lancer son préavis de grève de 72 heures, il y avait déjà un article d'opinion dans le Globe and Mail appelant le gouvernement fédéral à intervenir ».

« Je n'avais jamais vu ça auparavant », ajoute-t-il. « Mais ce qu'on constate, c'est que dès qu'un syndicat notifie qu'il va faire grève, on voit des appels à la reprise du travail, des appels à l'intervention de la part de l'employeur et de tous ses alliés. »

« Et je dirais que, depuis que le droit à la négociation collective a été confirmé en 2007 par la Cour suprême, et le droit de grève en 2015, les employeurs font tout leur possible pour attaquer notre droit à la négociation collective et notre droit de grève. »

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