Comment Postes Canada a entravé la grève via Purolator

Alors que les travailleurs de Postes Canada sont contraints de reprendre le travail, il devient clair que la société d'État a pris des mesures sournoises pour contourner la grève. L'afflux soudain de fret et de colis des bureaux du gouvernement vers les grandes entreprises de messagerie telles que Purolator et UPS a soulevé des inquiétudes chez les travailleurs du domaine de l'expédition, qui craignent d'être devenus, sans le vouloir, des briseurs de grève. 

L'Étoile du Nord a pris contact avec Jason*, un coursier de Purolator dans les Prairies, qui a décrit la hausse soudaine du fret et le type de colis qui sont apparus chez Purolator depuis le début de la grève en novembre. 

Dans de nombreuses villes, les travailleurs de Postes Canada ont commencé à faire du piquetage à l'extérieur des centres d'expédition de Purolator pendant leur grève. Les travailleurs avaient signalé que Purolator, de laquelle Postes Canada détient 90% des actions, avait livré des chèques du gouvernement format poste-lettres en tant que colis recommandé Purolator.

Lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu des colis envoyés par le gouvernement du Canada, Jason se « souviens avoir vu des colis du 'CTD' [...], c'est-à-dire que j'ai vu des pièces qui provenaient du 'Centre de traitement des demandes' ».

Les centres de traitement des demandes sont des bureaux centralisés de traitement des demandes de visa et d'immigration pour le gouvernement canadien. 

Postes Canada détient les droits exclusifs de livraison du courrier gouvernemental, mais grâce à une faille juridique, Purolator pouvait livrer le courrier gouvernemental en tant que « colis », contournant ainsi complètement les travailleurs qui se sont portés volontaires pour livrer les chèques gouvernementaux nécessaires pendant leur grève.

Les travailleurs de Purolator ont remarqué un nombre anormalement élevé de colis dans leurs centres de distribution. Des coursiers comme Jason se sont demandé si Postes Canada transmettait ces colis et combien d'entre eux.

« En général, mon centre de distribution traite entre 300 et 400 pieds de fret », explique Jason. « Notre jour le plus chargé de l'année est généralement le mercredi qui suit le Cyber Monday, et nous recevons alors 500, voire 600 pieds de remorque au maximum. Nous avons reçu 1350 pieds de remorque », un soir de grève. 

Le 6 décembre, Purolator et UPS ont été contraints de geler la réception de nouveaux envois en raison de l'immense volume qui transite par leurs centres de fret. 

Bien que les Teamsters, le syndicat qui représente les travailleurs de Purolator, de DHL et d'UPS, aient déclaré qu'ils ne traiteraient aucun colis de Postes Canada pendant la durée de la grève, Jason a assuré que « cela n'arriverait pas de toute façon, même s'il y a une grève; Postes Canada ne peut pas juste dire: 'Prenez nos colis, pour contourner cette grève' ».

En d'autres termes, Postes Canada ne peut pas ouvertement transférer son en retard à sa filiale privée, et les camions de Purolator ne peuvent pas se rendre aux entrepôts de Postes Canada pour y chercher des colis. Selon Jason, « il est indéniable que nous recevons deux à trois fois plus de fret que d'habitude. Je ne pense pas que nos représentants commerciaux soient si bons que ça. »

« Il faut bien que cela vienne de quelque part, et la seule chose plausible c'est de Postes Canada. Je dois faire livrer mes colis, et ils portent une étiquette de Purolator, mais rien n'indique clairement que c'est Postes Canada. C'est plausible. »

Les postiers ont entamé leur grève le 15 novembre pour réclamer de meilleurs salaires et la mise en place d'un plan d'action pour l'entreprise. Postes Canada affiche un déficit de 315 millions de dollars, en grande partie à cause d'une mauvaise gestion. Bien qu'il se soit engagé à ne pas intervenir, le gouvernement fédéral a invoqué l'article 107 du Code canadien du travail, à la grande colère des travailleurs. 

Pour Jason, il était « important que [les postiers] gagnent leur grève parce que j'ai le sentiment que s'ils parviennent à intimider les travailleurs de Postes Canada, ils déploieront leur équipe de négociation et leurs avocats contre nous. Nous négocierons dans deux ans et j'aimerais obtenir un bon contrat, mais il est important que nous soyons forts et que nous les soutenions tous, parce que lorsqu'ils font des gains et qu'ils gagnent, nous en profitons tous. »

*À sa demande, l'Étoile du Nord a publié les déclarations de Jason sous un pseudonyme.