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Maintenant dans leur 20e journée de grève, les postiers tiennent toujours. Au bureau de Chabanel, le deuxième plus grand au pays, « les gens sont vraiment déterminés, confiants, et encore souriants », déclare Guillaume Brodeur, délégué syndical. Lui et son collègue Hugo Charette dénoncent le copinage à Postes Canada et la répression des travailleurs, autant avant que pendant la grève.
« On ne se bat pas juste pour l'argent. On se bat pour le respect, » explique M. Brodeur à l'Étoile du Nord. « Ça fait plusieurs années qu'on se sent humiliés, donc c'est pour ça que les gens sont émotifs. Ils ont envie de se battre. » M. Charette ajoute: « Postes Canada a étiré l’élastique jusqu’au bout, les gens sont tannés. »
La répression de la grève par la société d'État n'arrange pas les choses. Elle a déjà fait des centaines de mises à pied au pays, et coupe les assurances collectives de ses employés. Les cas de travailleurs atteints de maladie incurables perdant leurs assurances s'accumulent.
Mais cette répression avait commencé avant l'arrêt de travail. M. Brodeur explique que Postes Canada est « virée folle en santé et sécurité » au lieu de se concentrer sur l'amélioration du service, particulièrement au niveau des colis.
« De la violence économique »
« Toutes leurs interventions, c'est de zipper notre dossard jusqu'au dernier cran », dit-il. Mais en même temps, « ils harcèlent et intimident les accidentés du travail. Ils donnent des suspensions disciplinaires d'un, trois, cinq jours pour des motifs mineurs. C'est comme si Postes Canada était retombée dans sa vieille tradition de répression qui existait il y a 20-30 ans. »
Il donne l'exemple d'une suspension de cinq jours pour une porte laissée ouverte trop longtemps, ou pour oublier de mettre son frein à main. « Pour nous, c'est de la violence économique. »
De plus, M. Charette renchéri que la société d'État installe en ce moment sur sa flotte de véhicules des traqueurs GPS qui récoltent toutes sortes d'informations sur les travailleurs. « Ils voudraient se donner le droit de discipliner seulement avec la donnée recueillie sur la télématique. »
M. Brodeur ironise: « Ils installent des espions dans nos véhicules. Mettons que la confiance ne règne pas. »
Il ajoute: « On a négligé nos gros colis commerciaux. Il y a des entreprises qui sont juste à côté de notre bureau de poste qui ne sont pas capables d'avoir du service. On est les moins chers du marché et on perd systématiquement des parts! Là, on est rendu en bas de 30% des parts de marché dans le colis, mais on avait 70% il y a quelques années. »
Ils se sentent trahis par la haute direction, lâche-t-il. « Parce que, crime, c'est des incompétents. Moi, je les appelle les non imputables. »
Népotisme et nominations politiques
« Historiquement, Postes Canada, c'est des nominations politiques », explique Guillaume Brodeur. « T'as une clique des conservateurs qui est dans la gestion, mais une clique de libéraux aussi. »
Il continue: « Même y'a longtemps, quand le gouvernement libéral était renversé et les conservateurs rentraient au pouvoir, le lendemain, la personne qui tenait le bureau de poste dans le village le perdait. C'était un ami du parti qui l'avait. Ça a toujours fonctionné de même. Là, c'est peut-être plus subtil. »
« C'est des guerres de clan, et les hauts gestionnaires font rentrer leurs enfants. Ils les placent dans des positions de cadres. La structure de gouvernance est pourrie. Ça fait qu'on n'a pas nécessairement les gens les plus qualifiés au poste de direction. Malgré tout, en 2023, tout le monde a eu son bonus dans les cadres, dans une des pires années financières, » dénonce-t-il.
Selon les deux facteurs, les travailleurs tentent négociations après négociations d'améliorer la situation malgré cette incompétence des cadres. « À chaque négo, on amène une revendication de notre bord sur le travail, mais on amène aussi des solutions pour le service postal », développe Hugo Charette.
« C'est important », appuis alors M. Brodeur. « Dans les pays où il n'y a pas de service public postal, ça coûte une fortune juste d'envoyer une lettre. J'ai vu ça en Colombie, par exemple. À cause de la guerre civile, ils n'ont pas de service public postal. Ça leur coûte l'équivalent de 20$ juste pour envoyer une lettre à la capitale. On ne veut pas ça pour le Canada. »
« Je sais que c'est pas dans l'air du temps, le courrier. Mais ça ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin de ce service qui est tentaculaire, qui va partout. Il suffit juste de le mettre en valeur, parce qu'on peut multiplier l'utilité des bureaux de poste qui sont présents dans chaque village du pays, dans chaque réserve autochtone. »
Pour Hugo, une des façons de changer la situation, « c'est peut-être de revoir comment le C.A. de Postes Canada est nommé. Il pourrait y avoir de la représentation des travailleurs! Je réitère qu'on est à la croisée des chemins. La lutte qu'on mène, c'est pour que notre service postal reste public. »
Il conclut: « En tant que travailleurs, on amène des solutions pour la pérennité du service postal avec une vision de le ramener à un service public qui s'est perdu, tant qu'à moi, avec le temps. C'est vraiment ça qui m'anime le plus dans cette lutte-là. »
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