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Cette lettre a été écrite par un accidenté de la route, suite à notre série d'articles sur le sujet. Il a requis l'anonymat.
Ma vie n'est plus la même depuis que j'ai été tué dans un accident automobile en 2007. Me voilà l'ombre de qui j'ai jadis été. Je suis un fantôme dans mon corps blessé. La SAAQ—les assurances pour lesquelles on paye—nous ghost. Un à deux ans d'attente en moyenne pour faire valoir nos droits, c'est long. En plus, il faut payer les factures des avocats qui doivent nous défendre, car ils savent argumenter pour peut-être espérer être respectés.
Ce n'est pas sans dire que les chocs traumatique d'accidents d'automobile sont difficiles à vivre. C'est encore plus dur quand on doit se défendre contre Goliath qui, grâce à son haut siège de dirigeant, peut décider de qui vit ou meurt. La Société d'Assurance Automobile du Québec (SAAQ) a ma vie entre ses mains.
Avant l'accident, on avait une vie, un train de vie, un salaire. Tout ça est désormais détruit. Que l'on passe par toutes les lettres de l'alphabet, il n'y a pas plus grande souffrance que de se faire manquer de respect par des professionnels de l'arnaque.
Se faire arnaquer, c'est ce que les accidentés ont à subir. Ils ont perdu la santé en plus de la joie de vivre, car le combat auquel ils font face est inégal au départ. Mais quand le groupe Accidentés de la route en Litige avec la SAAQ a été créé, nous sommes devenus un petit peu plus fort, parce que nos voix se font entendre.
Tout de même, mon fantôme et ma vie ont subi plusieurs cicatrices de ce périple.
En 2007, pendant que je conduisais, je suis percuté dans la portière de gauche à une vitesse entre 90 km/h et 100 km/h. L'os à l'intérieur de ma cheville a été brisé par l'accident et quand je marchais, la bosse touchait par terre. Je ne pouvais plus travailler, j'avais trop mal. J'ai été sur le chômage et sur le bien-être social en attendant un règlement avec la SAAQ, qui refusait de reconnaitre mon métier d'opérateur de machinerie lourde. J'avais pourtant un diplôme et des preuves d'emploi.
Et ça continue. Douleurs, diagnostic erroné, diagnostic corrigé, opération pas faite au moment opportun. En 2014, sept ans après mon accident, j'ai dû cesser toute consommation de cannabis pour cause de psychose. J'ai rencontré mon psychiatre qui n'a jamais fait de lien entre l'accident et ma consommation pour cause de douleurs.
Le psychiatre ne voulait pas se prononcer sur ma maladie mentale, il m'a suivi 12 ans et jamais n'a voulu faire un rapport à la SAAQ pour m'aider. Il dit simplement que je suis schizo-affectif. Mais quel terme professionnel pour éradiquer la source du problème—mon accident automobile—qui a causé la douleur que j'ai été obligé de contrer avec le cannabis!
Tout cela a créé de plus grands trous monétaires. Ça a seulement aidé comme béquille, pour palier à l'incommensurable attente à laquelle on se doit de faire face.
En 2015, on a consolidé ma cheville (encore brisé et l'os touchait toujours à terre). La SAAQ m'a fait signer une entente quand je n'étais même pas apte à m'occuper de moi-même. J'étais sous l'effet de l'Abilify, un médicament qui, aujourd'hui, à un recours collectif contre lui. L'effet de ce médicament fait que le patient n'est pas en état de juger pour lui-même, et ça s'ajoutait aux effets de ma psychose de 2014 (4 mois à l'hôpital psychiatrique). Mes parents faisaient tout pour moi, de A à Z, et ils n'ont jamais obtenu d'aide à domicile pour moi.
Donc, on m'a traité pour cause de psychose. Et ce fut terminé, on m'a dit: ne parle plus de la SAAQ, on ne peut pas t'aider.
Me voilà ensuite dans un retour au travail progressif sur la construction, comme opérateur de machinerie lourde. J'ai travaillé huit ans après avec ma cheville encore cassée et j'ai tant souffert que je ne faisais que travailler, rien d'autre. Les autres membres de ma famille et ma femme s'occupaient de la maison.
Il y a de cela un an, je me suis effondré, plus capable de marcher. J'ai finalement été opéré à la cheville et ça récupère tranquillement. Seize ans de souffrances et ce n'est pas fini. J'ai toujours mon combat avec la SAAQ.
La société d'État m'a abusé et profité de mon état psychotique pour me faire abandonner, je dénonce cela aujourd'hui. Ils m'ont fait une offre dérisoire qu'on a dû accepter parce que nous n'avions plus les moyens. Ils avaient épuisé toutes mes ressources. J'ai passé de 2007 à 2015 à attendre et à souffrir. Pour calculer l'argent qu'ils me devaient, ils m'ont assigné un métier à 17$ de l'heure à la place du métier que je faisais vraiment.
Le manège recommence maintenant suite à mon opération. Combat entre avocat et SAAQ, on ne sait plus quoi faire. Il y a des délais administratifs et des problèmes délais incommensurables entre l'opération et la date au Tribunal Administratif du Québec. Ça fait déjà un an depuis l'opération, et j'attends toujours et encore qu'on me reconnaisse mon travail où je gagnais 1400$ par semaines environ. J'avais travaillé d'arrache-pied pour construire ma vie et à présent, depuis juin 2024, on me paye 520 dollars par semaine. C'est l'équivalent du salaire minimum à temps-plein.
Il faut raconter nos histoires pour voir à quel point ils misent sur l'attente, l'épuisement mental, physique et moral, jusqu'à ce qu'on abandonne, car les montants auxquels nous avons réellement droits sont faramineux. Voilà le vrai pourquoi ils ne veulent pas nous rétablir vraiment. Ils veulent nous voir mourir, parce que nous sommes une nuisance pour eux et leur luxe.
À quand l'aide financière? Je n'en peux plus. Merci d'entendre que ASSEZ, C'EST ASSEZ. LA SAAQ ENTENDEZ MON CRI.
CELA VENAIT DU CŒUR ET MON CŒUR EST PRESQUE EN FEU, TELLEMENT JE SUIS SUBJUGUÉ DE CES ACTES DE MÉCHANCETÉ MANIPULATRICES ENVERS DES GENS HONNÊTES ET VRAIS.
Chers amis, continuez votre combat, le meilleur est à venir.
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