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Les éducatrices en CPE sont dans un bras de fer interminable avec le gouvernement depuis presque deux ans. Alors que les membres de la CSQ ont ratifié leur contrat le 22 décembre, le ministère de la Famille refuse aux syndiquées de la CSN de bonnes augmentations salariales et veut augmenter le ratio d'enfants par éducatrice.
L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Félix (nom d'emprunt), un éducateur en CPE, en voie d'obtenir sa qualification légale. Il fait partie d'un des syndicats qui n'a pas de contrat de travail depuis près de deux ans. Selon lui, le gouvernement caquiste accorde très peu de valeur au travail des éducatrices en Service de Garde Éducatifs à l'Enfance (SGEE).
« Le salaire est épouvantable », lance-t-il d'emblée. « Le salaire des non qualifiés est de 18,50 $ de l'heure. Je ne connais pas grand monde qui ferait ce travail-là pour 18,50$. Quand tu obtiens ta qualification, c'est 21$ de l'heure. C'est un peu une blague. »
La CAQ a fait une première offre d'augmentation salariale de 12% sur cinq ans qui a été refusée par les syndicats. Ces derniers avaient dit être surpris de ne pas avoir au moins 17,4%, le montant obtenu par le Front commun.
Une recherche rapide sur des sites comme Indeed ou Glassdoor permet de trouver plusieurs postes sans expérience, dans de grandes chaînes de restauration, ayant un salaire d'entrée supérieur à celui des éducateurs non qualifiés. Pour les éducateurs ayant reçu leur qualification, on parle plutôt d'un salaire inférieur à celui d'un préposé à l'entretien ménager ou d'un aide-cuisinier dans un CHSLD.
Une éducatrice qualifiée à l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, gagne 30$ de l'heure dès sa deuxième année de travail. Il s'agit d'une augmentation de 50% par rapport à leur salaire en 2021. Alors que le salaire d'entrée à l'Île-du-Prince-Édouard s'apparente à celui du plus haut échelon au Québec, ce sont 95% des éducatrices qui sont qualifiées dans la province de l'Est, contre 78% au Québec.
Pour combler le manque de personnel qualifié, beaucoup de SGEE font appel aux agences de placement, explique Félix. « On vit un peu ce que le milieu de la santé vit, c'est-à-dire que les agences prennent énormément de place. Par exemple, si j'allais travailler en agence privée de remplacement, je serais payé 22$ de l'heure. Donc, il y a beaucoup de gens qui vont aller dans les agences de remplacement. Ça fait en sorte que les enfants n'ont pas de stabilité parce qu'ils ont plein de remplaçants. »
Pour Félix, les agences profitent de l'exode de la main-d'œuvre qualifiée pour faire du profit. « Elles se font du cash là-dessus. Par exemple, elles vont envoyer un remplaçant payé 21$ de l'heure. Ils ne demandent pas 21$ de l'heure par contre, ils vont demander à peu près 26$ au CPE. »
Autre demande des syndiquées, abaisser les ratios d'enfants par éducatrice. En ce moment, le ratio pour les enfants en bas de 18 mois est d'une éducatrice pour cinq enfants.
Le ratio pour les enfants de 18 à 4 ans (huit enfants par éducatrice) doit aussi être revu à la baisse, selon les syndicats.
Or, selon Félix, la CAQ ne veut rien savoir. « C'est une des demandes qui est la plus difficile à faire entendre au gouvernement parce qu'il manque beaucoup de places en CPE. Donc, la CAQ veut augmenter nos ratios au lieu de les diminuer. Parce qu'elle veut créer plus de place en CPE, mais elle ne trouvera personne pour travailler avec des ratios plus élevés. »
Selon l'éducateur, la CAQ a rompu avec la mission éducative à l'origine des CPE. « Pour eux, la question des CPE, ce n'est pas une question d'éducation à la petite enfance. C'est une question de garder les enfants pour les parents qui travaillent. »
« La création des CPE, c'est il y a 27 ans. Au départ, le but des CPE, c'était d'assurer à toutes les familles, surtout les familles ouvrières qui n'ont pas beaucoup d'argent, qu'elles puissent avoir accès à un milieu de garde éducatif. Parce que ce n'est pas tous les milieux de garde qui étaient éducatifs. »
Les éducatrices de CPE syndiqués avec la CSN se sont dotées d'un mandat de grève de cinq jours pour faire débloquer les négociations. Elles ont également déposé à l'Assemblée nationale une pétition en appui à leurs revendications qui a récolté 20 000 signatures.
Pour leur part, les responsables de services de garde éducatifs en milieu familial syndiqués avec la CSN et la CSQ ont obtenu des ententes de principe avec le ministère de la Famille plus tôt au mois de décembre.
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