L'Étoile du Nord

Revue de l’année

2024 au Québec—Accélération marquée de l’effritement du filet social

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Le gouvernement caquiste de François Legault n'a pas chaumé en 2024. Celui-ci a utilisé sa supermajorité à l'Assemblée nationale pour continuer à adopter des politiques dénoncées autant par les syndicats, que les organismes communautaires et que les groupes militants. Ceux-ci affirment que l'État québécois s'attaque aux travailleurs, aux pauvres et aux locataires plutôt qu'à l'inflation, à la crise du logement et à l'avarice du secteur privé.

La CAQ a continué ses réformes qui visent à augmenter « l'efficacité » et la « flexibilité » pour les travailleurs du public et de la construction. Ces mesures attaquent les conditions de travail de centaines de milliers de personnes et alignent le fonctionnement des services publics sur celui du secteur privé à but lucratif. On retrouve par exemple dans cette lignée la mise en place de l'agence Santé Québec et l'adoption du projet de loi 69, qui vise à augmenter la place du privé dans le secteur hydroélectrique.

L'élite politique de la province ne cesse d'utiliser l'état déplorable de ses services publics afin de justifier la privatisation partielle ou totale de ceux-ci. De l'autre côté, plusieurs experts accusent ce même gouvernement de saboter volontairement ces services à travers une mauvaise gestion et des compressions budgétaires. On pense notamment aux coupes dans les services de transport en commun, au gel des embauches dans les écoles qui elles-mêmes sont déjà sous-financées et tombent en ruine, ainsi qu'aux coupures massives dans les programmes de francisation. 

Une utilisation douteuse de nos impôts

Les fonds publics économisés par ces mesures d'austérité semblent rarement retourner dans les poches des travailleurs québécois ou dans les services publics. Quelques exemples symboliques ont marqué la population en 2024, alors que le fameux match préparatoire des Kings ayant coûté 5 à 7 millions de dollars aux contribuables s'est enfin déroulé en octobre.

De plus, en 2024, il a été révélé que le premier ministre s'est acheté un chandail autographié de Guy Lafleur pour près de 1 300$ d'argent public. Des experts estiment qu'il s'agirait de la pointe de l'iceberg, alors que les dépenses avec des cartes de crédit gouvernementales passent souvent inaperçues. 

La véritable masse de ces fonds publics gaspillés se retrouve cependant du côté des subventions aux amis oligarques du gouvernement Legault et de leurs compagnies en faillite. On parle notamment de 710 millions de dollars investis dans l'entreprise suédoise de fabrication de batteries Northvolt, mise à l'abri de ses créanciers en novembre. Un prêt de 7,5 millions d'argent public s'est également ajouté aux dizaines de millions de dollars précédemment accordés à Lion Électrique, entreprise québécoise qui envisage également la faillite. 

Des abus dans le privé

Pendant qu'ils s'engraissent avec les impôts des travailleurs québécois, le secteur privé québécois les exploite également. En réponse à l'historique syndicalisation d'un entrepôt d'Amazon à Laval, la multinationale américaine a carrément attaqué le Code du travail québécois en disant qu'il est anticonstitutionnel. Elle cherchait à retirer aux travailleurs québécois le droit de se syndiquer quand plus que 50% des travailleurs signent une carte.

Les grandes entreprises hôtelières ont aussi essayé de prendre avantage de leurs travailleurs, mais comme pour Amazon, les travailleurs ne se sont pas laissés faire. Plus de 30 syndicats ont négocié ensemble, réclamant une augmentation de 9% par année. Plusieurs l'ont obtenue, alors que d'autres poursuivent leur combat, ponctué de grèves surprises ou illimitées contre des patrons adeptes de scabs et de paradis fiscaux

La crise du logement accentuée

L'année qui vient de se terminer était aussi difficile pour les locataires. Les propriétaires peuvent désormais refuser les cessions de bail sans justification, grâce à l'adoption du projet de loi 31 par la ministre du Logement et promotrice immobilière France-Élaine Duranceau. Les problèmes créés par cette mesure s'ajoutent à l'enjeu dramatique du prix des logements, alors que le loyer moyen au Québec est passé de 760$ lors de l'élection de la CAQ en 2018 à 1 119$ en fin 2024.

Les organismes de défense des locataires font un lien entre cette hausse fulgurante du prix des logements et la crise de l'itinérance. En 2024, ce sont 15% des locataires montréalais qui rapportaient avoir connu un épisode d'itinérance, contre 10% en 2023. En réponse à la problématique grandissante, plus de 100 campements d'itinérants ont été démantelés à Montréal entre janvier et mai 2024 uniquement. Certains des démantèlements ont entrainé l'intervention de policiers antiémeutes et à l'arrestation de militants souhaitant défendre les campements.

Une répression inquiétante

Ce ne sont pas que les activistes défendant les itinérants qui ont dû faire face à la répression au Québec l'année dernière. Alors que de nombreux campements d'étudiants propalestiniens ont été violemment démantelés par la police, les chroniqueurs des grands médias en ont profité pour attaquer leur mouvement. Ceux-ci sont allés jusqu'à traiter les étudiants de supporters du terrorisme, tout comme ils l'ont fait pour les manifestants qui dénonçaient la session de l'OTAN à Montréal.

Vers une autre année de réformes agressives?

Les premières années du gouvernement de François Legault ont été plutôt calmes. Avant la pandémie de COVID-19, la CAQ n’avait eu qu’environ un an pour s’installer au pouvoir. Mais la crise pandémique a rapidement accaparé toute l’attention des ministres, de 2020 au début de 2023. C’est après cette période que le véritable visage de la CAQ a commencé à se dévoiler.

Au final, 2024 a fini par être l'année de l'adoption des réformes agressives: la fin de la cession de bail, Santé Québec, la construction. Pendant ce temps, les syndicats n’ont pas réussi à mobiliser leurs membres assez fortement pour freiner ces transformations majeures.

À moins que les travailleurs poussent leurs centrales à agir, 2025 risque de suivre la même voie. Cependant, l'expiration des conventions collectives collectives dans la construction et les négociations à venir entre les associations patronales et les syndicats pourraient offrir une occasion pour ceux-ci de renverser la tendance.

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