L'Étoile du Nord

Génocide en Palestine

Finalement un cessez-le-feu à Gaza, mais tiendra-t-il?

Abonnez-vous à notre infolettre:

Même si de moins en moins de personnes y croyaient, Israël et le Hamas ont annoncé un cessez-le-feu hier. Celui-ci devrait prendre effet dimanche. Depuis l’annonce, l’armée israélienne aurait intensifié ses attaques et aurait déjà tué environ 116 personnes. Pendant ce temps, le gouvernement israélien remet en question l’accord, bien que la ratification est encore possible.

Le cessez-le-feu a été négocié en collaboration avec les dirigeants du Qatar, des États-Unis et de l’Égypte. Ceux-ci l’ont comme « une opportunité de paix », malgré les attaques israéliennes qui se poursuivent.

L’accord est progressif et devrait s’exécuter en trois phases. Selon ses termes, la coalition palestinienne devrait remettre en liberté 33 otages en échange de prisonniers palestiniens. Six-cents camions d’aide humanitaire pourront entrer chaque jour dans la bande de Gaza, mais les ONG et les dirigeants du Hamas déclarent ce nombre insuffisant. Ils auraient besoin de plus de mille camions par jour.

Jeudi, Médecins Contre le Génocide a souligné le besoin urgent de permettre un accès illimité à l’aide humanitaire, médicale et de secours. L’organisation a aussi demandé la tenue d’enquêtes sur les crimes commis par Israël dans la bande de Gaza, ainsi que sur le ciblage des professionnels de la santé et des journalistes.

Dans une déclaration publiée à la suite de l’annonce du cessez-le-feu, l’organisation a demandé la libération immédiate et inconditionnelle des professionnels de la santé détenus dans les prisons israéliennes. Elle a également demandé que ces professionnels soient protégés comme l’exige le droit international.

Conférence de presse après l'annonce du cessez-le-feu. Source: Flickr, @sukoff

De la joie et du scepticisme

Des témoignages de l’intérieur de la bande de Gaza rapportent que les habitants ont éclaté de joie quand ils ont appris la nouvelle du cessez-le-feu. Umm Mohamed, une femme de 66 dont deux enfants sont décédés sous les bombes, a déclaré à Al Jazeera: « Dès qu’il y aura un cessez-le-feu, je vais retourner à Beit Hanoon, dans le nord de la bande de Gaza, et je vais embrasser ma terre. »

« Ce que j’ai compris pendant cette guerre, c’est que ta maison, ta patrie et tes enfants sont tout ce que tu as », ajoute-t-elle. De son côté, Mohamed Abu Rai, un médecin de 47 ans, déclarait: « J’ai des sentiments mitigés… mais je prie Dieu pour que nous puissions retourner à nos vies normales sans ressentir d’insécurité. »

Le Mouvement de la Jeunesse Palestinienne (MJP) d’Ottawa est également sceptique face à la situation. Dans un communiqué, il rappelle qu’après 15 mois de guerre, « le peuple palestinien a payé le prix le plus élevé qui soit pour rester sur sa terre. Chaque partie de Gaza est profondément détruite et, malgré l’annonce d’un cessez-le-feu, Israël poursuit sa campagne de bombardements incessants tandis que plus d’un million de Palestiniens continuent d’endurer la misère et l’indignité de la vie dans des tentes pour réfugiés ».

Et ils semblent avoir raison d’être inquiets. Le ministre Bezalel Smotrich, du Parti national religieux–Sionisme religieux, menace de quitter la coalition gouvernementale. Son départ pourrait faire tomber le gouvernement, à moins que l’opposition désire le garder en place. Le parti intégriste religieux dénonce le cessez-le-feu comme une « catastrophe » et réclame le retour en guerre dès que possible.

Itamar Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, qualifie cet accord d’« irresponsable » et affirme qu’il « effacerait les réussites de la guerre ». Il envisage aussi de démissionner. Pourtant, les « réussites » dont il parle restent floues. Aucun des objectifs déclarés de la guerre n’a été atteint: le Hamas n’a pas été détruit, et Israël ne s’est pas imposé clairement comme une puissance intouchable au Moyen-Orient.

Suite aux menaces de ses ministres, Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien, a déclaré que le Hamas tentait d’extorquer des concessions de dernière minute. « Le cabinet israélien ne se réunira pas tant que les médiateurs n’auront pas notifié à Israël que le Hamas a accepté tous les éléments de l’accord, » a-t-il déclaré par communiqué.

Pourtant, de son côté, le Hamas dément ces accusations. Mercredi, le groupe islamique exprimait sur leur site web leur gratitude pour le support international à leur cause, et remerciait « tout particulièrement les médiateurs qui ont déployé de grands efforts pour parvenir à cet accord, en particulier le Qatar et l’Égypte. »

Mais voilà que ce matin, le cabinet de sécurité israélien a accepté l’accord. C’est une étape importante vers la ratification par le gouvernement qui pourrait arriver bientôt, malgré l’incertitude. Toutefois, les experts doutent davantage que l’accord tienne après la première phase.

Benjamin Netanyahu. Source: Flickr, @SpeakerBoehner

Un combat qui n’est pas terminé

Le MJP tenait à rappeler que cet accord n’en finit pas réellement avec la guerre. « Avant le 7 octobre, Gaza était soumise à un blocus terrestre, aérien et maritime depuis 2007. Les Palestiniens de Gaza recevaient moins de trois heures d’électricité par jour, ce qui limitait l’accès aux services médicaux nécessaires, aux médicaments, à la nourriture et à l’eau potable ».

Il ajoute: « Après ce cessez-le-feu, la bande de Gaza reste soumise à ce siège brutal qui dure depuis 16 ans. Au fil du temps, le siège israélien a méthodiquement sous-développé la bande de Gaza au point qu’elle a été jugée “inhabitable” par les Nations Unies en 2020. Ce fait est encore plus évident après la destruction complète de la totalité de la bande de Gaza par Israël. Il faudra des décennies aux Palestiniens pour reconstruire les milliers de maisons et les infrastructures civiles détruites par Israël. »

« À la suite de l’accord de cessez-le-feu, les personnes de conscience exigent un embargo complet sur les armes à destination d’Israël et la fin du blocus qui a conduit aux conditions horribles qui régnaient à Gaza avant le 7 octobre », demande le MJP.

Il exige également que le gouvernement canadien coupe ses liens avec Israël et tienne le pays « responsable de ses crimes de génocide, d’apartheid, d’occupation illégale et de vol des terres palestiniennes. »

Soutenez le journalisme à contre-courant ← Pour aider l'Étoile du Nord à continuer à produire des articles du point de vue de la majorité et dans l'intérêt de la majorité, faites un don! Chaque contribution est précieuse.