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C’était prévisible, vu la colère grandissante contre lui: Justin Trudeau a annoncé sa démission comme chef du Parti Libéral et premier ministre ce matin. Il compte toutefois attendre que son parti ait « choisi son prochain chef à l’issue d’un processus solide, national et compétitif », précise-t-il.
« J’ai conseillé à la gouverneure générale de convoquer une nouvelle session du Parlement », a-t-il ajouté en conférence de presse. « Elle a accédé à cette demande et le Parlement sera prorogé jusqu’au 24 mars. »
La prorogation est différente d’un ajournement. Par exemple, pour le temps des fêtes, le parlement a été ajourné, donc mis en pause. Les travaux auraient donc dû reprendre là où ils ont été laissés en décembre. Cependant, on parle ici d’une nouvelle réunion des élus. Ainsi, tous les projets de loi qui n’ont pas été adoptés seront abandonnés et devront être réintroduits. C’est comme appuyer sur le bouton reset.
La gouverneure générale, Mary Simon, a donc repoussé le retour au parlement des députés pour donner au parti des Trudeau la possibilité de choisir un nouveau chef. Ce pouvoir est attribué à la gouverneure générale en tant que représentante du roi d’Angleterre et est inscrit dans la constitution canadienne. Il ne nécessite aucun processus démocratique.
Une tentative d’éviter le naufrage
« Je ne pense pas que la démission de Trudeau va changer grand-chose pour son parti ou pour l’opposition », explique Alexis Lafleur-Paiement, doctorant en philosophie politique et chargé de cours à l’Université de Montréal. Il est spécialiste de la théorie politique, du gouvernement et des conflits sociaux.
« D’un côté, le Parti libéral et le NPD restent extrêmement impopulaires. D’un autre côté, le Parti conservateur est pratiquement sûr de former le prochain gouvernement, avec une forte majorité. » Il ajoute qu’un nouveau chef pourrait aider un peu les libéraux, mais pas leur permettre de rattraper les conservateurs à court terme.
En effet, les dernières projections de Canada338 placent le Parti Libéral troisième en nombre de députés élus. Si des élections avaient lieu aujourd’hui, le réputé site d’analyse politique prédit que le Bloc Québécois serait l’opposition officielle au parlement canadien avec 45 sièges, devant les libéraux à 35 sièges. Les conservateurs en auraient 236.
« La démission de Justin Trudeau ne change pas grand-chose pour les Canadiens à court terme », commente M. Lafleur-Paiement. « Par contre, cette démission annonce presque certainement des élections fédérales au printemps 2025 et, sauf revirement miraculeux, elles amèneront un gouvernement conservateur majoritaire. »
Il termine: « Dans ces circonstances, les travailleurs doivent se préparer à lutter pour leurs droits dans les prochaines années. Pierre Poilièvre, le chef du Parti conservateur, a clairement dit qu’il avait l’intention de favoriser la grande industrie, de réduire les impôts des riches, de couper dans les services publics et de casser les syndicats. On doit s’attendre à un conflit ouvert entre, d’un côté, le prochain gouvernement conservateur et les patrons et, d’un autre côté, les travailleurs. »