L'Étoile du Nord

Développement immobilier à Montréal

Les profits avant les besoins dans le futur quartier Molson à Montréal?

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Une organisation de défense des locataires se dit inquiète de la construction d'un quartier de riches sur le terrain de l'ancienne brasserie Molson, à Montréal. L'Étoile du Nord s'est entretenue à ce sujet avec Léandre Plouffe du comité de Base pour l'Action et l'Information sur le Logement Social (BAILS), situé dans Hochelaga-Maisonneuve.

Des promoteurs immobiliers ont annoncé à la mi-décembre leur plan pour un développement de 5 000 unités de logement sur le site, dans le quartier Ville-Marie. Mais l'arrondissement occupe le premier rang dans l'indice de pauvreté à Montréal. Près d'un ménage sur cinq doit y consacrer 80% ou plus de son revenu pour se loger. Le quartier concentre également une part importante de la population itinérante de Montréal.

Pour Léandre Plouffe, la création de ce nouveau quartier risque de mener à l'expulsion des classes populaires de l'arrondissement. 

« Le plan, c'est d'attirer plus de touristes, c'est ça que le promoteur du quartier Molson dit. On veut attirer plus de riches à Montréal, dans les quartiers centraux. Et là, c'est une espèce de gros, gros plan accéléré de transformation majeure de la ville. Ce n'est pas démocratique, et ce n'est pas souhaitable. »

Source: groupemontoni.com

Le groupe Montoni, qui est derrière le projet, explique vouloir construire des bureaux (pour lesquels les taux d'inoccupation ont grimpé jusqu'à 17,9% à Montréal depuis 2020), des immeubles résidentiels, des commerces et un hôtel sur le site de l'ancienne brasserie.

Selon Plouffe, ces objectifs ratent la cible. « Ce qu'on est en train de faire, c'est qu'on est en train de répondre à des besoins qu'on a artificiellement créés pour des classes d'affaires, pour des classes créatives, pour de nouveaux riches, pour des gens de l'extérieur, pour les attirer ici. Puis, on va construire des commerces et offrir des services autour qui sont destinés à ces populations-là. »

D'autre part, les besoins en services de proximité sont grandissants dans le quartier. L'an dernier, le Centre de services scolaires de Montréal a évincé huit organismes communautaires (garderie, banque alimentaire, comité BAILS) d'un de ses bâtiments pour en reprendre les locaux.

Toutefois, le plan du quartier Molson n'inclut pas d'école, de centre de la petite enfance (CPE) ou de centre local de services communautaires (CLSC). Avec l'aménagement du futur Quartier des lumières sur le site de l'ancienne tour Radio-Canda, à côté de la brasserie Molson, la demande pour ces services risque d'exploser.

Si des services de proximité sont créés, ceux-ci risquent d'être privés, souligne l'organisateur du comité BAILS. « Ça va sûrement être des services qui vont permettre aux personnes qui sont riches, qui habitent dans les nouvelles constructions, de faire garder leurs enfants, d'obtenir de l'éducation, des soins, etc. Moi, c'est ça ma crainte. »

Pour l'organisateur communautaire, il s'agit du symptôme d'un développement immobilier motivé par la recherche du profit. « Ce qu'il faut pointer du doigt selon moi, c'est l'oligarchie, c'est-à-dire une poignée de personnes extrêmement fortunées qui s'approprient des richesses et décident des grands axes de développement territoriaux, d'aménagement du territoire. »

Léandre Plouffe déplore également l'absence de consultations publiques réelles sur le développement du parc immobilier dans le secteur. « Juste aller poser des questions dans l'arrondissement, ici, à Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, c'est rendu difficile. Si on ne suit pas exactement le décorum, ils nous sortent avec la police et on n'a pas de recours. »

Une citoyenne de l'arrondissement a d'ailleurs été expulsée du conseil d'arrondissement par le maire Pierre-Lessard Blais le mois dernier. La Ligue 33, une autre organisation du quartier, avait dénoncé ce geste sur Facebook, après avoir été, elle aussi, expulsée du conseil.

Selon eux, la citoyenne demandait au maire « d'arrêter d'éviter ses questions et d'y répondre sérieusement. » Elle aurait été ensuite détenue par la police pendant plus d’une quinzaine de minutes. Dans la publication, la Ligue 33 « condamne ces gestes despotiques. Sous la gouverne de Projet Montréal, MHM a l'allure d'une république de banane, avec un dirigeant qui méprise la population et utilise la répression pour faire taire ceux qui posent des questions et pointent les anomalies. »

Expulsion de la citoyenne, 3 décembre 2024.

M. Plouffe explique que tous les acteurs du quartier plaident depuis des années pour plus de logements sociaux et pour trouver des solutions face à la crise du logement. « Mais voilà, le résultat, c'est qu'on va construire un nouveau quartier de riches dans le centre-ville. »

Selon lui, trouver de nouvelles façons de faire face au phénomène s'impose. « Il y a des gens qui sont sur des listes d'attente pour les HLM depuis 10-20 ans. Donc, à court terme, il va falloir réfléchir à de nouvelles stratégies pour contrer ces phénomènes-là qui affaiblissent la population du quartier, les résidents et résidentes qui sont les plus vulnérables. »

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