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La multinationale américaine de commerce électronique Amazon a annoncé mercredi qu'elle fermerait toutes ses activités dans la province de Québec. Cette nouvelle a provoqué une onde de choc au sein du mouvement syndical, y compris en Colombie-Britannique, où Unifor se bat pour obtenir l'accréditation syndicale au centre d'exécution delta YVR2.
« Du point de vue d'Unifor, nous sommes déçus pour les travailleurs de ce centre », a déclaré Justin Gniposky, organisateur d'Unifor, lors d'une entrevue avec L'Étoile du Nord.
« Qu'il s'agisse des membres de la CSN ou des membres non syndiqués, il y a environ 2 000 travailleurs dans ce centre. Et ces emplois ne sont pas nécessairement disparus, mais ils parlent de sous-traitance [...] Nous avons déjà vu ça auparavant. Lorsque Zellers a fait faillite, Target a joué le même jeu. C'est le même cas pour les contrats dans le secteur de l'aviation. Il n'y a rien de plus indigne que d'obliger les travailleurs à postuler à nouveau pour leur propre emploi, avec certainement moins d'argent et moins d'avantages. »
« Nous avons envoyé un message de solidarité à la CSN, et tu sais, ce n'est pas un de nos alliés les plus proches. Nous avons eu une histoire troublée. Mais dans cette situation, nous réalisons tous les deux que cette lutte concerne les travailleurs de ces installations et qu'elle est plus importante que toute l'animosité que nous avons eue auparavant. La CSN est claire. Cette lutte ne s'arrêtera pas là. Ils ne tourneront pas le dos à ces travailleurs, y compris à leurs 300 membres, et nous serons là pour les soutenir. Et je pense que le mouvement syndical en général va devoir se pencher sur la question! »
Unifor est actuellement en procès contre Amazon devant le B.C. Labour Relations Board (BCLRB). Le syndicat a retiré une première demande d'accréditation en avril, après qu'Amazon a fait état d'un « nombre étrangement élevé d'employés » sur le site.
Amazon a été accusée d'embaucher du personnel saisonnier, à temps partiel, voire inutile, afin de falsifier le nombre d'employés inscrits dans les registres et de faire obstacle à l'accréditation syndicale. En Colombie-Britannique, un syndicat peut être accrédité lorsque 55% des employés signent une carte syndicale.
Ces pratiques antisyndicales ont été signalées à l'entrepôt DXT4 de Laval, au Québec, où les travailleurs ont récemment obtenu l'accréditation, à l'entrepôt BHX4 de Coventry, en Angleterre, et ailleurs.
« Nous sommes en ce moment même devant le conseil des relations du travail », a déclaré M. Gniposky. « Nous soutenons que ces travailleurs auraient dû être certifiés immédiatement et qu'Amazon a violé la loi sur les relations de travail à plusieurs égards. Premièrement, en falsifiant leurs nombres d'employés. »
M. Gniposky a décrit une « vague » de communications antisyndicales illégales de la part d'Amazon:
« Ça inclut des réunions avec un public captif. Ça inclut littéralement toutes les télévisions de l'endroit, tous les panneaux d'affichage, toutes les petites pancartes sur les objets, tous contenant des messages sur l'horreur que représenterait pour eux l'existence d'un syndicat. Et, bien sûr, ça signifie qu'il faut placer des cadres dans l'entreprise et leur demander d'organiser ces réunions et de parler à chaque travailleur, tous les jours, de ce qu'il pense du syndicat ».
« Nous sommes optimistes, nous croyons fermement en notre dossier et nous pensons que [la BCLRB] nous accordera une accréditation corrective, et nous avons l'intention d'entamer des négociations immédiatement ».
M. Gniposky, qui a assisté aux réunions de la BCLRB, constate une profonde contradiction entre les paroles et les actes d'Amazon:
« Ces personnes essayent de démontrer, en ce moment même, devant le vice-président du conseil d'administration de la Colombie-Britannique, que la seule raison qu'ils ont tellement de gérants là-bas, c'est parce qu'ils se soucient des travailleurs. Les travailleurs sont la première et la principale composante de leur entreprise, ils sont essentiels, et ils veulent s'assurer qu'ils apportent des changements afin que le lieu de travail soit meilleur pour les travailleurs. Et dans le même souffle, ils viennent de mettre 2 000 personnes au chômage au Québec, pour ce qu'ils disent être spécifiquement à cause des profits ».
« Ils dépensent des millions, des dizaines de millions, voire des centaines de millions pour lutter contre les syndicats dans toute l'Amérique du Nord, y compris ici même en Colombie-Britannique, mais ils ne peuvent pas payer pour fonctionner au Québec pour une raison ou une autre. Et pourtant, en contrepartie, ils dépensent tout cet argent pour augmenter le personnel [ailleurs]. »
« Il y a des gens qui font rien qu'arracher du ruban adhésif des planchers pour augmenter le nombre d'employés. Des tâches qui doivent pas être faites plus qu'aux six, sept ou huit mois se font faire aux deux semaines. Il y a trois ans, il n'y avait personne à cette installation; aujourd'hui, il y a des gens qui font rien que de traîner ».
Bien que M. Gniposky prenne très au sérieux les menaces et les manœuvres d'Amazon au Québec, il ne pense pas qu'elles mettront un terme aux efforts des travailleurs d'Amazon au Canada pour se syndiquer.
« Cela va-t-il freiner les campagnes de syndicalisation? Et quel est le message adressé aux travailleurs? La solution la plus simple consiste à dire que si vous adhérez à un syndicat chez Amazon, vous perdrez votre emploi. Mais je dirais que le message aux travailleurs ici est un peu différent. Le message aux travailleurs devrait être: ça peut vous arriver n'importe où, et la meilleure façon de vous protéger est de conclure une convention collective, quel que soit le syndicat ».
« Les travailleurs regardent la situation en face et disent: “C'est pas suffisant.” Non seulement ce n'est pas suffisant, mais nous avons besoin d'une représentation et pas seulement de salaires! Je pense que les travailleurs d'Amazon verront ça aussi, qu'il s'agisse d'une tactique de peur ou non, je pense qu'ils se disent “Je ne peux pas me permettre de ne pas riposter.” »
« Le revers de la médaille, c'est que le mouvement syndical doit travailler ensemble. Nous avons aussi eu des difficultés, nous serons les premiers à l'admettre. Mais nous sommes prêts à nous asseoir à la table et à travailler avec tout le monde, y compris avec le CSN, avec lequel nous n'avons pas eu de relations positives depuis longtemps. Et de veiller à ce que les travailleurs passent en premier, et non la politique des syndicats », a déclaré M. Gniposky.
« Si Amazon s'en sort, sans une riposte plus importante qu'un boycotte—un boycotte seul ne résoudra pas le problème. Nous devons travailler ensemble. Et s'il y a une lueur d'espoir en dehors de ça, c'est que ça pourrait être le mouvement [pour organiser Amazon] qui répare beaucoup de ponts. »
« Nous allons devoir travailler ensemble, et aucun syndicat, qu'il s'agisse d'Unifor ou d'un autre, ne sera en mesure d'organiser efficacement un tel nombre de sites et de négocier. Nous devons donc organiser des campagnes de syndicalisation massives et coordonnées. Des lueurs d'espoir apparaîtront, comme à Laval, et je sais que la CSN se battra, tout comme nos collègues de Delta. Mais nous avons besoin de plus et d'un effort coordonné ».
Les audiences d'Amazon Canada et d'Unifor devant la BCLRB devraient se poursuivre jusqu'au 14 février.