L'Étoile du Nord

Entrevue avec le président du syndicat d’Amazon

« C’est du terrorisme envers la classe ouvrière »

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L'entrepôt DXT4 d'Amazon à Laval, le premier à s'être syndiqué au pays, ferme ses portes le 8 février. Des centaines de travailleurs qui faisaient fonctionner l'entrepôt se retrouvent sans emploi, tout comme des milliers de travailleurs d'autres entrepôts d'Amazon au Québec. Certains d'entre eux sont en risque de déportation. Les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs d'Amazon Laval (STTAL) organisent déjà une riposte contre la multinationale.

L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Félix Trudeau, président du STTAL pour comprendre les raisons derrière la fermeture et leur plan pour ébranler la multinationale.

C'est le 22 janvier, avant une rencontre de négociation, que la mégacorporation annonce qu'elle ferme ses sept entrepôts au Québec. Le président du STTAL explique: « J'ai reçu un appel du négociateur à la CSN qui m'annonce qu'ils ont reçu l'avis par courriel le matin même qu'Amazon cessait ses opérations au Québec. » 

Félix Trudeau qualifie cette décision soudaine de terrorisme anti-ouvrier. « Amazon, en faisant ça, essaie de passer un message aux travailleurs du Canada, “Ne vous syndiquez pas. N'essayez même pas de demander quelques dollars de plus d'augmentation. On va fermer. Vous n'avez pas le vrai droit de vous organiser collectivement.” C'est du terrorisme envers la classe ouvrière. Très littéralement, ça vise à créer la terreur dans le mouvement syndical. »

Pour le président du STTAL, il y a deux principales causes de cet acte d'intimidations envers les travailleurs. Le premier, c'est la réussite de la campagne de syndicalisation. L'autre est les mesures d'arbitrage qui allaient leur permettre d'obtenir la première convention collective au monde dans un entrepôt d'Amazon.

« Je pense que c'est vraiment le fait qu'on allait déboucher sur une convention collective qui allait servir d'exemple pour le mouvement syndical nord-américain au grand complet. Je pense que c'est ça qui motive leur décision, parce qu'on allait avoir des droits syndicaux. On allait avoir des améliorations des conditions de travail, et c'est ça qui a fait peur à Amazon. »

La crainte que le mouvement syndical fasse tache d'huile et s'étende aux autres entrepôts a aussi été un facteur, rajoute-t-il.

« Il y avait des campagnes dans les autres entrepôts. On espérait des victoires dans les autres entrepôts. On travaillait fort là-dessus. Amazon était clairement au courant qu'il y avait des campagnes dans les autres entrepôts et pas seulement au Québec. Leur intention, c'est d'envoyer un message aux travailleurs et aux syndicats du Canada et des États-Unis. »

La rationalisation économique pour les fermetures fournie par la multinationale ne tient pas la route selon le travailleur de DXT4. 

« Ils ont passé les dernières années à investir énormément d'argent pour faire de l'intégration verticale, à diminuer fortement leur dépendance envers les sous-traitants, et tout d'un coup, ils font un 180 degrés et ils s'en remettent complètement aux sous-traitants. C'est absurde économiquement. Ça ne fait aucun sens. Ils jettent à la poubelle quatre ans d'investissement. »

Les membres du STTAL ont, pour leur part, très mal pris la nouvelle. « La réaction générale des collègues c'est la colère, je pense. C'est le sentiment le plus généralisé. C'est un profond sentiment d'injustice et de trahison. »

M. Trudeau explique qu'en fermant l'entrepôt, la multinationale met plusieurs travailleurs à risque de déportation. « Il y a une forte majorité des travailleurs dans mon entrepôt et dans les entrepôts d'Amazon en général qui n'ont pas de résidence permanente. Le fait qu'ils n'aient pas de travail menace leur capacité de rester au Canada. Donc on a un risque de déportation suite à ça. »

Toutefois, le STTAL n'a pas dit son dernier mot. Son président explique que les travailleurs des sept entrepôts fermés planifient une riposte contre la multinationale. 

« Ce qu'on planifie, c'est une mobilisation des travailleurs d'Amazon conjointement avec la campagne citoyenne Ici, on boycotte Amazon. On a des revendications économiques pour les travailleurs, on demande un an de salaire avec bénéfice pour tous les travailleurs d'Amazon, les 4 500 licenciés mis à la rue. On demande aussi que les gouvernements fédéral, provincial et municipal coupent tous leurs liens avec Amazon et ses filiales au Canada et qu'Amazon rembourse les centaines de millions de dollars qu'ils ont reçus en subventions et fonds publics depuis leur installation au Québec. »

« Pour obtenir gain de cause, le mot d'ordre du boycottage devra être repris par les travailleurs en général. En effet, leur droit à la syndicalisation est menacé si on laisse Amazon nous intimider, » insiste Trudeau.

« Le nerf de la guerre, c'est la mobilisation des travailleurs et le soutien du mouvement syndical québécois et de la population du Québec. La population du Québec et le mouvement syndical du Québec sont attaqués au même titre que les travailleurs et les travailleuses d'Amazon. Il faut avoir une réponse collective à l'échelle du Québec à cette attaque-là. »

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