L'Étoile du Nord

Des budgets de police en hausse

Vancouver ajoute 5 M$ pour l’opération « Barrage »

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Le 13 février, le maire de Vancouver, Ken Sim, a annoncé une augmentation du budget de la police et la création d'une nouvelle équipe spéciale de police chargée de combattre le crime organisé dans le quartier de Downtown Eastside. Ces mesures coûteront aux contribuables 5 millions de dollars supplémentaires par an.

Accompagné du chef de la police de Vancouver, Adam Palmer, qui prendra bientôt sa retraite, le maire a annoncé la création de la « Task Force Barrage » dans le cadre du plan de transformation du Downtown Eastside de la ville. Ce plan prévoit une pause dans la construction de nouveaux logements supervisés dans la zone où se concentre la population des sans-abri de Vancouver, officiellement dénombrée à plus de 2 400 personnes.

L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Garth Mullins au sujet de l'annonce du maire. M. Mullins estun membre du Vancouver Area Network of Drug Users (réseau de consommateurs de drogues de la région de Vancouver) et l'animateur du balado Crackdown,

« Il y a toujours eu beaucoup de policiers dans le Downtown Eastside, mais il semble qu'il y en ait beaucoup plus », a déclaré M. Mullins. « Ils disent qu'ils vont s'attaquer au crime organisé. Mais le crime organisé ne vit pas dans le Downtown Eastside, n'est-ce pas? Tout comme les caïds ne vivent pas dans des SRO [chambre d'hôtel simple] ».

M. Mullins et d'autres intervenants affirment que ce renforcement des mesures policières n'affectera pas les acteurs importants qui récoltent les profits du commerce criminalisé de la drogue, mais qu'il augmentera le nombre de revendeurs et d'usagers de la rue qui sont pris dans le cycle de la criminalisation, de l'incarcération, de la pauvreté et de l'itinérance.

Peter Fry, conseiller municipal du Parti vert, est du même avis:

« Le vrai problème, c'est qu'ils marginalisent encore plus des personnes déjà marginalisées. Et je crains que les conséquences ne soient très graves si l'on tient compte de la déclaration du maire qui a dit qu'il ne voulait pas de nouveaux logements supervisés et de l'intention qu'ils ont pour le Downtown Eastside d'augmenter massivement le nombre de zones et de supprimer les logements inférieurs au prix du marché. C'est la recette d'un désastre absolu, qui entraînera la mort de personnes, et c'est une approche très politiquement motivée », a-t-il déclaré à L'Étoile du Nord.

« Les personnes qui vendent de la drogue dans le Downtown Eastside se trouvent au bas de la pyramide », a expliqué M. Mullins. « Ce sont des vendeurs de subsistance qui essaient simplement de financer leurs propres habitudes. Si on en croit la police, ces personnes seront donc beaucoup plus ciblées. Et d'après les actions de répression que j'ai pu observer par le passé, il semble que tout le monde soit harcelé. »

M. Mullins met en doute les raisons invoquées pour justifier l'intensification des contrôles:

 « Je ne suis pas sûr de savoir quel est le problème qu'ils essaient de résoudre. Ils disent que c'est la criminalité, le désordre dans les rues et ce genre de choses. Je ne vois pas en quoi le maintien de l'ordre permet vraiment d'atteindre ces objectifs ».

Il affirme que ces actions de l'administration municipale lui rappellent le « vieux temps de la guerre contre la drogue », une référence aux années 1990 et antérieures, lorsqu'une approche « loi et ordre » de la consommation de drogue limitait considérablement l'accès aux soins de santé et aux ressources de réduction des risques pour les personnes qui consomment de la drogue. C'est ainsi que le Downtown Eastside a connu les taux les plus élevés d'infection par le VIH en dehors de l'Afrique subsaharienne et des milliers de décès par overdose.

« Pendant quelques années, nous avons pu faire valoir que le maintien de l'ordre n'était pas la meilleure solution. Mais il semble que nous ayons oublié tout cela maintenant. Nous sommes revenus à l'époque de la loi et de l'ordre, où il suffisait d'envoyer encore et encore des flics pour résoudre un problème social. Il est prouvé depuis des dizaines d'années que ça ne fonctionne pas pour résoudre les problèmes sociaux. Et pour les personnes qui sont criminalisées, ça ne fait qu'empirer leur vie ».

Lors des élections municipales de Vancouver en 2022, le syndicat de la police de Vancouver a soutenu le parti ABC et son candidat, Ken Sim, pour la mairie de Vancouver. Il s'agit d'une décision sans précédent de la part de l'association, qui est restée historiquement neutre lors des élections municipales.

En 2021, le conseil municipal précédent avait tenté de réduire le budget de la police de 5,7 millions de dollars, une décision que le gouvernement provincial NPD a annulée. Entre-temps, l'ABC a promis d'embaucher 100 nouveaux policiers et 100 infirmières en santé mentale. Le communiqué de presse de l'opération Barrage confirme que 200 policiers ont effectivement été engagés, mais seulement 35 travailleurs en santé mentale.

« Le budget de la police a explosé au cours des longues années de la guerre contre la drogue », a déclaré Mullins, « et je pense qu'il en est arrivé à un point où personne n'a de contrôle dessus. La police demande de l'argent et le conseil municipal lui en donne. Si le conseil municipal ne leur donne pas exactement ce qu'ils veulent, ils s'adressent à la province, qui passe outre. Il n'y a donc plus aucun contrôle démocratique sur le budget de la police. Il semble qu'il n'y ait plus de contrôle démocratique sur la police ».

Un rapport du Commission de police de Vancouver portant sur le premier semestre 2024 a révélé que la police de Vancouver avait dépassé son budget de 5,2% pour cette période, soit un montant de plus de 10 millions de dollars. Le rapport cite les coûts de maintien de l'ordre pour les manifestations de solidarité avec la Palestine et l'élimination d'un campement dans le Downtown Eastside comme raisons de l'augmentation des coûts.

Dans la deuxième moitié de 2024, ce dépassement s'est transformé en une augmentation du budget de 11,2 millions de dollars, en plus des 443 millions de dollars de l'année.

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