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Après avoir annoncé l'arrêt de ses opérations au Québec, Amazon a annoncé qu'elle aurait recours à des sous-traitants pour contourner la montée du syndicalisme qui s'était emparée de ses entrepôts. La multinationale a choisi Intelcom pour assurer le relais dans la belle province. Cette compagnie a un passé entaché de conflits d'intérêts, de conditions de travail dangereuses, d'antisyndicalisme et de retards de livraisons.
À sa création en 1986, Intelcom, aussi connu sous le nom de Dragonfly Shipping au Canada anglais et à l'international, démarre son activité comme une petite entreprise de messagerie. En 2005, celle-ci est possédée à 50% par Postes Canada et représente environ 7% de ses revenus provenant de la logistique.
Un changement important est amorcé lorsque Jean-Sébastien Joly, le frère de la ministre libérale Mélanie Joly et PDG d'Intelcom depuis 2015, achète la compagnie en 2017 avec le soutien de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui demeure, à ce jour, un des actionnaires principaux de l'entreprise.
Des conditions de travail déplorables
Avec le soutien de la CDPQ, reconnu pour son mépris des travailleurs, le frère de la ministre Joly entame une grande expansion des activités de la compagnie. En quelques années, l'entreprise fait bâtir des centres de tri à Montréal et Toronto qui représentent des investissements de 31 millions de dollars. Sur la même période, leur nombre d'employés passe de 300 à 2500 plus 3000 « indépendants » qui sont en réalités des travailleurs précaires.
En 2022, ces livreurs « indépendants » étaient payés entre 1,60$ et 3$ par colis livrés. Si on soustrait le prix du carburant déboursé par les livreurs, la plupart d'entre eux arrivent à un revenu inférieur au salaire minimum.
De plus, Intelcom n'offre ni assurance pour les véhicules ni pour les livreurs. C'est ainsi dire que l'entretien des véhicules est à la charge des livreurs et les problèmes de santé encourus par de longues heures à rester assis au volant doivent aussi être pris en charge par les travailleurs.
En Ontario, Dragonfly, une filière d'Intelcom, a été confronté à plusieurs plaintes au tribunal pour ne pas avoir assuré des conditions de travail sécuritaires à ses travailleurs. En 2024, une centaine de livreurs non syndiqués de Colombie-Britannique ont fait un arrêt de travail pour dénoncer un horaire et des conditions de travail insoutenables.
Des sous-traitants comme briseurs de grève
Cette précarisation des emplois est bien répandue dans l'industrie de la logistique et du transport de colis. Chez Amazon, c'est une des raisons principales qui a poussé les travailleurs de l'entrepôt DXT4 à Laval à se syndiquer. Les travailleurs de l'entrepôt dénonçaient des accidents de travail répétés et facilement évitables.
C'est aussi la tentative d'étendre ce genre de pratique dans le secteur public qui a poussé les travailleurs de Postes Canada à faire la grève l'année dernière. L'entreprise d'État veut réduire le nombre d'heures assurées à ses postiers et les forcer à transporter plus sur des trajets plus longs.
Pendant la grève des postes, Postes Canada a d'ailleurs fait appel à des briseurs de grève en ayant recours à des sous-traitants comme Purolator et Intelcom pour expédier des colis qui devaient être traités par les grévistes.

Un important conflit d'intérêts
Jusqu'en 2022, aucune mesure de prévention des conflits d'intérêts n'empêche Mélanie Joly de donner un traitement préférentiel à la compagnie de son frère. Il y a trois ans, un « filtre » anti-conflits d’intérêts est mis en place pour s'assurer que la ministre ne favorise pas l'entreprise de son frère.
Sur le site du Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique, on peut lire que le « filtre » est administré par la sous-ministre et la cheffe de cabinet de Joly « qui doivent veiller à ce que je ne sois pas mise au courant des questions officielles ou des processus décisionnels touchant les intérêts de mon frère et de sa société, Intelcom Courrier Canada inc., et que je n’y participe pas, à moins que l’intérêt dans la décision ou la question soit d’application générale. »
Un mauvais service pour les clients
Ce genre d'attaque contre les employés, dont Amazon et Intelcom sont les chefs de file au pays, n'est pas seulement nocive pour les travailleurs, mais aussi pour ceux qui commandent des colis.
En effet, les retards et erreurs de livraisons sont courants pour Intelcom et Amazon. En 2022, l'Office de la protection du consommateur avait reçu sept plaintes contre Intelcom. La majorité de ces plaintes visaient aussi Amazon.
Les récentes fermetures des entrepôts d'Amazon au Québec et la reprise des activités par Intelcom ont entrainé des délais de livraison beaucoup plus longs que la normale. Des abonnés d'Amazon Prime ont déposé un recours collectif contre la multinationale.