La croisade d’Amazon contre ses employés a atteint un sommet cet hiver au Québec. Pour bloquer une convention collective à son entrepôt DXT4 de Laval, le géant américain a arrêté toutes ses opérations dans la province et renvoyé plus de 4 500 travailleurs. Face à cette attaque, un mouvement d’opposition sans précédent depuis 30 ans pour ce type de fermeture a éclaté. Maintenant, celui-ci se prépare à une semaine d’actions sous le mot d’ordre: « En lutte jusqu’à la victoire finale ».
Mais avant tout, un petit retour sur la situation s'impose.
L'Étoile du Nord a couvert ces événements importants à chaque étape, à commencer par le printemps 2024, lorsque les travailleurs de l'entrepôt de Laval sont entrés dans l'histoire en devenant les premiers employés de la multinationale à se syndiquer au Canada.
À peine quelques mois après l'obtention de la certification, Amazon a licencié 30 travailleurs de DXT4. Comme si ce n'était pas assez, elle a aussi retenu des augmentations de salaire qui avaient été accordées à tous les autres entrepôts d'Amazon au Québec.
Lors des négociations, Amazon a rejeté toutes les propositions avancées par les travailleurs, même sur des clauses qui font normalement l'objet d'un accord facile. Les travailleurs ont réagi en organisant une série de manifestations devant leur entrepôt.
Si le syndicat avait réussi à obtenir une convention collective, il aurait été le premier au monde à le faire. Les patrons d'Amazon ont clairement jugé cette situation inacceptable et ont voulu envoyer un message à l'international. Fin janvier, les avocats d'Amazon Canada ont annoncé la cessation définitive de leurs activités au Québec. Plus de 4 500 travailleurs québécois ont été licenciés dans les six semaines qui ont suivi.

La campagne de boycott
Moins de 24 heures après l'annonce des fermetures, un mouvement baptisé « Ici, on boycotte Amazon » a pris son envol à travers le Québec. Menée par des militants d'horizons divers et soutenue par Alliance Ouvrière—un groupe qui milite pour un mouvement syndical plus démocratique, politique et offensif—la campagne a distribué des dizaines de milliers de tracts et organisé trois manifestations en l'espace de six semaines seulement.
Pendant ce temps, un groupe de travailleurs a tenu un piquet de protestation devant l'entrepôt durant deux semaines. Frustrés par l’inaction de la CAQ, ils ont joint le mouvement de boycott et perturbé plusieurs événements, dont un dîner huppé du ministre du Travail. Leur pression a forcé une rencontre avec le ministre, qui s’est dit impuissant. « Les ministres sont connus pour n’avoir aucun pouvoir! », a blagué un porte-parole.
Le mouvement a également ciblé Intelcom, le principal sous-traitant d'Amazon au Québec. Début février, le syndicat d'Amazon et Alliance Ouvrière occupaient l'entrepôt d'Intelcom à Anjou. Un mois plus tard, ils bloquaient les livraisons dans cinq sites d'Intelcom à travers la province pendant plus d'une heure.
Syndicats et militants unis
Le 15 mars, le mouvement de boycott a tenu un grand rassemblement à la Maison Théâtre de Montréal. Cette assemblée a rassemblé plus de 250 travailleurs et leaders syndicaux d'un large éventail d'industries des secteurs public et privé.
Parmi les orateurs figuraient des représentants syndicaux actifs dans des luttes récentes. La CSN était représentée par les auxiliaires d’enseignement de Concordia, les travailleuses en garderies et des employés de l’hôtellerie. Le SCFP comptait sur les travailleurs du transport en commun de Montréal. Tous ont insisté sur l’importance de la solidarité face aux attaques croissantes contre la classe ouvrière.
Après une soirée électrique, Benoit Dumais, porte-parole d'Alliance Ouvrière, qui co-organisait l'assemblée, s'est adressé à la salle: « Si les patrons, l'État et le gouvernement veulent retourner 100 ans en arrière, le mouvement syndical aussi va retourner à ses racines. On va retourner aux méthodes de lutte qu'on avait quand on a construit le mouvement ouvrier. On va retourner au syndicalisme de combat, au syndicalisme de lutte de classe. »
Dumais a ensuite annoncé la prochaine étape de la campagne de boycott d'Amazon, la semaine d'action du 27 avril au 3 mai: « Nous allons faire des actions chaque jour, pour les revendications des travailleurs d'Amazon, pour toutes les demandes démocratiques en opposition aux réformes de la CAQ. On appelle tous le monde à répondre à l'appel et à donner un maximum d'effort pour câlisser un crisse de claque à Amazon pis à la CAQ, tabarnak. »
Une bouffée d'air frais pour le mouvement syndical
Alors que les ordres de retour au travail s’enchaînent et que les réformes anti-ouvrières pleuvent de tous les paliers de gouvernement, cette assemblée a offert une bouffée d'air frais. Un noyau de militants déterminés y a affirmé, avec une rare assurance, qu’il se battrait bec et ongles contre les oligarques et leurs chiens de poche politiques.
Depuis trois ans, nos journalistes sont sur le terrain pour rendre compte des luttes des citoyens à travers le pays. L'Étoile du Nord peut en témoigner: ce cri de guerre fait écho à un ressentiment généralisé de la classe ouvrière canadienne, qui en a assez de se faire escroquer par ses patrons et ses dirigeants politiques.
Pour l'instant, le mouvement syndical organisé ne semble pas avoir la capacité de répondre à cette situation avec la force nécessaire, mais il peut l'acquérir. Il l'a déjà fait. L'Étoile du Nord croit fermement qu'il le peut et qu'il le doit. Espérons que la semaine d'action proposée par l'Alliance des travailleurs sera le début de quelque chose.