L'Étoile du Nord

Exploitation de travailleurs migrants

100 000$ en salaires impayés par l’agence de placement IRIS

Le 5 mai, un groupe de travailleurs a manifesté devant les bureaux de l’agence de placement IRIS à Lasalle. Ils réclament 100 000 $ en salaires impayés et attendent toujours leurs relevés d’impôts. Dix-neuf d’entre eux ont porté plainte à la CNESST et demandé l’aide du gouvernement. Mais les démarches traînent, et plusieurs risquent d’être déportés avant qu’une solution soit trouvée.

Patrick Lobé est un de ces travailleurs. Les abus de l'agence de recrutement ont commencé dès son embauche, quand elle lui a demandé 1500$ pour l'engager. « On ne m'a pas dit ça servait à quoi. Est-ce que c'était pour les honoraires de consultants, ou bien les honoraires d'avocats? Mais je sais que j'ai déboursé cette somme. Et le chef de l'agence IRIS ne s'est pas fiché de me donner un reçu. »

Par la suite, M. Lobé a obtenu un permis de travail fermé comme opérateur de machine de production. Pourtant, l'agence l'a envoyé travailler comme préposé aux bénéficiaires. Il a ensuite signé à un contrat à la résidence où il travaille. 

« J'attendais à ce qu'on me donne une copie, mais on ne m'a jamais remis la copie du contrat jusqu'aujourd'hui. Et chaque fois qu'ils nous payent, on n'a pas de talon de paye. On ne sait pas sur quelle base ils calculent le salaire, les retenues légales à Revenu Québec ou bien aux autres agences fédérales. »

M. Lobé dénonce le fait que lui et plusieurs de ses collègues n'ont pas été payés durant des semaines voire des mois. Il reproche aussi à l'agence de ne pas avoir respecté la rémunération des heures supplémentaires, des jours fériés ainsi que des vacances.

Cette situation menace le statut d'immigration des travailleurs. « L'agence par laquelle on s'est vu délivrer les permis de travail fermé, au fur et à mesure que les mois passaient jusqu'à la fin du permis, devait nous donner des conseils. Nous dire qu'il reste cinq mois, quatre mois, voici ce qu'on peut faire, voici ce qu'on doit faire, et on est tombé comme ça », rapporte M. Lobé.

Patrick Lobé devant l'agence IRIS.

Une autre travailleuse de l'agence, qui a demandé à garder l'anonymat, a pris la parole pour dénoncer les abus psychologiques vécus. Elle a expliqué que les requêtes à leur employeur restaient toujours sans réponse et que certains de ses collègues ont pensé au suicide. 

Elle ajoute que les procédures menées auprès du gouvernement pour obtenir justice sont particulièrement éprouvantes et dures, même si le gouvernement reconnaît les torts commis par l'agence et lui a suspendu son permis. 

Elle raconte ses déboires: « Le gouvernement reconnaît effectivement qu'il y a eu des exactions. Mais, les procédures sont tellement longues qu'on se demande à quel moment on va pouvoir avoir ce qui nous est dû. Les réclamations ne sont pas encore sorties, on les attend toujours. Ensuite, l'affaire va au niveau du tribunal. Quels sont les délais? En plus, on nous dit qu'il faut peut-être refaire des plaintes. Allons-nous devoir faire ce cheminement à chaque fois? »

« Entre-temps, le temps passe, on se retrouve sans statut. On est perdus. Il y a l'option du permis ouvert pour personnes vulnérables, qu'on obtient. Mais c'est pour une durée d'un an uniquement. Pour moi, c'est la précarité. On nous ouvre la porte à repartir en prison, si je peux dire ainsi, dans un permis fermé encore. Mais on n'est même pas sûrs de l'obtenir. »

Les permis de travail fermés ont été qualifiés de propices à l'esclavage selon l'ONU. Ces permis lient le statut d'immigration d'un travailleur à son patron. Si le contrat est brisé, le travailleur se retrouve sans statut.

Laura Doyle Péan, de la clinique juridique du Centre des travailleurs immigrants, a expliqué le danger que représentent ces permis pour les travailleurs:

« La situation d'écart de pouvoir que ça crée entre les employeurs et les employés n'a aucun bon sens et encourage, justement, les abus tels que ne pas payer les salaires, ne pas donner des documents. Les employeurs savent que les travailleurs et les travailleuses n'ont pas le gros bout du bâton, puis qu'en dénonçant ces abus-là, ça les met aussi dans une situation précaire. Donc, ils en profitent et en abusent. »

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