L'Étoile du Nord

Changement controversé de politique municipale

Alors que les opioïdes tuent, Vancouver investit dans le luxe

Face à la multiplication des décès par overdose en Colombie-Britannique, des centaines de personnes ont manifesté à Vancouver le mois dernier pour réclamer des solutions à la crise. Une semaine plus tard, faisant la sourde oreille, l'administration municipale a modifié le zonage de Downtown Eastside, le quartier le plus touché, en faveur de tours de condos de luxe inabordables.

Mi-avril, des travailleurs, des organisations communautaires, des familles endeuillées et des militants autochtones se sont réunis pour dénoncer la gestion par les autorités de la crise qui a coûté la vie à plus de 16 000 personnes depuis 2016. Cette année-là, le gouvernement de la province a déclaré une « urgence de santé publique » qui, selon les manifestants, n'a fait qu'accroître la répression contre les plus pauvres de la province sans améliorer la situation.

Fin avril, le maire Ken Sim et son parti ABC ont modifié le plan d'urbanisme de Downtown Eastside. Les faibles exigences en matière de logements non marchands ont été supprimées et les tours de 32 étages sont désormais autorisées. Pour beaucoup, malgré les problèmes de pauvreté et de toxicomanie du quartier, il s'agit surtout d'un moyen de chasser les populations pauvres et autochtones pour faire de la place aux promoteurs, sans s'attaquer à la racine du problème.

Lors de la marche du 14 avril, les manifestants ont dénoncé cette vision du développement de la ville. Scotty, un organisateur du Vancouver Area Network of Drug Users, a suggéré que certains cherchaient à tirer profit de la crise de la drogue et de la pauvreté: « Les forces de l'ordre... le parti ABC... Ils veulent faire de Vancouver une ville exécutive et en expulser tous les pauvres. »

La « ville exécutive », selon Scotty, représente un Vancouver taillé sur mesure pour les entreprises—une ville où le développement de luxe est prioritaire, même si cela signifie déplacer les résidents pauvres. Cette vision s'appuie sur des politiques urbaines agressives: moins de logements sociaux, moins de services sociaux et plus d'immeubles haut de gamme. L'objectif: attirer des capitaux, des touristes et des classes aisées, même si cela doit se faire au détriment des plus vulnérables.

De son côté, Byron Wood, de l'organisation Workers for Ethical Substance Use Policy, a rappelé une réalité trop souvent ignorée: « Les travailleurs et les toxicomanes sont les mêmes personnes ». Il s'est appuyé sur des données gouvernementales montrant qu'entre 33% et 50% des victimes d'overdose étaient employées au moment de leur décès.

Le phénomène touche particulièrement les secteurs où les accidents du travail sont fréquents, comme la construction. Nombreux sont ceux qui développent une dépendance aux opioïdes prescrits pour soulager la douleur, avec des conséquences parfois fatales. M. Wood ajoute que cette statistique exclut les retraités, les bénévoles, les apprentis, les chômeurs et les travailleurs mis à l'écart en raison de leur état de santé ou des sanctions de l'employeur.

Une « crise de santé publique » répressive

Les manifestants ont aussi dénoncé la réponse du gouvernement provincial à la crise. Selon eux, plutôt que de s'attaquer aux têtes des réseaux criminels qui profitent du trafic tout en élargissant l'accès à l'aide pour les personnes dépendantes aux opioïdes, la Colombie-Britannique est retombée dans les vieilles recettes de la « guerre contre la drogue », sans se préoccuper des causes profondes du problème.

« Je pense que la véritable cause est le capitalisme », explique J. Shantz, membre de la faculté du département de criminologie de l'université polytechnique de Kwantlen, dans une entrevue accordée à L'Étoile du Nord lors du rassemblement. « C'est un système [...] qui place les gens dans des conditions de désespoir et de misère extrêmes, sans le soutien nécessaire pour survivre. »

« Les travailleurs qui sont soumis à des conditions de travail horribles, dangereuses et malsaines finissent par consommer diverses substances—comme nous le faisons tous à notre manière—pour surmonter une journée de travail merdique », a-t-il poursuivi.

« Il est important de souligner qu'une grande partie des crises les plus graves, en termes de violence policière, d'itinérance, de crise des drogues toxiques, se produisent de manière très intensive dans les zones suburbaines... et ce qui est vraiment négligé, c'est la manière dont les ressources ne sont pas disponibles dans les banlieues. »

M. Shantz conclut en disant: « [Le gouvernement] ne veut pas que les ressources publiques soient consacrées au logement, aux soins de santé, à l'aide sociale, à tout ce qui peut soutenir une population qu'il considère comme sacrifiable. »

En conclusion, Scotty ajoute que les autorités municipales et provinciales veulent que Vancouver, « comme Rio de Janeiro, ait des bidonvilles à l'extérieur de cette ville en décomposition ».

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