L'Étoile du Nord

Augmentation des dépenses au privé

Bureaucratie et coûts en santé explosent, la CAQ trahit ses engagements

En 2023-2024, la CAQ a dépensé six milliards de dollars dans la santé privée. Pourtant, selon un calcul de la CSN, le coût aurait été de 700 millions de moins si le gouvernement avait engagé des travailleurs issus du public pour les mêmes services. Mais comment cette option a-t-elle pu être ignorée?

La CAQ avait été élue en promettant de rendre le réseau de santé plus efficace et moins cher pour la population. La nouvelle agence provinciale devant accomplir ce but, Santé-Québec, a depuis démontré qu'elle n'a pas peur de faire des coupes budgétaires dans des services importants pour le fonctionnement du système. Mais elle dépense également sans remords près d'un milliard dans le système privé, dirigeant les fonds publics vers les poches de l'oligarchie.

Alors, à qui servent vraiment ces réformes dans le réseau de la santé?

Malhonnêteté ou incompétence?

Quand la CAQ a annoncé la création de l'agence Santé-Québec, elle a vendu le projet à la population comme solution à un surplus d'emploi administratif encombrant le secteur public. Le gouvernement affirmait aussi que les coupures étaient essentielles pour diminuer le déficit des dernières années. 

Ce n'est pas complètement faux. L'augmentation de la bureaucratie causée par la centralisation du système public des réformes des derniers gouvernements a effectivement mené à plusieurs problèmes d'efficacité dans le réseau. L'an dernier, en 2023-2024, le déficit budgétaire était de plus d'un milliard de dollars.

Pourtant, en plus des 700 millions $ gaspillés par l'État, les fameuses réformes de l'agence Santé-Québec ont fait en sorte que les hauts dirigeants du réseau de la santé coûtent presque deux fois plus cher qu'avant la création de l'agence. 

En effet, selon un calcul de La Presse, les rémunérations des ministres, sous-ministres ainsi que des « tops guns » de la santé venant du privé ont augmenté de 89% depuis les réformes. C'est environ 7 millions $ de plus dans le budget pour payer ces fonctionnaires. 

De plus, depuis la création de cette agence, il y a eu une forte augmentation de fonctionnaires travaillant pour le ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que pour Santé-Québec. C'est environ 300 fonctionnaires de plus qui ont récemment alourdi la bureaucratie du réseau.

Selon le ministère des Finances, dirigé par Éric Girard, des coupures de 300 millions ont été faites dans le réseau de la santé. Sur le terrain, plusieurs travailleurs de la santé ont confirmé à l'Étoile du Nord que ces coupes budgétaires, s'ajoutant à des suppressions de poste et un gel d'embauche, ont grandement affecté les services à la population et rendu les conditions de travail plus difficiles.

Rappelons que, jusqu'en mars 2025, les coupures devaient être de 1,5 milliard. Au moment de les faire, elles ont toutefois été jugées irréalistes, le reste de ce déficit ayant dû être absorbé par l'État. À l'annonce de ces coupures, le gouvernement de la CAQ prétendait que ces mesures n'affecteraient pas le service à la population.

Le privé n'a jamais été moins cher

Le gouvernement de la CAQ ainsi que les gouvernements libéraux qui ont précédé assuraient continuellement vouloir réduire le coût de la santé. Mais à chaque réforme, que ce soit celle du gouvernement libéral de Philippe Couillard ou celle de François Legault, les fonds destinés au public ont été de plus utilisés pour développer le secteur privé de la santé. 

Il faut savoir que de nombreuses études ont déjà été faites sur les coûts de la santé. Par exemple, en 2016, Québec a lancé un projet pilote pour comparer le coût de certaines chirurgies faites dans le réseau public avec celles faites dans le privé. Ce projet a coûté 80 millions de dollars à la population. Les résultats analysés par Anne Plourde de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) révèlent que les chirurgies privées peuvent être jusqu’à 150% plus chères qu’au public. 

On peut lire cet exemple dans l'analyse de la chercheuse: « En 2019-2020, le coût d’une chirurgie du tunnel carpien était en moyenne de 908$ au privé contre 495$ au public, une différence de 84%, et celui d’une coloscopie courte était de 739$ au privé, ce qui représente près du triple du coût de la même intervention en établissement public, qui était de 290$. »

Des actions qui reflètent leurs intérêts

À l'opposé des discours publics, le gouvernement de la CAQ a donc augmenté les dépenses dans le système de santé, augmenté le nombre de fonctionnaires et a coupé dans les services à la population. Malgré les études coûteuses pour comparer les coûts du public et du privé, le ministère de la Santé écarte leurs conclusions. Il choisit une autre voie, tout aussi dispendieuse: centraliser encore plus le réseau et investir davantage dans le privé.

Ces politiques éloignent les décisions des gens ordinaires. Elles placent des PDG et des gestionnaires, choisis sans consultation publique et n'ayant aucun compte à rendre aux institutions, à la tête de certaines parties du réseau. L'influence du patronat grandit, tandis que celui des institutions locales s'effrite.

Ainsi, les services de proximité comme les CLSC perdent peu à peu leur place dans les décisions. Ces centres, où les citoyens et les travailleurs avaient autrefois leur mot à dire grâce à des assemblées locales et des C. A. élus au sein de la population, sont de plus en plus écartés.

Il n’est pas surprenant que ce genre de décision soit pris chez Santé Québec. Sa PDG, Geneviève Biron, vient d’une famille bien établie dans le monde de la santé privée. Depuis les années 1960, le Groupe Biron tire profit de ce secteur. En 2011, elle a aussi cofondé, avec d'autres entreprises, le Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être, une association lobbyiste qui cherche à renforcer les liens entre le public et le privé dans le réseau de la santé.

De plus, à la tête du conseil d’administration de Santé Québec, on retrouve Christiane Germain, grande patronne des hôtels du même nom et l’une des fondatrices de la CAQ. Là encore, ce sont des figures proches du monde des affaires et du pouvoir politique qui occupent les postes clés—sans compter le premier ministre lui-même, ancien PDG d'Air Transat.

Dans ce contexte, il est difficile de croire que les réformes en cours sont pensées dans l’intérêt de la population. Elles semblent plutôt servir les intérêts du patronat québécois, des entreprises privées de la santé et de la haute bureaucratie. Pendant ce temps, les travailleurs et les usagers perdent peu à peu leur influence sur l’organisation des soins.

À noter que le dernier front commun a réussi à freiner certains reculs. Mais si l’objectif est de reprendre le contrôle du système de santé par et pour la population, il faudra sans doute aller plus loin, et surtout, frapper plus fort.

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