L'Étoile du Nord

Semaine d’action contre Amazon

Des militants et des cols bleus bloquent la gare de triage du CN

Tôt samedi matin, plus de 75 personnes ont bloqué une gare de triage du CN dans le quartier industriel de Saint-Laurent, à Montréal. Les activistes ont empêché des dizaines de camions de sortir et d'entrer dans la cour pendant plus d'une heure. Les militants d'Alliance Ouvrière et de la campagne « Ici, on boycotte Amazon » ont organisé le blocage pour conclure leur semaine d'action et de perturbation de l'économie.

La semaine d'action visait à maintenir la pression sur le gouvernement du Québec pour son inaction suite à la fermeture de tous les entrepôts d'Amazon dans la province, une mesure antisyndicale. Les cibles de la semaine d'action comprenaient Hydro-Québec, Amazon Web Services, Postes Canada et la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Plusieurs membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs d'Amazon Laval (STTAL-CSN) étaient présents. L'Étoile du Nord s'est entretenue avec Félix Trudeau, président du syndicat.

« On est ici aujourd'hui parce que depuis la fermeture des entrepôts d'Amazon, depuis les licenciements collectifs, on se fait ignorer par le gouvernement. », a expliqué M. Trudeau. « On est ici pour rappeler au gouvernement du Québec et aux dirigeants des multinationales que les travailleurs et travailleuses d'Amazon licenciés existent, qu'on mérite le respect et qu'on est prêt à se battre jusqu'au bout pour avoir ce respect-là. »

Amazon Freight, qui est en activité depuis 2018, utilise le réseau d'expédition intermodal du CN (transport de marchandises à l'aide de deux modes de transport ou plus) alors qu'elle est en train de développer son propre réseau.

« C'est sûr que dans les camions qu'on voit alignés ici, qu'on a en train de bloquer, je pense qu'on peut facilement deviner qu'il y a des colis d'Amazon quelque part là-dedans. C'est sûr qu'il y a tout ce transit de marchandises qui se fait par le CN et qui, normalement, aurait dû finir par nous, dans nos entrepôts, traités par nous. », a déclaré M. Trudeau.

Parmi les participants à l'action se trouvait un groupe de cols bleus de la ville. Leur syndicat, le Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal–SCFP 301, est actuellement en négociation avec la Ville de Montréal. Simon Biard, membre du syndicat, a fait part de ses réflexions à L'Étoile du Nord.  

« Nous, cols bleus de Montréal, sommes ici en solidarité de classe avec nos camarades d’Amazon qui se sont fait jeter à la rue comme de vulgaires déchets par une multinationale américaine qu’on a abreuvée de fonds publics. »

« Les sous des contribuables servent à jeter à la rue au final 5000 travailleurs. Donc on est ici en réponse à une multitude d'attaques du gouvernement caquiste du patronat sur plusieurs fronts, des attaques sans précédent envers la classe ouvrière. On est ici pour se réapproprier une part qu'on a délaissée de notre démocratie syndicale », déclare M. Biard. « La classe ouvrière doit faire front commun! »

Simon Biard, col bleu du SCFP-301

L'Étoile du Nord s'est entretenue avec des camionneurs qui ont été retenus par le blocus, et la majorité d'entre eux ont exprimé leur sympathie et leur solidarité avec les travailleurs d'Amazon. Denis Letourneux, membre du STTAL-CSN et de l'Alliance des travailleurs, a distribué des tracts aux camionneurs et a observé des sentiments similaires

« Je crois que j'ai distribué une cinquantaine de tracts expliquant notre cause. Sur 50, il y a seulement trois personnes qui n'étaient pas contentes. Dans l'ensemble, les travailleurs m'ont bien accueilli. Aussi, ce qu'il faut savoir, ça, je ne leur ai pas parlé, mais il y a des klaxonneurs qui klaxonnent pour nous, qui nous encouragent. Ça, c'est encore mieux​​​​​​​. »

Pour M. Letourneux, il y a une raison claire pour laquelle les camionneurs soutiennent la cause des travailleurs d'Amazon, malgré les inconvénients auxquels ils ont dû faire face à cause du blocage.

« C'est des employés comme tout le monde. Je crois que la société au complet haït les multinationales », a-t-il fait remarquer. « J'ai l'impression, moi, que les travailleurs, de plus en plus, se rendent compte qu'on est mené par des milliardaires puis par les compagnies qu'ils dirigent. »

Denis Letourneux parle avec un camionneur

La majorité des camionneurs avec lesquels L'Étoile du Nord s'est entretenue étaient des entrepreneurs du CN. Quelques-uns étaient propriétaires de leurs camions, d'autres travaillaient pour une entreprise contractuelle, et très peu étaient employés directement par la filiale du CN, CN Transportation.

La majorité des camionneurs ont déclaré que travailler pour le CN était une expérience négative. Ils affirment que l'entreprise sous-paie ses entrepreneurs et ses travailleurs par rapport aux normes de l'industrie, qu'elle traite mal ses employés et qu'elle ne respecte pas les normes de qualité, de santé et de sécurité.

Les travailleurs du CN ont voté la grève à l'échelle nationale l'année dernière en raison d'une détérioration importante de leurs conditions de travail. Au lieu de négocier de bonne foi, le CN et le CPKC (Canadien Pacifique) ont mis leurs travailleurs en lock-out et ont étouffé l'économie canadienne jusqu'à ce que le gouvernement intervienne en ordonnant le retour au travail.

M. Trudeau n'a pas été surpris par les réactions du gouvernement aux récents conflits du travail:

« Je pense évidemment que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, ce sont des gouvernements patronaux, ce sont des gouvernements qui sont là pour les intérêts de la classe capitaliste. On le voit dans leurs actions. Malgré leurs paroles, c'est l'action qui parle le plus fort. »

Il poursuit: « La classe ouvrière, c'est la classe qui fait runner l'économie. C'est grâce à nous que tout bouge. Sans nous, il n'y a rien qui bouge. Sans les travailleurs du CN, il n'y a rien qui bouge. Sans les camionneurs, il n'y a rien qui bouge. Je pense que c'est important de se rappeler qu'ultimement, on devrait avoir une solidarité beaucoup plus forte qu'il n'y a n'importe quelle attaque des multinationales ou du gouvernement. »

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