Depuis le 13 janvier, les travailleurs de l’usine de béton Heidelberg Materials à Delta, en Colombie-Britannique, sont en lockout. Leur syndicat, la section locale D277 de la Fraternité internationale des chaudronniers, affirme que l’entreprise est de plus en plus « désespérée » de relancer la production à pleine capacité, victime de ses propres choix.
Ryan Mountain, président de la section D277, s’est confié à L’Étoile du Nord: « L’entreprise commence vraiment à sentir la pression. J’en suis convaincu. Et si ce n’était pas le cas, croyez-moi, elle ne chercherait pas à nous recontacter. »
Après environ quatre mois de blocage, les négociations ont repris. Les deux parties recommencent à s’échanger des propositions. Mais malgré ce dialogue, Heidelberg a tout fait pour limiter l’impact financier de son lockout.
Contournant la loi, l’entreprise a commencé à faire venir du ciment d’Edmonton pour remplacer les travailleurs syndiqués. Le syndicat a alors déposé une plainte pour pratique de travail déloyale.
« On a obtenu une injonction du tribunal du travail qui nous donne raison. L’entreprise n’a plus le droit d’acheminer de poudre d’Edmonton vers notre usine par wagon. C’était une grosse victoire pour nous. »
Selon Mountain, si Heidelberg faisait venir ce ciment, c’est parce qu’elle n’arrivait pas à répondre à la demande du marché. « Ça nous a coûté cher, mais l’entreprise, elle, risque une amende salée à cause de ça. »
Heidelberg a ensuite réagi en déposant des plaintes pour représailles auprès du Conseil des relations du travail, « en invoquant des cas de harcèlement, de comportement menaçant, de blocage de camions sur le piquet de grève, et quelques autres choses », selon Mountain. Mais les tribunaux n'ont pas encore rendu de décision définitive sur ces plaintes.

Le syndicat veut maintenant bloquer une autre stratégie de contournement utilisée par l’employeur: l’acheminement de clinker et de poudre de ciment de base (fournis par Lafarge, un autre géant du béton) vers l’usine de Heidelberg.
« On veut que ce produit soit aussi reconnu comme du “travail de remplacement”. Et je pense qu’on a de bons arguments. »
Même si les travailleurs ne font plus tourner l’usine, la direction a tenté de faire fonctionner le four à clinker par moments. Normalement, il tourne environ dix mois par an, mais depuis le lockout, il n’aurait fonctionné que 25 jours, selon Mountain. « Donc très peu de fonctionnement. »
Les travailleurs soupçonnent que le four ou le broyeur à galets pourrait être endommagé par manque d’entretien.
« Le broyeur à galets, c’est une grosse machine qui prépare la matière pour le four. Il y a toujours une journée de maintenance chaque semaine. On l’arrête 12 à 14 heures pour tout vérifier et réparer. Mais depuis le 13 janvier, plus rien n’a été fait, parce qu’ils n’ont personne de formé pour le faire. »
Mountain compare ça à une voiture qu’on continue de conduire sans jamais faire d'entretien. « À un moment donné, ça casse. Et tant qu’on ne change pas les pièces, ça reste en panne. Je pense qu’ils sont rendus là. »
Avec le retour de la « saison du béton », le syndicat doute que Heidelberg puisse tenir encore longtemps. L’arrivée de l’été signifie un pic dans les besoins en matériaux locaux, surtout avec des projets majeurs de transport comme la ligne souterraine Broadway et le prolongement du SkyTrain jusqu’à Langley. Les tarifs douaniers rendent les importations plus coûteuses, ce qui augmente la pression sur l’entreprise.
« Il se passe quelques affaires qui montrent que les choses bougent. Je ne sais pas quand ça va finir. Peut-être dans une semaine. Peut-être dans un an. Aucune idée. Mais ça bouge, et ça, c’est bon signe. »