L'Étoile du Nord

Crise du logement

Locataires et grévistes de la construction refusent d’être divisés par la CAQ

Le salaire des travailleurs de la construction n'est pas responsable de l'augmentation du prix des maisons. C'est ce qu'affirmait hier un rassemblement de comités de défense de locataires et de groupes citoyens, lors d'une conférence de presse à l'université Bishop, à Sherbrooke. Ils étaient accompagnés de grévistes du secteur résidentiel de la construction représentant l'Alliance Syndicale.

Représentant le comité BAILS d'Hochelaga-Maisonneuve, Léandre Plouffe explique être là pour montrer sa solidarité avec les travailleurs de la construction résidentielle en grève. Il dénonce aussi « le fait que le gouvernement essaie en ce moment de diviser les travailleurs et d'opposer leurs intérêts aux locataires. Ce sont des divisions artificielles et qui n'ont pas lieu d'être. »

Lewis King, charpentier-menuisier et membre du groupe citoyen Ligue 33 de l’est de Montréal, rejette les accusations du gouvernement et de l’association patronale APCHQ. Selon lui, il est faux de prétendre que les augmentations salariales feraient grimper le prix des maisons de 55 000$.

King explique que « depuis 2020, le prix d'une maison individuelle a augmenté de 73%, mais les salaires dans la construction résidentielle n'ont augmenté que de 8,2% depuis la dernière convention collective en 2021. La différence est allée dans les poches des patrons sous forme de profit ».

Lewis King lors de la conférence de presse

Lyn O'Donnell, du Comité d'action des citoyens et citoyennes de Verdun (CACV), en rajoute: « Sachant que l'actuel ministre du Logement était auparavant vice-présidente de Cushman-Wakefield, une société immobilière valant des milliards, nous savons pertinemment que leurs préoccupations [au gouvernement] concernent leur propre portefeuille d'investissement. »

Pour elle, la crise du logement ne sera résolue qu'en construisant du logement hors-marché et en éliminant les profiteurs financiers. Selon l'organisatrice communautaire, confier la solution à ceux qui profitent du problème revient à « penser que le renard s'inquiète de voir la porte de poulailler ouverte ».

Elle s'insurge: « Le sang de la crise du logement repose sur les mains du gouvernement et non sur celles des ouvriers du bâtiment, qui sont parmi les plus précaires du secteur. La seule solution à cette crise du logement est de faire du logement un véritable droit, de garantir le logement pour chacun par l'expropriation, les saisies, la construction de logements sociaux et communautaires, l'investissement dans le programme HLM ainsi qu'un réel contrôle des loyers. »

Lyn O'Donnell lors de la conférence de presse

De son côté, Mario Mercier, de l'Association des Locataires de Sherbrooke, lance: « Vous ne verrez pas François Legault, ou le chef du PQ, ou tous ces beaux messieurs à cravate, travailler à faire du logement et à monter des échafauds. Ce qui fait de la valeur, de la richesse, et qui permet aux gens de se loger, c'est vous, c'est les travailleurs. »

Celui-ci dénonce le traitement médiatique de la grève, qui tente d'opposer les travailleurs et les locataires, qui sont pourtant bien souvent les mêmes personnes. Il dit avoir reçu la visite de TVA, qui tentait de lui soutirer des commentaires anti-grève en utilisant le fait que certains logements sociaux ne seront pas terminés le 1ᵉʳ juillet.

Il dit qu'il ne faut pas oublier « d'être solidaire avec les gens qui construisent et qui sont sur le terrain, puis qui font en pratique qu'il y a de véritables logements qui apparaissent. »

C'est ce que pense aussi Lewis King. « À la place de pointer du doigt les itinérants et les travailleurs pour les problèmes sociaux, comme l'arrondissement [Mercier-Hochelaga-Maisonneuve] fait sur les questions de salubrité, soyons solidaires de celles et ceux en lutte. »

Alexandre Ricard, président de la FTQ-Construction et porte-parole de l'Alliance syndicale, est heureux de ce support. « L’événement d’aujourd’hui démontre une fois de plus que lorsque des liens transversaux se créent entre divers secteurs de lutte, la solidarité pousse nos causes plus loin. » Il remercie pour leur initiative et leur support le CACV, le Comité BAILS, le Comité d’action de Parc-Extension et la Ligue 33.

« Nous, on pense que si les travailleurs, travailleuses et les locataires s'associent, on pourrait aller plus loin, » conclut Léandre Plouffe. « L'érosion de la confiance envers les institutions va bon train, et si le gouvernement s'entête à maintenir sa ligne, la fracture va être salée. »

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