L'Étoile du Nord

Vote forcé sur l’offre patronale

Pourquoi le gouvernement interfère-t-il dans les négos de Postes Canada?​​​​​​​

La semaine dernière, le gouvernement fédéral s’est rangé du côté du PDG de Postes Canada en imposant un vote sur une offre de contrat que les travailleurs avaient déjà refusée. Voilà 18 mois que la société d’État traîne les pieds dans les négociations pour une nouvelle convention collective. En réponse, les postiers sont en grève du temps supplémentaire depuis le 23 mai.

Cette offre avait été qualifiée de « finale » par Postes Canada, confirmant leur refus de continuer à négocier. Le 30 mai, les hauts bureaucrates du service postal ont demandé à la ministre de l'Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, de forcer le vote. En retour, le syndicat avait proposé qu'un arbitre tranche et impose une convention aux deux parties, ce qui a été refusé. Postes Canada s'était justifiée en disant que « l’arbitrage serait compliqué et long. »

Le syndicat avait alors déclaré que la compagnie d'État « souhaite réécrire [la convention collective des postiers] et cherche à utiliser l’ingérence du gouvernement pour atteindre ses objectifs ».

Les négociations contractuelles ont échoué sur plusieurs enjeux, notamment les salaires, les avantages sociaux et les pensions. Entre autres, Postes Canada veut embaucher des travailleurs à temps partiel pour les livraisons de fin de semaine. Le syndicat, lui, veut que de nouveaux postes à temps plein soient créés ou que les travailleurs soient payés des heures supplémentaires.

Matthew, un postier de London, a expliqué à l'Étoile du Nord que Postes Canada veut « modifier notre métier en profondeur, pour réduire la stabilité qu'à en ce moment. » Tout cela démontre, selon lui, que « le gouvernement ne représente pas la classe ouvrière, il représente juste le patronat. »

Le 31 mai, des travailleuses et travailleurs postaux ont manifesté contre l'imposition du vote à travers le pays, notamment à Ottawa. Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes, avec des pancartes telles que « Touche pas à mon bureau de poste ».

Le plus récent rapport financier indique que Postes Canada accuse des pertes d’exploitation de 1,3 milliard de dollars. Mais les membres du STTP pensent que l’entreprise utilise ces pertes comme excuse pour ne pas négocier sérieusement avec eux.

Comme L'Étoile du Nord l'avait déjà révélé, une grande part de ces pertes est attribuable à des investissements infrastructurels. En temps normal, ces investissements ne sont pas comptés dans les pertes et sont distribués sur plusieurs années.

Mais Postes Canada utilise également ce déficit pour tenter d'« amazonifier » ses services, comme l'ont déjà dénoncé plusieurs groupes. Le rapport gouvernemental sur la société d'État, déposé le 15 mai, déclare: « Postes Canada est confrontée à une crise existentielle: elle est insolvable ou en faillite. Sans changements réfléchis, mesurés, échelonnés, mais immédiats, sa situation financière continuera à se détériorer. »

Par ailleurs, il est important de mentionner que Postes Canada est un des seuls « services publics » auquel le gouvernement exige la rentabilité.

Les travailleurs visés pour réduire les coûts

« [Postes Canada] refuse d’admettre que les salaires ne suivent pas l’inflation, et refuse d’assumer sa mauvaise gestion financière. Ils font payer ça aux travailleurs, et c’est pas acceptable, » s'exclame Lina McLean, responsable régionale de l’éducation et de l’organisation pour le STTP, dans une entrevue avec l'Étoile du Nord.

Mark Platt, membre du comité exécutif national du STTP, décrivait ainsi la dégradation des conditions de travail des facteurs, avec l’augmentation du nombre d’adresses et de colis à livrer: « Ils sont très bons dans leur travail, mais personne ne peut marcher 30 kilomètres par jour. Et on a des gens dans des bureaux, des pousseux de crayon, qui pensent: “C'est pas si grave si on épuise les travailleurs et qu’on les blesse.” »

Platt explique que les blessures subies par les facteurs sont graves et durables. « On est la deuxième industrie la plus touchée par les blessures parmi celles sous réglementation fédérale. Les compagnies s’en foutent. Elles nous jettent comme des déchets, elles nous abandonnent, et elles pensent: “T’es juste chanceux d’avoir une job.” »

Lina McLean appelle à la solidarité. « On dirait que toutes les cartes sont dans les mains de Postes Canada—donc, dans celles de l’État. Le mouvement syndical doit faire bloc et rester uni. Il faut se mobiliser et dire: “Ça suffit.” Il faut arrêter ces géants qui piétinent les droits des travailleurs. »

En décembre dernier, les travailleuses et travailleurs des postes ont été forcés de reprendre le travail par une loi spéciale du gouvernement. Cette mesure législative, selon Lina McLean du STTP, « c’est comme tricher, c’est nier le droit à la négociation collective en nous forçant à retourner travailler ».

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