L'Étoile du Nord

Entrevue avec un syndicaliste du cimetière Notre-Dame-des-Neiges

Des syndicats se préparent à résister au projet de loi 89

Le projet de loi du ministre du Travail qui s’attaque au droit de grève des travailleurs du Québec a été adopté à la fin du mois de mai par l’Assemblée nationale. Au courant des derniers mois, la plupart des syndicats québécois ont uni leurs voix pour dénoncer cette mesure qu’ils qualifient d’inconstitutionnelle: selon un jugement de la Cour suprême, le droit de grève découle de la liberté d’association des travailleurs.

Jean Boulet, le « ministre du patronat », justifie son projet de loi « visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock­­-out » par quelques conflits de travail qu’il a jugé trop longs. Parmi ceux-ci, le ministre cite la grève des travailleurs du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, qui a duré plus d’un an.

Dans un entretien avec l’Étoile du Nord, Éric Dufault, le président du syndicat des employés de bureau du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, remets en question les intentions du ministre.

« La base de notre grève, ce n’était pas juste “on veut plus, on veut des bottes de construction, on veut des vacances, on veut plus de salaires”. C’était “on veut avoir assez d’effectifs sur le plancher qui garantissent le service et qui honorent la mémoire et la promesse que le cimetière Notre-Dame-des-Neiges fait au défunt”. C’est ça qu’on a changé ultimement avec cette grève-là. »

Alors que la CAQ accuse les grévistes de priver de services la population, Dufault explique que bien souvent, les syndicats se battent contre des coupures dans les services.

Il ajoute que continuer à travailler, comme si tout allait bien, aurait été comme capituler. « Tous les départs qui étaient non remplacés, on les contestait à coups de griefs. Ça prend à peu près de 18 mois à 2 ans pour avoir une date d’arbitrage [pour régler un grief]. Tu contestes une décision qui est applicable immédiatement, mais tu vas avoir un verdict dans 24 mois. »

« On a obligé l’employeur, le cimetière, à mettre en place des effectifs et une formule qui fonctionne pour rendre le cimetière opérationnel, parce que les demandes de l’employeur à la table de négociation, c’était catastrophe. C’était la réduction de personnel de 80%, ça devenait le Serengeti, le cimetière. »

Avec l’adoption du PL89, les syndiqués perdent un rapport de force crucial pour défendre et améliorer leurs conditions de travail. Parmi les membres du syndicat, cette nouvelle loi ne passe tout simplement pas.

« C’est unanime. Chez nous, c’est vraiment une perte d’autonomie. Il y a une injustice qui est associée à ça. Parce qu’on l’a faite, nous, la guerre. On ne l’a pas faite pour enlever des services à la population. On l’a faite pour faire ouvrir les yeux à un employeur qui est aveugle ».

Source: CSN

Dufault renchérit en expliquant que certains syndicats seraient prêts à utiliser des moyens de pression qui vont à l’encontre du PL89.

« Le premier cas [d’application du PL89] va être vraiment important. Le premier syndicat attaqué et affecté par le PL89 va recevoir un soutien incalculable. Comment ça va se passer? Est-ce qu’il va y avoir des barrières physiques de tous les autres syndicats? Est-ce qu’il va y avoir cette espèce de piquetage humain indirect? Ce sont les solutions qu’on avait commencé à proposer. »

Pour lui, la CAQ a fermé la porte à toute option de dialogue sur la question. « Je ne pense pas qu’on pouvait démontrer plus d’objections à ce projet de loi. Il n’y a même pas eu de consultation. Il n’y a clairement pas eu d’écoute de nos arguments. Il va falloir frapper par l’impact. Il va falloir démontrer que cette formule-là ne fonctionnera pas. »

La CSN a entamé des procédures judiciaires pour contester la validité du PL89, mais celle-ci peuvent s’échelonner sur plusieurs années.

Le président du syndicat souligne aussi que forcer des travailleurs à retourner au travail ne se fait pas dans un climat de paix. « Je suis certain que ça va avoir des effets humains quand on va obliger tout le monde à retourner au travail. Ça ne sera pas accepté. Il y a des gens qui vont se dire, oui, je suis obligé de retourner physiquement à ma chaise de travail, mais là, du sabotage, il va y en avoir, des gestes illégaux, il va y en avoir. »

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