Ce 5 août marque le 8e mois de lockout pour la cinquantaine de travailleurs de Béton Provincial (BP) à Lasalle et Longueuil. Celui-ci a été déclenché par l’employeur après que les travailleurs ont refusé à 100% une offre patronale qu’ils jugent inacceptable. Les travailleurs de l’industrie du béton à travers la province ont les yeux rivés sur cette lutte, car le contrat qu’obtiendront les ouvriers de Lasalle et de Longueuil servira vraisemblablement d’exemple.
Pendant les négociations, les travailleurs de Lasalle et Longueuil demandent une augmentation salariale de 18% sur quatre ans. De son côté, l’employeur n’offre ni plus ni moins qu’un gel salarial complet jusqu’en 2027, puis 2 % d’augmentation annuelle en 2028 et 2029, ainsi que l’abolition des régimes de retraite et d’assurance collective.
Rappelons que l’indice des prix de la consommation au Québec a augmenté de 15,5% ces 4 dernières années.
Selon les travailleurs de l’usine de LaSalle interviewés par l’Étoile du Nord, l’intransigeance du controversé PDG André Bélanger s’explique par le fait que l’entreprise cherche à montrer l’exemple en "coupant la tête" d’un des syndicats "les plus forts" de l’industrie:

"Il veut nous casser pour donner l’exemple aux autres", affirme Gilles Marleau, président du Syndicat et opérateur de bétonnière depuis 16 ans. "C’est pour faire peur aux autres dans l’industrie. Toutes les autres compagnies, leurs conventions sont similaires à la nôtre, et ils s’en sont servis pour négocier."
Alors que l’employeur affirme que son offre d’appauvrissement est causée par le manque de rentabilité de l’usine de Lasalle, les travailleurs disent tout le contraire. Parmi les 150 usines de béton de BP, c’est celle-ci qui est la plus près du centre-ville de Montréal, un milieu que l’entreprise d’André Bélanger tenterait de percer en offrant du béton à plus bas prix, manœuvre rendue possible grâce à un gel salarial.
Malgré l’intransigeance du camp patronal, les travailleurs ne planifient pas d’abandonner. Ils multiplient les coups d’éclat depuis le début du lock-out afin de mettre de la pression sur l’entreprise, de donner de la visibilité à leur lutte ou de bâtir de la solidarité intersyndicale.
"On est allé au Pont Jacques Cartier, on est allé à la maison mère à Québec, on est allé appuyer les autres syndicats, faire de la visibilité," dit Marleau. "Mais à chaque fois qu’on fait une action, il y a une réaction, lui il nous fait quelque chose".
Selon Daniel, qui travaille également à l’usine de Lasalle: "quand on est allé manifester au salon de l’emploi, il a pris tout notre bois de chauffage et il l’a jeté à la poubelle. Il a aussi jeté un banc en bois qu'[un collègue] a fabriqué."
Maintenant, le président du syndicat dit qu’à chaque semaine, on l’informe d’une nouvelle mise en demeure déposée par l’employeur en réaction à des manifestations ou des commentaires sur Internet.
Parmi toutes les actions des travailleurs depuis le début du lock-out, c’est la manifestation des travailleurs au chalet de Bélanger à Magog qui aura fait le plus de bruit. C’est sur un ponton sur le Lac Memphrémagog, devant l’opulente propriété à 11.55M$ que les travailleurs ont déployé une bannière dénonçant l’offre patronale.

Selon le journal Reflet du Lac, le chalet compterait "8 chambres, 7 salles de bain, 5 salles d’eau, un «pool house» avec spa creusé, un terrain de tennis, un garage double détaché, [...] 5 foyers au bois, une bibliothèque, une salle de sport, un sauna et un terrain intime de 227 000 pieds carrés." Comme si ce n’était pas suffisant, la chambre des maîtres est dotée d’un ascenseur spécifiquement pour se rendre dans un walk-in de 350 pieds carrés, soit environ la taille d’un appartement studio à Montréal.

La propriété, qui aura coûté à elle-seule près de 200 fois le salaire annuel brut d’un travailleur de BP, selon les calculs de l’Étoile du Nord, est maintenant entre les mains d’André Bélanger, PDG actuel de BP et fils du fondateur, et de sa femme, à la tête des ressources humaines de l’entreprise.
"C’est la femme du PDG qui est à la table de négociations! C’est la boss des ressources humaines,’’ dit Marleau. "Les ressources humaines c’est supposément l’arbitre entre les travailleurs et le patron," ironise pour sa part Daniel.
D’un autre côté, le mouvement syndical ne reste pas les bras croisés. Plusieurs syndicats ont contribué au fonds de grève des lock-outés pour leur permettre de continuer dans ce qui devient un des conflits de travail les plus importants de l’année dans la province.
Bien que l’employeur cherche à faire un exemple des travailleurs de LaSalle et de Longueuil, la situation se transforme en une opportunité pour les ouvriers de renverser la vapeur et de faire, cette fois, un exemple de Béton Provincial.