Deux ans sans contrat de travail, c'est long. Épuisés par l'attente et écœurés par les offres du gouvernement Legault, les ambulanciers du Québec ont lancé ce matin une grève générale illimitée. Ils dénoncent des propositions qui feraient reculer leurs conditions de travail, pendant que Québec continue de gagner du temps.
Environ 3300 paramédics ont donc cessé toutes les tâches non essentielles ce matin. Une grève partielle est aussi en cours: ils sont remplacés par du personnel-cadre, en rotation. Mais une grève complète leur est interdite. La loi les oblige à maintenir un « service essentiel », ce qui affaiblit leur rapport de force.
Cette escalade survient après plusieurs journées de négociation en juin, restées sans effet. Le Conseil du trésor refuse toujours de donner les mandats nécessaires pour conclure une entente. Neuf autres rencontres sont prévues en juillet.
Les paramédics accusent le gouvernement de ne chercher que des reculs, sans rien proposer pour améliorer leurs conditions de travail. « Le gouvernement nous méprise carrément quand vient le temps de négocier nos conditions de travail, » dénonce par communiqué Claude Lamarche, président du Syndicat du préhospitalier, qui représente les paramédics d’Urgences-santé à Montréal et à Laval.
Il ajoute: « C’est devenu presque un rituel. À chaque négociation, le gouvernement se traîne les pieds pendant des années au lieu de se mettre en marche dès le jour un. Mais cette fois-ci, c’est du jamais vu: les demandes du gouvernement auraient pour effet de baisser notre rémunération. ».
Pendant ce temps, la majorité des paramédics au Québec sont employés par des entreprises privées sous contrat avec le gouvernement. « Nos employeurs s’en lavent les mains, » dénonce le président du Syndicat des paramédics Laurentides–Lanaudière, Danny Leggo Beaudoin. « Le gouvernement, qui paie presque entièrement les services, leur a garanti leurs marges de profits quoiqu’il advienne. »

Encore le temps supplémentaire forcé
Mais un point bloque particulièrement: le temps supplémentaire forcé. « Ce qu’on constate au quotidien, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’attirer de nouveaux paramédics et qu’il y a en plein qui décident finalement de réorienter leur carrière, à cause de conditions de travail qui ne sont pas à la hauteur, » déplore Gaétan Dutil, président du Syndicat des paramédics et du préhospitalier de la Montérégie.
La situation rappelle celle des infirmières, qui avaient mené il y a quelques années une lutte très médiatisée contre le temps supplémentaire obligatoire.
Plus tôt cette année, la CSN a dénoncé Urgences-santé, qui avait imposé des conditions extrêmes après une tempête de neige en déclenchant le niveau d’urgence 3, le plus élevé. Cela a forcé des quarts de travail de 16 heures et l'annulation des pauses.
Parmi tout ce qui pouvait justifier le niveau d'urgence le plus élevé, « est-ce qu’un lendemain de tempête de neige est vraiment la situation la plus critique qu’on doive gérer? » avait lancé Claude Lamarche, président du Syndicat du préhospitalier à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN).
Il pointe plutôt vers la mauvaise gestion de la société d'État, qui s'est reflétée dans la gestion de cette crise, et selon Lamarche, ce sont les travailleurs qui ont dû en subir les conséquences. « Pourquoi on exige une répartition des patients qui allonge inutilement le temps de transport? Pourquoi on nous demande aussi de répondre aux appels non urgents? Tout cela vient ajouter à la situation complètement chaotique dans laquelle on se trouve déjà. »
Sous-traitance rampante
Parallèlement, les syndiqués dénoncent le recours grandissant aux agences de placement. Ces dernières sont critiquées pour leur précarité d’emploi et leur coût exorbitant pour les institutions publiques.
Leggo Beaudoin explique: « [Les compagnies ambulancières privées] vont chercher, à grands frais, du personnel d’agences pour combler les remplacements et c’est le gouvernement qui paie, à leur place, les sommes supplémentaires. C’est indécent! La vérificatrice générale a dénoncé cette mauvaise gestion dans son dernier rapport, mais le gouvernement semble faire exprès de regarder ailleurs ».
En effet, elle écrivait dans un rapport à la fin mai: « Le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas l’assurance que les montants versés aux entreprises ambulancières sont raisonnables. De plus, les établissements audités ne vérifient pas suffisamment si ces entreprises ont bien atteint leurs objectifs de performance auxquels sont rattachés des incitatifs financiers. »
Dans un rapport au début de l'année concernant la SAAQ, la vérificatrice générale dénonçait le recours aux contrats de sous-traitance et aux consultants comme McKinsey & Co comme un problème majeur dans toute la fonction publique.