L'Étoile du Nord

Confrontation évitée sur des terres Atikamekw

Des entrepreneurs forestiers menacent de démanteler un blocage autochtone

Une confrontation entre le personnel du géant forestier Rémabec et des défenseurs du territoire autochtones a été évitée de justesse en début de semaine. Un entrepreneur forestier avait menacé de mobiliser ses collègues pour briser les barrages forestiers près de Wemotaci, une réserve Atikamekw située dans la région de la Mauricie, au centre du Québec. 

Depuis plusieurs mois, un groupe d'habitants de Wemotaci et leurs alliés maintiennent des blocages pour empêcher les opérations d'exploitation forestière et affirmer leur souveraineté sur leurs terres.

Vendredi soir, l'entrepreneur forestier Dany Grenier a publié un message sur Facebook appelant ses collègues du secteur forestier à se joindre à lui pour « faire valoir leurs droits » et reprendre l'abattage le lundi matin suivant. 

« Ils menaçaient de venir prendre le contrôle du territoire. Bien, on essaie de les empêcher, donc on a fait un appel à la population », a déclaré la gardienne du territoire Valeska Tastapapi dans un entrevue avec l'Étoile du Nord durant le blocage.

Tastapapi faisait partie des dizaines de défenseurs de territoires et de leurs alliés qui se sont rassemblés au kilomètre 60 de la route 25 le dimanche 17 août. « Quand c’est une famille qui est vraiment menacée, c’est sûr que beaucoup vont se lever », a-t-elle déclaré.

Finalement, une confrontation a été évitée lorsque Rémabec, la société mère de nombreuses entreprises forestières de la région, a envoyé des personnes sur place pour empêcher ses employés d'affronter le barrage. La Sûreté du Québec était également présente.

« [Les patrons] sont venus le matin et nous ont avertis qu’ils allaient se tenir loin du blocage pour faire virer de bord les travailleurs qui veulent absolument passer », a expliqué Dave Petiquay, porte-parole du groupe des Premières Nations Mamo. « Avec le nombre de monde qu’on est, ils devaient avoir peur qu’il y ait du grabuge, que la relation entre les forestiers et les autochtones se dégrade. »

Dans une déclaration au ton diplomatique, Rémabec a demandé à ses filiales de se retirer et a appelé le gouvernement provincial à intervenir pour « mettre fin aux tensions » et « accompagner les discussions vers une entente gagnante pour tous ».

Le maire de La Tuque, une petite ville située près de Wemotaci, s'est montré moins enclin à mâcher ses mots. « On a des lois au Québec. Il y a la police du CN, la Gendarmerie royale et la police provinciale. Donc à trois services, ils sont capables de sortir [les blocages] de là, » , a déclaré le maire Luc Martel.

« [La durée du blocage] va dépendre des forestiers, mais c’est sûr qu’il va falloir qu’on se déplace aussi, y’a d’autres secteurs qui sont problématiques, va falloir les faire sortir aussi », a déclaré M. Petiquay. « Là, avec ce qu’on est en train de faire, il n’y a plus de coupes dans le secteur, mais à certains endroits dans le territoire de Wemotaci, il y a encore des coupes, et à Manawan aussi »

Projet de loi 97 du Québec

Les blocages à Wemotaci et dans plusieurs autres réserves du Québec ont été organisés par les chefs héréditaires et d'autres membres de l'organisation Première Nations Mamo, une alliance de défenseurs du territoire Atikamekw, Innu et Abenaki qui a été formée en avril en réponse au projet de loi 97 du Québec.

Ce projet de loi controversé, proposé par la ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, vise, comme la CAQ tend à le faire, à « moderniser » la gestion forestière dans la province. 

Il prévoit diviser les forêts en trois zones :

  1. Les zones destinées à des opérations forestières intensives
  2. Les zones permettant une utilisation mixte, comme la foresterie, la conservation ou les activités récréatives
  3. Les zones protégées pour le maintien des écosystèmes

Les opposants au projet de loi dénoncent le fait qu'un tiers des forêts serait réservé à des intérêts privés, leur donnant ainsi le contrôle total de ces terres à des fins lucratives. 

Lucien Wabanonik, chef du Conseil Anishnabe de Lac-Simon, a déclaré à Radio-Canada que « cette mesure est une provocation directe à nos membres en territoire. Ce que leur dit le projet de loi, c’est : "on vous tolère en n’interdisant pas vos activités traditionnelles, mais vous devez dans aucun cas ou prétexte nuire à l’exploitation forestière qui a primauté sur vos droits". » 

Le projet de loi 97 a été déposé dans un contexte marqué par une vague de nouvelles lois à travers le pays visant à étendre les activités d'extraction des ressources et à « simplifier » le processus d'approbation des nouveaux projets. 

Par exemple, la Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en libérant son économie, adoptée en juin, ouvre plusieurs régions du nord de l'Ontario à l'exploitation des ressources. Cette loi a été qualifiée par un chef régional de l'Ontario, Abram Benedict, de « menace directe » pour les Premières Nations, leurs terres, leur juridiction et leur souveraineté.

Toujours en juin, les libéraux de Mark Carney ont été soutenus par les conservateurs pour adopter la Loi sur l’unité de l’économie canadienne. Cette loi supprime les réglementations et les exigences relatives aux projets d'infrastructure et d'extraction des ressources. Le chef de la Première Nation Kebaowek, Lance Haymond, a qualifié le processus qui a conduit à ce projet de loi de « cas d'école sur la manière de ne pas traiter avec les nations autochtones ».

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