Un nouvel investissement du gouvernement Legault fait grincer des dents: Québec injecte 500 millions $ dans Innergex, producteur d’énergie éolienne. Pourtant, Hydro-Québec avait récemment vendu 20% de ses parts à la Caisse de dépôt pour éviter un « conflit d’intérêts », encaissant une perte de 214 millions $ d’argent public. La CAQ soutient malgré tout que l’opération est « peu risquée », qu’elle appuiera la transition énergétique d’Hydro-Québec et « protégera les industries stratégiques » du Québec.
Plusieurs syndicats tirent la sonnette d’alarme. Après l’adoption sous bâillon du PL69 en juin, qui retire à Hydro-Québec son monopole sur la production, le transport et la distribution d’électricité, le gouvernement Legault a discrètement réalisé l’un de ses plus gros investissements récents, alors que la sous-traitance dans le secteur énergétique s’accélère.
« Pourquoi un investissement dans une compagnie privée se balade d’une société d’État vers la Caisse de dépôt pour finir chez Investissements Québec? » se demande Frédéric Savard, président du secteur énergie du syndicat SCFP-Québec, par communiqué. « Les parts auraient pu rester chez Hydro-Québec, cela aurait évité une perte de plus de 214 millions pour les contribuables. Nous espérons que le Vérificateur général du Québec se pose les mêmes questions. »
« Idéalement, nous aurions aimé voir les 500 millions être investis chez Hydro-Québec, » poursuit-il. « Avec le plan 2035, il y a de belles opportunités pour développer d’autres formes d’énergie et le personnel en poste a l’expertise et la capacité de le faire à l’interne, ce qui assure une meilleure gestion des fonds publics. »
Au total, la Caisse de dépôt et placement du Québec a déjà dépensé 9 milliards de dollars pour racheter Innergex. La Caisse a gardé 80% des actions, puis a cédé les 20% restants à des investisseurs suisses, à Desjardins, à Fondaction et au ministère de l’Économie.
En entrevue, le gouvernement assure que son investissement était « nécessaire » pour « protéger Innergex d’une offre d’achat hostile de la part d’intérêts », même si les actionnaires du Québec étaient déjà majoritaires. Cependant, la ou les compagnies qui seraient à l’origine de cette prise de contrôle hostile restent un mystère.

L’entrée massive de la Caisse de dépôt et du gouvernement dans Innergex surprend, surtout que le Québec a déjà débattu de la nationalisation de l’éolien. En 2007, certains partis en faisaient même une promesse électorale.
Or, l’investissement actuel n’a rien d’une nationalisation: l’entreprise n’est contrôlée ni par l’État, et encore moins par la population. Elle reste entre les mains de fonds d’investissement nominalement publics visant un retour maximal sur investissement, indépendamment des besoins. À la différence d’Hydro-Québec, qui doit suivre les orientations gouvernementales et répondre aux besoins économiques, Innergex n’aura aucune de ces obligations.
Pour marquer la transaction, Innergex et la Caisse de dépôt ont prévu qu’une poignée de hauts dirigeants puissent piger dans les fonds publics et se partager une prime totalisant 3 millions $.
C’est ce qu’affirme le conseil d’administration: « Le conseil a approuvé des primes liées à l’opération à certains membres de la haute direction et employés clés de la société et de ses filiales, notamment afin de récompenser leur contribution à l’arrangement et le travail supplémentaire qu’ils doivent effectuer à cet égard, et de reconnaître le rôle qu’ils ont joué pour maximiser la valeur dans le cadre de l’arrangement. »