Les agents de bord d’Air Canada « en sont arrivés à une entente de principe […] après une lutte historique. » C’est par ces mots que le SCFP, syndicat des grévistes, a annoncé tôt ce matin l’entente conclue.
« Nous avons mis fin au travail non payé », poursuit le communiqué. « Nous avons retrouvé notre voix et notre pouvoir. Lorsque nos droits nous ont été retirés, nous nous sommes tenus debout, forts, nous nous sommes battus—et nous avons conclu une entente de principe que nos membres peuvent entériner. »
Yvan Perrier, chercheur en droit social et professeur de science politique, estime que « les syndiqués du SCFP ont fait preuve d’un grand courage en décidant de braver la décision de la ministre. » Il rappelle que défier une loi ou un décret, même contesté en cour, entraîne toujours un risque de sanctions. « Il y a une présomption de constitutionnalité qui accompagne les décisions ministérielles ou les lois. »
Une porte-parole du SCFP a confirmé à l’Étoile du Nord que les représentants syndicaux rencontraient cet après-midi les grévistes pour présenter l’entente. Si elle est acceptée, le travail pourrait reprendre graduellement très bientôt.

Un appui fort dans la population
Cette entente de principe devrait réjouir la population, pour des raisons qui dépassent la reprise des vols. Un sondage Abacus Data, publié le 15 août, révélait que 88% des gens appuient les revendications des grévistes. Près de 60% allaient plus loin, appuyant l’idée que « le gouvernement fédéral devrait respecter le droit de grève des agents de bord, malgré les perturbations que cela pourrait entraîner. »
Philippe Soucy, président du Syndicat des professionnels du Cégep de Saint-Laurent, était hier soir au centre-ville de Montréal, où plusieurs centaines de personnes s’étaient rassemblées à l’appel de l’organisation Alliance Ouvrière en soutien aux agents de bord.
« On trouvait vraiment important de faire l’appel à tous les syndicats, en plus d’élargir ça à la population. Le monde est derrière ces travailleuses, et avec raison », expliquait-il à l’Étoile du Nord.
Il espérait que le conflit se conclue par des améliorations significatives des conditions de travail des agents de bord, ce qui semble maintenant en voie de se réaliser.

La stratégie patronale déjouée
Quelques heures avant la manifestation hier, le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, affirmait à Bloomberg qu’il s’attendait à ce qu’Ottawa invoque l’article 107 du Code du travail pour forcer la fin de la grève, mais pas à la désobéissance des grévistes.
Pour Soucy, rien de surprenant. Il souligne que l’État se range systématiquement du côté du patronat, peu importe la loi. Il précise que dans ce cas-ci, l’article 107 permet aux grandes entreprises d’éviter la négociation en misant sur l’intervention gouvernementale. « Les autres syndicats, on est là pour dire non. On ne se fera pas dicter quoi faire par le gouvernement. »
Selon Perrier, il s’agissait bien « d’une stratégie conjointe entre le ministère du Travail et Air Canada. Ils voulaient absolument coincer le syndicat pour atténuer le rapport de force. » Mais, ajoute-t-il, le SCFP disposait de trois atouts majeurs: un vote massif en faveur de la grève, la détermination de ses membres à défier la loi, et l’appui d’une opinion publique choquée de voir des travailleurs privés de rémunération.

Un précédent
Pierre Wilson, délégué syndical du syndicat des postes, pense que les agents de bord ont créé un précédent essentiel: « Souvent, les travailleurs sur les planchers, ils ont peur. Ils ne croient plus à des mouvements de même. »
Il souligne que les grandes luttes syndicales du passé et les acquis qu’elles avaient apportés semblent loin, à force de lois spéciales imposées les unes après les autres. Mais les choses pourraient changer: « Il fallait que quelqu’un crée le précédent. Là, eux autres, ils l’ont créé… et ils ont prospéré. Je pense qu’au sein des militants, il y en a plus qui parlent de grève générale. » Perrier confirme: « Je pense que ça peut effectivement avoir un effet sur la base militante. Devant des directions syndicales qui hésitent à défendre les intérêts de leurs membres jusqu’au bout, ça peut redonner de la vigueur à cette base-là et sortir certaines directions de leur torpeur, surtout celles qui sont frileuses à l’idée de défendre inconditionnellement les intérêts de leurs membres. »