L'Étoile du Nord

« Un travailleur va mourir bientôt »

Dans une université de C‑B, une concierge meurt surchargée de travail

Une employée contractuelle de longue date est morte pendant son quart de travail à l’Université Simon Fraser (SFU), en Colombie-Britannique. Depuis, ses collègues tentent de mettre en lumière les conditions de travail déplorables et la négligence patronale qui auraient précédé son décès.

Kulbir Kaila, travailleuse d’origine pendjabie âgée de 61 ans, est décédée le lundi 28 juillet à 14 h 30. Elle travaillait au campus de Burnaby de la prestigieuse université depuis plus de dix ans. Le jour de sa mort, elle devait nettoyer une zone deux fois et demie plus grande que la charge de travail habituelle. Plusieurs de ses collègues avaient déjà signalé sa douleur chronique aux genoux et son stress élevé dû à la surcharge de travail, tant à leur syndicat local, le SCFP 3338, qu’à leur employeur direct, BEST Service Pro (BEST). Leurs plaintes auraient été rejetées comme de simples tentatives de « faire du drame ».

Conditions de travail insoutenables

Des travailleurs interrogés par L’Étoile du Nord ont décrit une réalité brutale: ils doivent souvent nettoyer cinq zones ou plus sur le campus de 1,7 km², alors qu’une charge normale serait de deux zones. Selon eux, cette situation découle d’une mise à pied massive en 2023, lorsque 26 travailleurs de l’entretien ont été congédiés. Depuis, cinq nouveaux gestionnaires ont été embauchés, mais le nombre de travailleurs est resté le même.

Avant la mort de Kulbir, le personnel d’entretien avait appelé à répétition la ligne téléphonique de BEST pour avertir qu’« un travailleur allait mourir bientôt » à cause de la surcharge de travail. Un gérant adjoint leur aurait répondu que leurs appels étaient « inutiles » et de « passer à autre chose ».

Un membre de SDU+ (Students, Staff, and Faculty for a Democratic University), un regroupement qui enquête sur ces conditions, explique:

« On a remarqué que plusieurs employés ont déposé des plaintes à WorkSafe BC pour des blessures au travail. Comme ils sont en sous-effectif, surtout pendant l’été, ça fait en sorte que les personnes un peu plus en santé doivent prendre encore plus de tâches et plus de zones à nettoyer. Résultat: elles finissent par se blesser à leur tour. C’est un cycle qui n’arrête pas. »

Depuis la mort de Kulbir, aucun travailleur ne veut nettoyer le pavillon des sciences et technologies 2 (TASC 2), là où elle s’est effondrée. BEST n’ayant pas redistribué sa charge, un travailleur (tout juste revenu d’une opération au genou) doit maintenant assumer cette zone en plus de ses propres tâches.

Source: site web de BEST

Discrimination et harcèlement

Les travailleurs racontent aussi leurs humiliations quotidiennes. Selon l’un d’eux, les superviseurs les « traitent comme des animaux », et des employés d’origine africaine auraient même été traités de « singes » par des gestionnaires.

Un autre employé rapporte qu’alors qu’il était en arrêt de cinq semaines pour blessure, la direction l’appelait tous les jours pour savoir quand il reviendrait. Plusieurs disent être constamment harcelés par la hiérarchie, créant un climat « extrêmement stressant ».

Surveillance et règles arbitraires

Plusieurs travailleurs affirment être surveillés pendant leurs quarts. Un employé raconte qu’un chef d’équipe l’a photographié parce qu’il avait retiré ses gants pour boire de l’eau. Une semaine plus tard, il a été convoqué par la direction au sujet de ces photos.

Dans un autre cas, un travailleur a vu sa pression chuter en plein quart. BEST aurait envoyé un gérant et un chauffeur jusqu’à l’hôpital pour vérifier qu’il ne « simulait pas » son malaise et qu’il ne tentait pas de « faire du drame ».

Les gestionnaires imposeraient aussi des règles punitives, comme verrouiller la porte pour une minute de retard, ce qui entraînait des coupures de salaire.

En parallèle, SDU+ dit avoir constaté que des superviseurs entraînaient des robots de nettoyage sur le campus. Pendant ce temps, le personnel demande plutôt l’embauche de plus de monde avant la rentrée de l’automne 2026, qui amènera une hausse de la charge de travail.

Relations publiques

Après la mort de Kulbir, BEST a déclaré que le décès n’avait rien à voir avec le travail et relevait uniquement de la « légalité et de la confidentialité ». Des employés ont vu le PDG de l’entreprise venir sur le campus en larmes. Mais selon eux, il s’agissait surtout d’une manœuvre de relations publiques. L’Étoile du Nord a tenté de joindre BEST pour des commentaires, sans succès.

BEST déclare un chiffre d’affaires de plus de 50 millions $ par an. Ses employés d’entretien, en grande majorité des travailleurs issus de communautés immigrantes qui ne parlent pas anglais, gagnent 27 $ de l’heure. Alors que l’entreprise mise sur la robotisation, l’avenir des travailleurs de l’entretien reste plus incertain que jamais.

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