L'Étoile du Nord

Policiers dans les écoles

Des groupes dénoncent un projet de loi 33 « carcéral » de Doug Ford

À un mois de la reprise de l’Assemblée législative de l’Ontario, des étudiants, enseignants et militants liés au collectif Policing-Free Schools ont tenu un atelier et un rassemblement devant Queen’s Park, le matin du 27 août, pour demander au premier ministre Doug Ford et au ministre de l’Éducation Paul Calandra d’abroger le projet de loi 33.

« Je suis ici aujourd’hui rempli de rage », a déclaré l’ancienne représentante étudiante Ahona Mehdi devant la foule réunie devant l’Assemblée législative. Mehdi faisait partie des sept orateurs présents à l’événement organisé par Policing-Free Schools Ontario, trois mois après le dépôt du projet de loi 33 par Paul Calandra.

Ce projet de loi renforcerait la centralisation des décisions au niveau du gouvernement et imposerait notamment le retour des programmes d’agents de liaison scolaire (School Resource Officers, SRO) dans l’ensemble des conseils scolaires publics de l’Ontario. Toutes les écoles situées dans une région où le service de police local offre un programme SRO seraient obligées d’accepter la présence de policiers dans leurs établissements.

Le projet de loi doit être soumis au vote à la reprise des travaux parlementaires en octobre. Des syndicats, des enseignants du système public et des parents s’y opposent. Plusieurs d’entre eux avaient déjà milité pour faire retirer les policiers des écoles en 2017, dans le contexte du mouvement Black Lives Matter.

Malgré son titre, la « Loi de soutien aux enfants et aux élèves » ne propose aucune solution aux nombreuses crises qui touchent actuellement le système d’éducation public de l’Ontario. Ces problèmes incluent un sous-financement chronique, l’épuisement du personnel scolaire, des infrastructures en mauvais état à Toronto ayant entraîné des grèves d’enseignants et d’élèves, ainsi que la suspension des admissions dans une école secondaire pour élèves handicapés. Le projet de loi s’inscrit plutôt dans une tendance à augmenter les budgets de la police et du système carcéral, en les justifiant par des crises causées par l’austérité.

Source: Facebook, @CFSON

Andrea Vasquez Jimenez, directrice de Policing-Free Schools, a rappelé que, si l’on tient compte de l’inflation et du taux d’inscription, le gouvernement de Doug Ford a retiré 7,3 milliards de dollars du système d’éducation public depuis 2018.

Par exemple, les coupes dans les postes d’assistants à l’éducation et de personnel spécialisé dans les conseils scolaires ontariens signifient que les enseignants sont surchargés, mal rémunérés et doivent gérer des classes de plus en plus nombreuses. Ils ne peuvent souvent pas répondre aux besoins des élèves handicapés ou de ceux ayant besoin d’un suivi médical ou d’un accompagnement comportemental.

« La réponse, c’est toujours d’envoyer la police, ou de punir. Mais si les écoles étaient correctement financées et comptaient suffisamment d’assistants ou de services spécialisés, les élèves n’auraient pas ces “crises” ou accès de colère qu’on perçoit comme de la violence, alors qu’en réalité, ce sont des réactions à la maltraitance et à la violence qu’ils subissent déjà dans l’école », explique Mehdi.

En plus de rétablir la présence policière dans les écoles, le projet de loi 33 accorderait au ministre de l’Éducation beaucoup plus de pouvoir et de contrôle sur les conseils scolaires. Cela inclurait la possibilité de réglementer les frais d’inscription postsecondaire et de passer outre les décisions des commissaires scolaires élus pour enquêter sur la gestion des conseils. Selon les intervenants de l’atelier du 27 août, ce projet de loi s’inscrit dans une volonté plus large du gouvernement Ford d’éliminer les commissaires scolaires, voire les conseils scolaires eux-mêmes.

Le mois dernier, Paul Calandra a déclaré aux médias que « tout est sur la table » en ce qui concerne la réforme de la gouvernance scolaire, et que « si on peut offrir un meilleur service », il n’hésiterait pas à éliminer les commissaires scolaires.

En 2017, après près de dix ans de mobilisation pour retirer les policiers des écoles, plusieurs conseils scolaires, dont ceux d’Ottawa, Hamilton, Durham, York et Guelph, ont mis fin à leurs programmes d’agents de liaison.

« On sait que ce projet de loi est présenté maintenant parce que la province veut retirer même nos formes limitées de participation démocratique », a déclaré Ahona Mehdi. « Ils savent que les jeunes se sont organisés, qu’on a gagné, et qu’on peut gagner encore. Et ça leur fait peur. Ils veulent qu’on soit épuisés, isolés et silencieux. C’est une tentative de centraliser le pouvoir et d’éteindre les voix des élèves. »

Alors que la province continue d’investir dans la police, Ahona Mehdi, en entrevue avec L’Étoile du Nord, a posé la question suivante: « Qu’est-ce qu’on pourrait faire avec cet argent? Des programmes alimentaires? Du transport en commun accessible? Des espaces extérieurs? Du financement pour les arts? Des enfants vont à l’école le ventre vide. Des enseignants paient les fournitures scolaires de leur poche. Alors, qu’est-ce que ça veut dire, vraiment, investir dans l’éducation? »

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