Lundi matin, des dizaines de postiers et de militants ouvriers ont empêché des camions d'entrer dans un entrepôt de Purolator à Montréal. Les postiers, représentés par le STTP, ont entamé une grève jeudi dernier après que le gouvernement fédéral ait autorisé Postes Canada à réduire considérablement ses services dans tout le pays.
À 10 heures, le groupe de travailleurs a commencé à bloquer les deux entrées de l'entrepôt de Purolator à Ville-Saint-Laurent, un important centre industriel au nord-ouest de Montréal. Outre les postiers, d'anciens employés d'Amazon et des membres du groupe Alliance ouvrière étaient présents. Le blocage a duré un peu moins de deux heures avant d'être dispersé par la police de Montréal.
Purolator est une entreprise privée de courrier détenue à 91 % par Postes Canada. Doug Ettinger, PDG de Postes Canada, siège au conseil d'administration de Purolator.
«Que fait [Ettinger]? Il prend les clients de Postes Canada, il les envoie dans sa filiale de Purolator, puis après ça, il vient dire que Postes Canada est dans le déficit de plusieurs milliards.», explique Raymond Viel, président de la section locale de Montréal du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). « L'argent sort d'une poche et rentre de l'autre. C'est pour ça aussi que nos négociations sont maintenant rendues à près de deux ans avec Postes Canada.»
Lors de la dernière série de grèves du STTP à la fin de 2024, les travailleurs de Purolator ont déclaré avoir reçu d'importantes quantités de fret de Postes Canada. Il s'agissait notamment de colis envoyés par les bureaux du gouvernement fédéral, qui sont tenus par la loi d'être acheminés par Postes Canada.

«Postes Canada se fait un malin plaisir de faire proliférer les colis en masse chez Purolator», déclare François Kirsch, un délégué syndical. « Les profits générés par ce travail chez Purolator ne retourneront pas dans les coffres du gouvernement. Ils resteront entre les mains du secteur privé. »
Les travailleurs dénoncent les réductions de services et les fermetures
Jeudi dernier, le ministre libéral Joel Lightbound a annoncé que le gouvernement fédéral lèverait le moratoire de 40 ans sur la fermeture des bureaux de poste ruraux. De plus, le gouvernement autorisera Postes Canada à mettre fin à la livraison à domicile pour 4 000 000 de foyers, obligeant les gens à aller chercher leur courrier dans des boîtes aux lettres communautaires.
«Il va falloir qu'ils aillent au privé. Ça va coûter deux, trois, quatre, cinq fois le prix juste pour avoir leurs médicaments, pour avoir des lunettes ou même de la nourriture.», a déclaré M. Viel à l'Étoile du Nord. «On vient aussi dénoncer que le ministre Lightbound a pris une décision sans même consulter la population. Il a décidé de par lui-même de couper les services de Postes Canada sans consulter la population, ce qui est contraire au protocole postal.»
Au cœur des revendications des postiers figure la modernisation du service postal, qui devrait s'accompagner d'une offre de services supplémentaires plutôt que de suppressions.
« Nous demandons la création d'une banque postale. Qu'est-ce qui rapporte plus d'argent qu'une banque ? Une autre banque. Peut-être grâce à la vente d'assurances, comme on le voit en Europe, ou aux télécommunications », explique M. Viel.
« Postes Canada est implanté dans toutes les municipalités au Canada. Il y a quelque chose à faire avec ça. Postes Canada a toujours fermé la porte à ça. Prétextant qu'il n'était pas viable, qu'il ne pouvait pas faire ça. Alors que c'est le contraire. C'est comme ça qu'ils vont perdurer. »
Dans le cadre des réformes autorisées par le gouvernement fédéral, Postes Canada cherchera plutôt à générer des revenus en augmentant le prix des timbres, un coût qui sera finalement supporté par les citoyens.
M. Viel estime que le gouvernement devrait s'attaquer aux problèmes liés à la gestion de Postes Canada plutôt que de punir les travailleurs et la population canadienne : «C'est pas normal qu'en 2019, Postes Canada avait 60 % des parts de marché du colis et que maintenant, on est rendu à quasiment 24%. Ça, c'est pas de la faute des facteurs. C'est pas de la faute de la population canadienne. C'est la haute direction qui n'a pas su réagir à temps et adapter ses services à la population. C'est dans ceux-là qu'ils devraient aller faire le ménage.»
Kirsch a fait part à l'Étoile du Nord de ses préoccupations concernant le transfert d'argent du secteur public vers le secteur privé :
« On pense qu'encourager une société d'État, c'est encourager également un retour d'argent pour les contribuables canadiens et canadiennes. Donc, tout le monde aurait intérêt de pousser de l'avant cette société d'État-là, Postes Canada, plutôt que de pousser les intérêts privés, que ce soit Purolator, UPS, FedEx, DHL, Amazon, Intelcom. »
Amazon et Intelcom ont fait les gros titres plus tôt cette année après que la première ait fermé ses entrepôts au Québec en réponse à la syndicalisation de son entrepôt de Laval. Le PDG d'Intelcom, principal sous-traitant d'Amazon au Québec, est Jean-Sébastien Joly, le frère de la ministre de l'Industrie Mélanie Joly.
“Intelcom, c'est une autre question. On sait qu'il y a des liens étranges avec des gens dans le gouvernement fédéral”, explique M. Kirsch. « Encore une fois, plutôt que de pousser de l'avant notre société d'État et l'utilisation auprès des compagnies de cette société d'État, on a des gens dans le gouvernement qui ont intérêt peut-être à pousser de l'avant les intérêts d'Intelcom. »