L'Étoile du Nord

Premier jour du procès contre Amazon

Le président d’Amazon au Canada se déresponsabilise des fermetures

Jasmin Begagic est président d’ACFS, Amazon Canada Fulfillment Services, qui englobe tous les services de livraison de colis d’Amazon au pays. Begagic ne serait cependant qu’un exécutant qui signe là où on lui demande de signer, ou du moins c’est ce qu’il a tenté d’amener le Tribunal administratif du travail à croire durant son interrogatoire du 26 septembre.

Begagic était le premier témoin invité à comparaître dans la contestation de la fermeture des sept entrepôts Amazon du Québec. Vendredi matin, celui-ci semblait tenter de se dédouaner d’avance de toute responsabilité quant à ces fermetures. «That’s the scope of my presidency, just signing the documents», a-t-il ainsi affirmé à l’avocate représentant la Centrale des syndicats nationaux (CSN).

Lorsque questionné plus en détail, le président d’ACFS a assuré à l’audience, et à la juge visiblement estomaquée, qu’il ne «regarde pas trop» (“don’t look much”) les documents qu’on lui demandait de signer par courriel. Il a ajouté que son travail consistait à appliquer les «mécanismes d’Amazon», sans pouvoir indiquer quelle entité légale lui fournit ces «mécanismes», ni quels contrats doivent avoir son autorisation avant d’être signé. 

L’embauche de M. Begagic à ce poste semble avoir relevé d’un procédé tout autant confus. Celui-ci affirme en effet que le poste de président lui a été donné par «quelqu’un du département légal» sans pouvoir dire à quelle compagnie appartient ce département légal ou donner le nom de la personne qui aurait fait l’embauche. 

Bref, le président d’Amazon au Canada a été engagé par «quelqu’un» pour signer des documents qu’il regarde vite pour s’assurer qu’ils respectent on ne sait quelles normes.

Délayer les procédures

Avant d’entamer l’interrogatoire de Begagic, près d’une heure de l’audience a été dédiée à des «points d’intendance», c’est-à-dire des considérations de paperasse. Puisque Amazon soutient qu’ils ont fermé leurs entrepôts pour des raisons économiques, et non pas anti-syndicales, la CSN souhaitait faire réaliser une expertise économique. Or, il se trouve que les données permettant de réaliser pareille étude n’ont pas été envoyées par l’équipe légale du monopole américain.

L’avocat d’Amazon, Me Frédéric Massé, a soutenu, qu’en fait, c’est lui qui faisait une faveur à l’équipe de la CSN en voulant bien fournir plusieurs informations qui pourraient, selon lui, relever du secret commercial. Celui-ci a justifié son non-respect de transmission de documents en soutenant que l’administration d’Amazon n’aurait pas vraiment de liste de dépenses compréhensible. 

L’équipe légale de la CSN aurait plutôt reçu un document interne d’Amazon nommé «DT11HHH» qui affirme qu’Amazon sauverait éventuellement 16M$ par année en fermant ses entrepôts, sans les données détaillées le prouvant. La juge Irène Zaïkoff paraissait exaspérée, rappelant à l’avocat que pareils documents ont été demandés le 31 mars.

Selon Félix Trudeau, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses d’Amazon Laval (STTAL), l’équipe d’Amazon crée sciemment des délais dans la poursuite en omettant l’envoi de documents. Pour lui, cela ressemble aux méthodes employées par la même équipe légale durant la négociation avec le syndicat, soit de prolonger la cause inutilement.

Me Massé a lui-même soutenu durant l’audience que la cause pourrait durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Ce ne serait pas la première fois qu’Amazon achète du temps au Tribunal administratif du travail.

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