Charlie Kirk, influenceur MAGA bien connu, a été assassiné mercredi en plein débat sur un campus. Les médias repassent les images en boucle, enchaînant dénonciation après dénonciation. Le président américain, jurant de réprimer violemment « l’extrême gauche », n’a fait qu’attiser le feu et nourrir la folie médiatique. Mais personne n’ose le dire clairement: cet assassinat en direct n’est que la pointe de l’iceberg de ce qui se prépare à l’échelle mondiale.
Et ce n’est pas qu’en raison de la vague de violences politiques de l’année aux États-Unis. Une élue démocrate tuée au Minnesota, deux employés consulaires israéliens abattus, la maison du gouverneur de Pennsylvanie incendiée, un rassemblement pro-israélien visé au cocktail Molotov… c'est beaucoup pour quelques mois. Sauf qu'il y a un bémol.
Les médias n’en parleront pas, mais la violence politique ne tombe jamais du ciel. Elle germe dans les tensions sociales, elles-mêmes nourries par les crises économiques et les conflits mondiaux.

Les années 1960-70 aux États-Unis parlent d’elles-mêmes. Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King… tous assassinés dans un pays en ébullition de grèves, de luttes pour les droits civiques et contre la guerre. En toile de fond, l’affrontement URSS–USA (crise de Cuba, Vietnam, etc.), puis la flambée d’inflation des années 70 qui a encore attisé les conflits sociaux.
Allons plus loin. Au début des années 1990, la base de données sur le terrorisme de l’Université du Maryland recensait environ 1000 assassinats politiques par an. À la fin de la décennie, il n’en restait qu’une centaine. Une chute brutale, qui coïncide avec la domination quasi sans partage des États-Unis et de leurs alliés européens sur l’économie mondiale, de 1990 à 2015.
Mais en 2015, on était de retour à 900. Qu'est-ce qui s'est passé?
La Chine en avait assez d’être « l’atelier du monde » et voulait s’imposer comme puissance. Rassurée par la force de Pékin, la Russie est passée à l'offensive en Crimée et en Ukraine, menaçant l’hégémonie économique américaine.
De leur côté, quelques oligarques ont misé sur Trump, leur champion. Celui-ci avait compris que l’oncle Sam voyait ses intérêts menacés par la Chine et il voulait la combattre.

Sans compter qu'après l’austérité et l’instabilité post-2008, la population était écœurée. Certains ont mis leurs espoirs dans les luttes identitaires ou sectorielles (climat, féminisme, droits LGBT, antiracisme). D’autres se sont réfugiés dans l’identitarisme conservateur (nation, anti-immigration, famille traditionnelle). Deux réponses opposées au même désespoir, déplacé du terrain économique vers la guerre culturelle.
C'est un mélange de tout ça que nous voyons aujourd'hui. Et bien qu'il soit représentatif et très important, l'assassinat de Charlie Kirk a masqué plusieurs autres nouvelles troublantes dans les derniers jours.
- Fin août, le Canard enchainé a révélé que le gouvernement français a demandé à ses hôpitaux d'être prêt pour un affrontement majeur d'ici mars 2026. On parle ici de la possibilité d'un conflit généralisé, qui pourrait amener des dizaines de milliers de blessés dans l'hexagone.
- À peu près en même temps, Washington s'est mis à hausser le ton contre le Vénézuéla. Ils ont déployé des navires de guerre dans les Caraïbes, coulant un bateau au nom de la lutte antidrogue. Les États-Unis accusent Maduro d’alimenter le trafic vers le Nord, malgré un rapport de l’ONU affirmant que le Venezuela n’y joue qu’un rôle mineur. En riposte, Caracas a mobilisé 25 000 soldats il y a trois jours, et a annoncé le déploiement de 4,5 millions de miliciens.
- Les 31 août et 1ᵉʳ septembre, Pékin et Moscou ont réuni autour d’eux une brochette de pays pour un sommet politique et militaire: Inde, Pakistan, Iran, Vietnam, Indonésie, Turquie, Égypte et une quinzaine d’autres, surtout asiatiques. L’Occident, lui, n’était pas invité. Ce n’est pas encore une alliance en béton, mais on voit la structure s'élever. La Chine a d’ailleurs célébré avec une parade militaire géante, où défilaient pour la première fois côte à côte Poutine, Xi Jinping, Kim Jong Un et le président iranien Massoud Pezechkian. Le Center for a New American Security appelle ça « l’axe du bouleversement antiaméricain ».
- Pendant ce temps, les États-Unis ont annoncé la construction d'une méga-usine de production de munition à Manille, pour pouvoir intervenir plus facilement dans la région.
- Au début de cette semaine, des dizaines de milliers de manifestants de la jeunesse népalaise (un pays sous l'influence indienne) ont fait tomber leur gouvernement. Par la suite, ceux-ci s'en sont pris physiquement à des ministres et ont brulé plusieurs bâtiments gouvernementaux, dont le parlement.
- Mardi, Israël a bombardé Doha, la capitale du Qatar, impliquant directement un autre pays dans sa guerre génocidaire. Le Qatar, supposément allié des États-Unis, a qualifié l'attaque de « terrorisme d'État ». Une fracture supplémentaire dans la géopolitique mondiale.
- Dans la nuit de mardi à mercredi, une flottille de drones russes a franchi l’espace aérien polonais. Plusieurs ont été abattus. Varsovie a aussitôt activé l’article 4 de l’OTAN, une réunion d’urgence pour préparer une réponse à ce que Donald Tusk, premier ministre de Pologne, qualifie de « provocation à une grande échelle ». Ce n’est pas encore l’article 5, mais on en voit l’ombre.

Les pièces du puzzle s’alignent vite, trop vite, laissant présager un conflit qui pourrait être le plus vaste depuis 1945. Va-t-il éclater? Impossible à dire, mais l’hypothèse n’a jamais paru aussi crédible. Quant aux États-Unis, difficile de ne pas voir se dessiner les traits d’un fascisme du 21e siècle.
La mort de Charlie Kirk offre à Trump le prétexte rêvé pour écraser l’opposition et « stabiliser » son pays par la force, un grand classique des périodes pré-guerre, de l’Allemagne des années 1930 à aujourd’hui. Depuis le bureau ovale, il a promis de traquer « chacune des personnes impliquées » dans la « violence politique », des militants aux « organisations qui la supportent et la finance », jusqu’à « ceux qui s'en prennent à nos juges, à nos policiers et à tous ceux qui maintiennent l'ordre dans notre pays. »
C'est inquiétant. Une telle formulation peut viser n’importe qui: celui qui défend un voisin arrêté par l’ICE, celui qui résiste à la répression d’une grève, celui qui ose un discours anti-establishment. Et pendant ce temps, un président aux penchants autocrates et sa cour appellent à l’occupation militaire des villes, comme ils l'ont déjà fait avec la capitale du pays. C’est le manuel de base d’une prise de pouvoir dictatoriale.
Ne croyons pas que le Canada soit à l’abri. Un scénario à l’américaine est peu probable, mais une troisième guerre mondiale entraînerait inévitablement son lot de répression. Il faut s’y préparer et, qu’on juge la menace proche ou lointaine, empêcher avant tout l’État canadien de plonger dans un nouvel affrontement international.

Il existe un immense bassin de gens en colère contre le statu quo, hostiles à la guerre, et dont les conditions de vie s’effritent. Mais pour que les mouvements sociaux et ouvriers puissent le mobiliser, il faudra se remettre en question: pourquoi un tel potentiel et si peu de mobilisation ces derniers temps?
Les méthodes de mobilisation et les tendances politiques de ces mouvements depuis le début du siècle ont creusé un fossé avec le monde ordinaire, une fracture, une incompréhension totale. Mais au fond, c’est toujours la même histoire. Peu importe à quel point on essaie de l'oublier ou de brouiller les cartes, la réalité finit par nous rattraper. De la Révolution française au Népal d’aujourd’hui, il y a une constante: le vrai acteur du changement, c’est le peuple, la masse.
D’accepter ça comme réalité exige une remise en question profonde tant au niveau tactique que stratégique. Il faudra sortir des zones de confort, quitter les universités et les cercles intellectuels qui, par définition, restent souvent coupés du reste du monde. Accepter des sacrifices personnels éprouvants, faire le travail plate et difficile, travailler chaque jour de la semaine sans exception, bâtir des liens et des comités d'organisation à partir de rien.
Pour convaincre et mettre en action le peuple, il faut se salir les mains. Pas de coalitions qui jasent à l’infini, pas de manifs contre les chars à 40, pas de journaux théoriques passés en criant des slogans sortis du début du 20e siècle, ni de campagnes politiques qui évitent le travail d'organisation de base.
Il est temps de sortir de la tour d’ivoire et de mobiliser sur l’espoir et la colère populaire la plus large possible, pas sur la base de groupes d’intérêt. Il faut se retrousser les manches, rompre avec la léthargie des dernières années et oser changer, sinon, on le regrettera vite. Si chacun accepte de s’y mettre, de se remettre en question et d’apprendre, l'énergie destructrice peut devenir la base d’un monde meilleur.