L'Étoile du Nord

Coupures en éducation

Témoignages et contestation suivent la rentrée au Québec

À peine une semaine après la rentrée scolaire, la contestation gronde déjà dans les écoles du Québec. Les syndicats dénoncent des budgets instables et des coupes importantes de postes. Le collectif Uni-es pour l’École réclame un réinvestissement massif et davantage d’autonomie locale. De leur côté, des enseignantes tirent la sonnette d’alarme sur la situation.

Ces critiques s’inscrivent dans le sillage de coupes de 570 millions de dollars annoncées par Québec à la fin de la dernière année scolaire. Devant la levée de boucliers, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, avait reculé partiellement, réintégrant 540 millions au budget. Le geste laisse toutefois un trou de 30 millions, en plus d’un gel d’embauche qui empêche le remplacement de postes vacants, sauf lorsqu’ils sont jugés « directement » liés aux services aux élèves.

Un témoignage anonyme, relayé par le collectif Uni-es pour l’École, illustre l’impact des coupes. « La direction de notre école a amputé le budget de chaque classe d’environ 430$. L’école accueille près de 600 élèves », raconte une enseignante.

Elle explique que cette coupe prive les classes de matériel de base, qu’il s’agisse de fournitures pédagogiques, d’outils pour l’art, de sorties scolaires ou même de simples crayons pour le tableau.

« C’est un peu comme demander à un médecin de payer lui-même les pansements, les seringues ou les bistouris pour soigner ses patients », lâche-t-elle.

Cette enseignante n’est pas seule à éprouver des difficultés. Myriam Chaussé abonde dans le même sens dans un long témoignage sur Facebook. Celle-ci enseigne dans une école qui accueille de nombreux jeunes issus de milieux défavorisés, parfois sans repas, sans stabilité familiale, ni confort de base.

« Alors oui, je paie de ma poche pour des collations, pour des produits d’hygiène, pour du matériel scolaire. Il m’arrive parfois même de leur donner une partie de mon dîner, de mes collations », explique l’enseignante.

La classe de Myriam Chaussé. Source: @myriam.chausse, Facebook

Elle dénonce « un désinvestissement massif qui prive nos élèves de ressources essentielles. »

« Ce ne sont pas que des “coupures” », poursuit Chaussé. « Ce sont des occasions perdues, des portes qui se ferment, des activités parascolaires supprimées. Des espaces où nos jeunes pouvaient s’accrocher, souffler et croire en eux… qui disparaissent peu à peu. C’est ridicule et impensable. »

De plus, « j’ai de la peine de voir mes collègues s’épuiser à vue d’œil, épuisés de devoir livrer des résultats impossibles avec des moyens toujours plus restreints. Mais ils y arrivent. Quand même incroyable, non? », souligne-t-elle.

« Sachez une chose, Monsieur Drainville: malgré vos compressions et vos décisions parfois déconnectées du terrain, nous serons là. Nous continuerons d’enseigner avec dévouement, avec passion et avec résilience. Parce que nos élèves, eux, n’ont pas choisi ce contexte. Ils ne méritent pas d’être les victimes de vos choix et de vos (trop nombreuses) coupures », conclut Myriam Chaussé.

Les syndicats s’en mêlent

« Tandis que les élèves retrouvent leur école, plusieurs services directs qui leur sont destinés sont affaiblis par l’abolition de postes essentiels, malgré la récente correction partielle du budget », déclare Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire. 

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) avait dénoncé cet été la gestion « désastreuse » de Bernard Drainville. Elle l’accuse d’avoir sabré plus d’un milliard dans les services aux élèves et l’entretien des écoles, d'avoir réduit la francisation des adultes, centralisé les pouvoirs entre ses mains, restreint les droits des enseignantes et alourdi la bureaucratie en imposant de nouvelles tâches administratives aux professeurs. 

La Coalition des partenaires en éducation, qui réunit les plus grands syndicats du milieu, se montre elle aussi sévère. « Pour un gouvernement qui a dit, à maintes reprises, que l’éducation est une priorité, comment se fait-il qu’il ne ressente pas toute l’importance que revêt l’éducation pour les Québécoises et les Québécois? »

Rassemblement d'Uni-es pour l'école à Québec. Source: @uni.espourlecole, Facebook

Les parents se mobilisent

Le collectif Uni-es pour l’École a tenu une semaine d’action du 25 au 29 août, affirmant avoir mobilisé des centaines de personnes.

« Les récentes compressions en éducation ont grevé les budgets de nos écoles et nos centres de formation, » a-t-il déclaré sur Facebook. « On a mis à la porte des centaines d’employé·es à minuit moins une, à la fin juin », écrit l’organisation.

« On réduit l’école à quatre murs et à “un adulte responsable par classe” », déplore le collectif, dénonçant que, pendant ce temps, le gouvernement choisit d’investir des milliards dans de grands projets comme Northvolt ou SAAQclic.

« Ça suffit! Ça s’arrête ici », conclut Uni-es pour l’École.

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