L'Étoile du Nord

Grève à Postes Canada

Mélanie Joly et ses conflits d’intérêts visés par les postiers en grève

Les travailleurs de Postes Canada à Montréal ont dérangé ce matin une allocution de la ministre fédérale de l’Industrie. Celle-ci s’adressait dès 8h30 à un événement fermé réservé à l’élite économique montréalaise. Il fallait débourser 130$ par personne pour assister à son discours de moins d’une heure. Elle y présentait sa « vision industrielle pour le Canada » et expliquait « comment les entreprises [privées] peuvent tirer parti des politiques publiques ». 

« On est venu faire un tour à l’hôtel Reine Élisabeth, parce que Mélanie Joly s'adressait à la Chambre de commerce de Montréal. Malheureusement, on n'a pas réussi à entrer, on savait pas que ça prenait des billets » ironise Pat Bélisle, directeur du comité d’organisation et information du local de Montréal du syndicat des postes (STTP).

Les postiers sont arrivés vers 9h avec l’intention de questionner la ministre sur ses liens avec Intelcom/Dragonfly. Son frère, Jean-Sébastien Joly, en est le PDG et actionnaire. Pour les syndiqués du STTP, il s’agit d’un conflit d’intérêts clair: pendant que le gouvernement envisage de réduire les services de Postes Canada, ces coupes profiteraient directement à des entreprises privées comme Intelcom/Dragonfly, disent-ils.

À l’heure d’écrire ces lignes, la demande d’entrevue de L’Étoile du Nord reste ignorée par l’équipe de la ministre.

Les postiers s’activent contre Joly

À leur arrivée devant le Fairmont Le Reine Elizabeth, les postiers ont enfilé leurs uniformes, pris quelques photos et sont entrés dans le luxueux hôtel où se tenait l’allocution. Leur présence a rapidement attiré l’attention.

Près de la salle où se tenait l’événement, une réceptionniste a crié: « Il y a une manif! » Les agents de sécurité ont aussitôt barré la porte menant au vestibule et se sont mis à communiquer frénétiquement entre eux.

De grandes fenêtres séparaient les postiers de la salle luxueuse, laissant les participants en complet observer la scène pendant que les travailleurs collaient leur bannière contre la vitre.

Après quelques minutes d’échanges avec la sécurité, les employés de Postes Canada ont choisi de sortir pour être plus visibles. Ils sont restés devant l’hôtel pendant près d’une heure, espérant apercevoir la ministre. Elle avait toutefois filé discrètement par une autre sortie. 

« On a senti que cette petite intervention-là avait fait son petit effet, » explique François Kirsch, un postier présent à l’action. « On a senti une fébrilité à l'intérieur. Les forces policières également avaient été interpellées à cause de notre présence ici. » En effet, une dizaine de policiers ont été appelés et sont arrivés en retard, lorsqu’ils étaient déjà sortis. « On a aussi entendu des citoyens nous supporter, klaxonner, des messages de support. » 

Au même moment, dans Ahuntsic–Cartierville, d’autres travailleurs de la poste se sont rendus au bureau de circonscription de Mélanie Joly. Le groupe d’environ 25 postiers a tenté de parler à son équipe, sans réussir à rencontrer qui que ce soit.

Ils ont ensuite apposé des autocollants « Ne touchez pas à mon bureau de poste » et affiché une pancarte réclamant la nationalisation de la livraison de colis.

Au centre-ville, Kirsch affirme que Postes Canada devrait vraiment appartenir à la population. « Nous, on veut qu'elle soit florissante, cette société d'État-là. On veut qu'elle soit bénéfique pour la population. Et on veut surtout que les milliards de dollars qui sont générés par la livraison de colis au Canada puissent revenir dans les poches des contribuables canadiens. » 

Mais « pendant que notre société d'État, Postes Canada, est en train de sombrer dans la folie et vit une crise existentielle sans précédent, l'argent qui pourrait être généré pour les contribuables canadiens en faisant affaire avec Postes Canada est détournée par des compagnies privées. » 

« Postes Canada a le privilège exclusif de la livraison des lettres depuis des décennies au Canada, » rappelle-t-il. « Si on le faisait aussi pour les colis, on pense que ça pourrait sortir Postes Canada de sa crise financière, tel que les médias et le gouvernement le disent. » 

Un conflit loins d’être terminé

Kirsch et Bélisle espèrent que Joly a été mise au courant de leur action. Toutefois, il est certain qu’elle connait bien le dossier, dit Bélisle, « parce que le gouvernement libéral est complice de ce qui se passe, de l'attaque frontale qu’on est en train de subir. Ça faisait longtemps qu'on subissait l'arrogance de la partie patronale, mais maintenant, c'est leur complice, le gouvernement libéral, qui est en train de prendre le relais. » 

Il renchérit: « Les négociations sont supposées de se poursuivre, mais on a seulement reçu une offre ridicule de Postes Canada à la fin de la semaine dernière. C’est la même chose que la dernière offre, avec un maigre 0,6% d'augmentation de plus, tout en enlevant la sécurité d'emploi, la prime à signature, etc. » 

« On est au même point mort, si ce n'est que les dés sont encore plus pipés qu'ils l'étaient au début de ce conflit-là, » conclut-il.

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