Système de santé québécois

Lettre—Mon expérience épuisante avec les caprices bureaucratiques liés à mon congé de maladie

J’ai su en octobre 2024 que j’aurais une chirurgie à cœur ouvert en 2025. La chose était fâcheuse, mais il fallait bien s’y plier pour continuer à vivre, encore un peu…

Voulant être prévenant, me doutant bien de tous les petits problèmes administratifs que peut poser une telle situation, j’ai communiqué rapidement avec l’Employeur pour annoncer la chose. Dès le départ, je comprends que j’ai affaire à une machine à trois têtes qui comprend l’Employeur, l’Assureur et Emploi Canada. Dès le départ, les trois se relancent en formulaires et en exigences qui vont nourrir toute une saga bureaucratique de l’invalidité.

J’écris à l’un, j’appelle l’autre, je dois attendre certains délais. Résultat? J’entre à l’hôpital sans que le problème ne soit réglé. J’appelle l’Employeur de mon lit d’hôpital, puis Emploi Canada, je passe des heures à appeler, discussions que je dois couper pour céder la place aux médecins et aux infirmières, ce qui m’oblige, plusieurs fois, à rappeler et à reprendre, depuis le début le processus enclenché. Les deux machines à formulaires ont pourtant toutes les deux le billet du médecin qui dit que je dois m’absenter pour un minimum de trois mois et tous les formulaires remplis. Je vais me faire ouvrir en deux, c’est possible d’avoir la paix d’esprit? Non!

Finalement, après plusieurs tentatives, les deux entités opaques ont fini par communiquer! Il n’était pas trop tôt. Je peux donc me reposer et me concentrer sur l’épreuve à venir. Pas tout à fait… Je dois faire des déclarations à toutes les deux semaines à Emploi Canada. Oui, mais… je ne sais pas combien de temps je serai inconscient, quel type de lucidité j’aurai après la chirurgie, je ne peux pas garantir que la première déclaration sera faite à temps. Rien n’est réglé et le découpage de mon corps s’en vient.

À la date prévue, je m’allonge sur la table d’opération et m’endors au bout de quelques minutes. J’ouvre les yeux après ce qui paraît être un instant et je vois le visage souriant de ma douce, plus amoureuse que jamais. Je referme les yeux, fatigué, je m’endors. On me réveille, on me bombarde de questions : quelle date sommes-nous? Où êtes-vous? Combien d’enfants avez-vous? La seule question à laquelle j’arrive à répondre correctement est celle qui me demande le prénom de ma douce. Je suis confus, on craint pour ma santé cognitive. Si ce n’est pas suffisant, les médicaments donnés lors de l’opération me poussent à la paranoïa. 

La déclaration que je dois faire pour Emploi Canada dans tout ça? Je ne suis pas en état de la faire. Si seulement la chose avait pu être réglée avant… Bien entendu, on ne peut pas toucher de montant tant que la première déclaration n’a pas été faite. Ça devra attendre…

Après une semaine de rémission, je quitte les soins intensifs. Dans ma nouvelle chambre, j’ai un téléphone et je peux appeler Emploi Canada afin de faire ma première déclaration. J’appelle, j’appuie sur les touches demandées pour répondre aux questions. Après presqu’une heure à repasser par les mêmes chemins de boîtes vocales et de réponses de robots, je finis par parler à un agent qui me permet de faire la déclaration au téléphone avec lui. Je commence à faire mes déclarations obligatoires. Pendant deux mois, les choses vont plutôt bien.

Par la suite, je dois envisager un retour progressif au travail. L’Employeur demande un billet du médecin à nouveau, que je lui fournis. Or, je reçois un téléphone fort désagréable de la dame des RH. Cette dernière fait des caprices à propos des dates des billets. Je lui précise qu’il faut voir les deux documents comme complémentaires. Elle insiste pour me dire que le plus récent billet annule le précédent. Conflit de lecture, notre discussion longue et déplaisante mène à un dialogue de sourd qui ne donne rien. Heureusement, par la suite, je n’ai plus entendu parler d’elle.

Pendant quelques semaines, les choses semblent aller facilement. Je reçois un peu d’argent de l’Employeur et plus d’argent d’Emploi Canada. Soudainement, je reçois une lettre de la part de l’Assureur. Ce dernier me dit que je dois fournir des documents d’ici 30 jours, sinon ma demande d’invalidité sera annulée. Je ne comprends rien, je panique. J’appelle donc l’Assureur, de peur de me faire couper du montant que fournit l’Employeur ou Emploi Canada. La personne au téléphone m’explique qu’après 15 semaines, l’Assureur est censé prendre le relais. Je ne sais pas trop pourquoi, ça ne m’est pas expliqué, mais je lui dis que je ferai le nécessaire.

 Je vais à l’hôpital le jour même. La secrétaire du médecin me dit que ça pourrait prendre jusqu’à trois mois pour que ce soit rempli. J’ai un délai de 30 jours à respecter, mais je ne peux pas dire à un médecin qui passe des périodes de 12 heures et plus dans des salles d’opération à sauver des vies qu’elle doit se dépêcher pour remplir le petit papier, tout ça pour respecter les caprices de l’Assureur. Je reviens chez nous, appelle à nouveau la compagnie, leur signifie qu’il va y avoir un délai.

La secrétaire du médecin prend quelques semaines avant de m’envoyer le document x rempli. Bien sûr, tout au long de ce processus, l’Assureur n’a pas versé un sou. Du côté d’Emploi Canada, je dois attendre aussi; mon nouveau statut de travailleur en retour progressif nécessite de nouvelles informations, donc, de ce côté là, rien ne rentre, non plus.

À la fin du mois de juillet, je reçois un téléphone de la part de l’Assureur. Je dois répondre à une panoplie de questions. Encore une fois, le problème de lecture des billets médicaux, créé de toute pièce par l’Employeur, refait surface. Je réexplique ce que j’ai déjà dit à la dame des RH. Contrairement à cette dernière, l’agente comprend. L’Assureur paiera du début juin, jusqu’à la mi-août. Je lui dis que ça fera interférence avec Emploi Canada. Elle me répond que c’est à moi de rappeler l’organisme gouvernemental et de voir avec eux ce que je dois leur rembourser. Selon elle, Emploi Canada aurait dû arrêter de payer au début juin. Nous sommes à la fin de juillet. Je lui réponds, agacé, que je suis bien content qu’il n’ait pas arrêté de me payer. Deux mois sans revenu, ce n’est pas la meilleure situation! 

J’appelle Emploi Canada pour expliquer le tout. C’est un nouveau téléphone d’une heure où je réponds à une série de questions pour remplir un xième formulaire. Le problème est que l’Assureur paie mensuellement et Emploi Canada paie aux deux semaines. Je dois faire un nouveau ping pong d’appels pour traduire les chiffres de l’entreprise à l’organisme gouvernemental et vice versa. Finalement, Emploi Canada me dit que mon dossier sera étudié et qu’on m’enverra une lettre pour me dire quel est le « trop payé » à rembourser. Je suis donc en attente de la sentence d’un crime que je n’ai pas provoqué. La joie!  

Ça fait maintenant quelques semaines que je travaille à temps plein et je ne reçois plus d’argent ni de l’Assureur, ni d’Emploi Canada. Ce dernier m’envoie finalement la lettre me disant que je dois leur rembourser un peu plus de 500$. Je paie et cette aventure se termine de façon définitive.

J’ai aujourd’hui la certitude que tout le système des compagnies d’assurances et des organismes gouvernementaux n’est pas là pour nous aider d’aucune façon. Ces gens n’aident pas le monde ordinaire qui travaille tous les jours, au contraire. Quand je parle de « ces gens », je ne fais pas référence aux pauvres agentes, majoritairement des femmes, qui ont fait preuve d’une grande patience tout au long de mes déboires, mais bien aux personnes qui ont mis en place toutes les règles que l’on doit suivre et les formulaires que l’on doit remplir. Ces bureaucrates sadiques ne pensent jamais aux gens qui souffrent et qui ont besoin d’un chèque pour continuer d’avancer.

Joe Pleau

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