29 novembre à Montréal

Témoignages et colère dans une manifestation massive contre la CAQ

C’était la plus grande manifestation syndicale au pays depuis longtemps. Samedi, des dizaines de milliers de personnes ont envahi le centre-ville de pour lancer un mouvement contre la CAQ et ses politiques. L’appel venait des grandes centrales, pour qui le récent projet de loi 3 a été la goutte de trop.

Qu’avaient à dire ces milliers de personnes? L’Étoile du Nord a parcouru la foule pour donner la parole aux manifestants.

« Menotter » les travailleurs au profit des employeurs

Bruno Guilmette, directeur d’affaires du syndicat des chaudronniers, est convaincu que le projet de loi 3 n’a rien à voir avec la transparence, malgré ce qu’affirme le gouvernement. Le vrai enjeu, dit-il, c’est que Québec veut encadrer la façon dont les syndicats pourront utiliser leur argent.

Les syndicats devront faire voter chaque année une cotisation « facultative » et un budget pour celle-ci, qu’ils devraient respecter à la lettre. C’est le seul fond qui pourra être utilisé pour faire des contestations de loi, participer à des mouvements sociaux, faire de la publicité, etc. Résultat: ils ne pourraient plus réagir aux imprévus ni au climat politique, sous peine de lourdes amendes.

C’est sans compter que, dans la construction, « quand quelqu’un se blesse, dans 99% des cas, la compagnie conteste. Et avec ce projet de loi, on vient nous empêcher de nous battre en justice contre ces contestations-là, d’aider un travailleur à faire reconnaître qu’il s’est vraiment blessé sur la job. »

En gros, « avec le projet de loi 3, ils viennent nous menotter pour laisser le champ libre aux employeurs, pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent sur les chantiers. C’est pour ça que les travailleurs sont écoeurés. »

Un mouvement qui se durcit et s’élargit

La CAQ avait déjà commencé à réduire les droits des travailleurs, mais l’offensive s’est accélérée cette année avec une loi limitant le droit de grève et plusieurs réformes du travail. Avec le projet de loi 3, les syndicats jugent que la ligne rouge est franchie.

« Aujourd’hui, c’est la première pierre pour bâtir un mouvement provincial, » affirme Guillaume Dupont-Croteau, secrétaire-archiviste du syndicat des cols bleus de Montréal (le local 301 du SCFP). Selon lui, les projets de loi qui ont été déposés par le ministre récemment sont simplement « un moyen de briser les mouvements sociaux, de briser les grèves. »

« Le but, c’est de créer une fracture: on commence par la cotisation volontaire, puis on continue à remettre en question, et tranquillement, ça devient une pente glissante pour attaquer la formule Rand. » 

Le syndicaliste croit qu’il faut s’unir pour gagner, donnant l’exemple du de 1972. « Si on doit arrêter le Québec au complet, on va le faire. Au 301, l’exécutif a déjà pris position pour se mobiliser et, au moment opportun, aller vers une grève sociale. »

Un mouvement qui dépasse les syndicats

Si beaucoup portaient des symboles syndicaux, plusieurs étaient là en soutien: le FRAPRU, des groupes d’ populaire, des associations étudiantes, OUI-Québec, Alliance ouvrière, le Mouvement de la jeunesse palestinienne et bien d’autres.

Pour Marie-Claude Archambault, porte-parole de la Coalition des citoyens de Blainville contre la cellule 6 de Stablex, sa présence allait de soi. « Il faut un mouvement massif contre la CAQ. Aujourd’hui, on est ici pour dénoncer la loi 93, enfoncée dans la gorge des citoyens de Blainville et donnée sur un plateau d’argent à une multinationale américaine. »

En effet, au printemps, la CAQ a eu recours au « bâillon », une procédure d’exception pour forcer un vote éclair. En quelques heures, Blainville se retrouvait forcée d’autoriser Stablex à construire une nouvelle cellule de tout près d’un quartier résidentiel.

« L’invitation a été lancée aujourd’hui à toutes les actions citoyennes », rappelle-t-elle, évoquant Northvolt et Mobilisation 6600. Pour elle, la situation relève d’un système « très autoritaire. Ça s’apparente de plus en plus à de l’autoritarisme. » 

Et cet autoritarisme se ressent aussi dans les cégeps. Nour El-Hage, de l’Association étudiante du Cégep de Saint-Laurent, dénonce des coupes de 151 millions $ alors que « 65% des bâtiments de cégep sont en ruine ». « On a un département complet qui est condamné », ajoute-t-il, et le café étudiant a dû déménager. Sans compter que le pavillon de remplacement est à plus de 20 minutes de marche ou de transport.

Mais Nour n’était pas là que pour le présent. « Les étudiants, dès qu’ils terminent leurs études, ils deviennent membres de ces syndicats, deviennent membres de cette masse de travailleurs. Si ces lois les blessent, ça finit par blesser aussi nos étudiants, juste un peu plus tard dans leur parcours. »

« On doit aller vers la désobéissance civile »

Axel, délégué syndical des paramédics en Estrie, résume bien la situation. « Boulet dit que ces lois-là sont pour aider les travailleurs syndiqués. Mais en réalité, ce qu’il veut, c’est réduire la force des syndicats pour qu’on ait moins de pouvoir. Ça touche tout le monde, autant les syndiqués que les gens à travers le Québec. »

Dupont-Croteau pense qu’il faudra aller plus loin que ce qui est fait actuellement pour battre ce « gouvernement en perte de vitesse qui fait un coup de sonde électoral pour trouver quelque chose qui va accrocher la population. »

« Je crois qu’on n’est plus à un moment où on peut simplement se tourner vers les tribunaux », affirme-t-il. « On doit aller vers la désobéissance civile, retourner à un de combat sur le terrain. »

Il conclut: « Ce que j’ai entendu du ministre en commission parlementaire, c’est qu’il serait peut-être intéressé à aller plus loin dans son attaque. On ne peut pas tolérer l’intolérable. »

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