Vendredi dernier, le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a présenté un bilan économique à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Le public était composé de PDG, de promoteurs immobiliers et de hauts fonctionnaires, notamment les dirigeants de Cogir, Mach et Broccolini. Le prix des billets, fixé à 180$, montrait bien le public ciblé.
Dès le début, le ministre a fait valoir sa gestion de la dette. Au début de l’exercice 2025-2026, celle-ci s’élevait à 236 milliards $. Selon ses propres projections, elle atteindra 286 milliards $ à la fin de l’exercice 2029-2030.
Mais le gouvernement préfère oublier cette hausse de 50 milliards $ et se concentre sur le ratio dette/PIB. Girard insiste sur le fait que ce ratio va baisser, même si ça ne veut pas dire que la dette va vraiment diminuer. Cet indicateur compare simplement la dette à la taille de l’économie (le PIB), un chiffre qui augmente mécaniquement avec l’inflation et la croissance démographique.
Quelques mois après avoir annoncé d’importantes coupes dans le réseau des cégeps, dans les écoles publiques et dans la santé, le ministre se réjouit maintenant d’un déficit budgétaire « légèrement inférieur aux prévisions ». Il s’est aussi félicité pour un « niveau de vie » qui aurait, selon lui, augmenté plus rapidement qu’ailleurs au pays.
Pour prouver ses propos, il cite le PIB par habitant. Mais ce chiffre ne dit rien sur les revenus réels des gens, le coût de la vie ou la répartition des richesses. Le PIB peut théoriquement augmenter en ne profitant qu’à une infime minorité, car il ne précise pas à qui vont les revenus.
Des cadeaux de l’Action de grâce pour les entreprises
La présentation du ministre des Finances n’a laissé aucun doute sur les priorités du gouvernement. Québec promet 2,5 milliards de dollars aux entreprises pour « stimuler l’investissement des entreprises », « réduire les cotisations sociales des employeurs », « favoriser le développement économique des régions » et « créer des chaires de recherche dans des domaines d’importance stratégique ».
Le gouvernement a aussi décidé d’annuler l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital (revenus provenant d’actions ou d’investissements). Cette décision permettra aux contribuables les plus riches de conserver plus de 2 milliards de dollars dans leurs poches, plutôt que de les verser dans les coffres de l’État.

Presque rien pour la classe ouvrière
Pour les travailleurs, les mesures concrètes sont plus limitées. Le ministre Girard annonce une légère baisse de cotisations qui donnera jusqu’à 130$ par année. Certains programmes sociaux seront indexés à l’inflation, dont l’aide sociale, et 52 millions $ serviront à adapter des logements pour les personnes à mobilité réduite.
Questionné par L’Étoile du Nord, Éric Girard reconnaît pourtant qu’un Québécois sur quatre a de la difficulté à payer ses besoins essentiels. « C’est une enquête de Statistique Canada, c’est bien documenté, c’est un fait », affirme-t-il. Ainsi, 25% de la population vivrait donc dans la pauvreté, si l’on se fie à la définition canadienne: une personne « privée des ressources, des moyens et du pouvoir nécessaires pour atteindre un niveau de vie de base ».
Interrogé sur les mesures d’abordabilité, notamment en logement, le ministre affirme que son gouvernement y a investi 8 milliards depuis 2018, « dont près de la moitié pour la construction ». C’est moins d’argent pour construire des logements que le coût combiné de la reconstruction du pont de l’Île-aux-Tourtes et de la réfection du tunnel Ville-Marie.
La situation du logement reste difficile. Dans la région de Montréal, seulement 81 des 1 638 logements dont la construction a commencé en octobre étaient des maisons unifamiliales. La grande majorité sont des projets de condos ou d’appartements à louer. Comme les condos se vendent de moins en moins, plusieurs de ces projets sont ensuite transformés en logements locatifs.
Mais tous les projets neufs terminés dans les dernières années peinent à trouver preneur. Selon la SCHL, ce sont les logements les plus chers du marché, souvent plus de 2 000$ par mois pour une ou deux chambres, et leur superficie moyenne diminue chaque année.
Face à ces chiffres, Éric Girard soutient que construire plus de condos neufs, même très chers, finirait par libérer des logements plus abordables ailleurs dans le marché. L’Étoile du Nord lui a rappelé que, comme l’a rapporté La Presse plus tôt cette année, les logements neufs se vendent et se louent de moins en moins, justement parce que leurs prix sont trop élevés.
Le ministre ne semble pas y croire: « Le marché de l’immobilier, c’est du neuf, c’est du vieux, c’est du cher, c’est de l’abordable. Alors, s’il y a plus de neuf qui se construit, ça aide à l’équilibre du marché », a-t-il répété, sans répondre directement à la question. Cette explication théorique, populaire auprès des développeurs immobiliers et des gouvernements, ne cadre pas avec la réalité du terrain.
Joignez-vous à la discussion!
Les commentaires sont réservés aux abonnés. Abonnez-vous à L’Étoile du Nord pour discuter sous nos articles avec nos journalistes et les membres de la communauté. Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.