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Menace de déportation, salaire dérisoire, absence d'horaire de travail fixe, les expériences vécues par des travailleurs migrants dans une résidence privée à Lévis, Villa Mon Domaine, illustrent l'exploitation vécue par les préposés aux bénéficiares employés à travers le programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) du gouvernement. Certains d'entre eux ont fait part de leurs demandes à l'occasion d'une conférence de presse organisée par le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), notamment la fin des permis de travail fermés qui lient les travailleurs à un seul employeur, à un seul lieu de travail et qui mettent des contraintes à la durée de leur emploi (1 à 2 ans).
François (nom d'emprunt) a été recruté comme PAB à travers le PTET. "On nous a formé sur place [Villa mon domaine] pendant 2 jours et, après 2 jours, on nous a mis directement sur le plancher". "On nous a dit qu'on faisait du bénévolat en nous rassurant que nos permis de travail étaient en chemin". "Je suis resté 10 mois dans mon bénévolat". Ses collègues et lui étaient forcés par les propriétaires de la résidence de s'occuper d'une soixantaine de résidents dans des conditions de travail misérable, sous la menace de déportation. Ils vivaient dans des chambres de la taille d'un garde-robe avec des cartes-cadeaux de 100$ aux deux semaines pour subvenir à leurs besoins.
"On a crié scandale dans le cas de la Villa Mon Domaine, et c'est bien parce qu'effectivement c'était inacceptable", explique Raphaël Laflamme, organisateur communautaire au CTI. "Mais si on regarde les choses en réalité, ce n'est qu'un cas parmi plusieurs autres. C'est le résultat d'un système qui crée les conditions pour qu'une telle chose se produise."
Louise Boivin, professeure à l'Université du Québec en Outaouais, fait un travail de recherche sur les conditions d'emploi des PAB employés à travers le programme des travailleurs étrangers temporaires. Elle souligne le pouvoir excessif accordé par le gouvernement aux patrons dans le cadre des permis fermés. "Les cas [...] que j'ai documentés font état de graves violations des droits humains s'apparentant à une forme de semi-esclavage."
Ramatoulaye Diallo, trésorière au Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN, renchérit : "C'est un scandale, je suis indignée [...] ce n'est pas du semi-esclavage, c'est de l'esclavage pur et simple." La CSN a voté une résolution le 6 avril visant l'attribution de permis de travail ouverts aux travailleurs migrants.
Le nombre de "permis de travail" émis à des préposés dans le PTET a bondi de 15 en 2019 à 170 en 2020, pour passer à 380 en 2021. Face à la pénurie de main d'oeuvre, le gouvernement aurait comme objectif de continuer à augmenter le nombre de ces travailleurs. Audrey (nom d'emprunt), une participante au PTET, appelle à la régularisation des travailleurs étrangers. "On parle de gens qui viennent ici pour contribuer à la société et qui veulent rester; pourquoi ne pas leur donner la résidence permanente plutôt que des permis qui doivent être renouvelés tous les deux ans?" a-t-elle demandé.
Condition des travailleurs étrangers temporaires
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