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Gentrification à Gatineau

Controverse autour de la construction d’un QG de police

Temps de lecture:3 Minute

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Un mouvement de contestation se forme à Gatineau contre la construction d’un nouveau quartier général (QG) de police à une cinquantaine de mètres d’un hébergement et de campements pour les itinérants. Une coalition de citoyens et d’organismes communautaires estime qu’ériger un QG de police dans le Vieux-Hull accentuera la tendance à cibler les plus démunis, au profit d’une classe dirigeante qui souhaite gentrifier le quartier historiquement ouvrier.

La gentrification dans le Vieux-Hull se réfère à la construction de condos de luxe visant à loger les employés de la fonction publique fédérale ainsi que des commerces plus dispendieux, aux dépens d’une population pauvre.

Après avoir mis de la pression sur le conseil municipal de Gatineau en novembre pour repousser le vote concernant le futur site de son QG de police, la coalition Guertin a mis en place le forum Guertin: bâtir un quartier généreux le 21 janvier dernier. Plus d’une cinquantaine de personnes s’y sont rassemblées afin de discuter des impacts qu’aurait un QG de police sur le site du Centre Robert-Guertin, à proximité du centre d’hébergement Le Gîte Ami, où la population itinérante y est concentrée.

L’incarnation d’une lutte de classes

La volonté de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, de construire le QG de police dans le quartier historiquement ouvrier du Vieux-Hull relève d’une lutte de classes aux yeux de Marie-Ève Bérubé, panéliste au forum ainsi que doyenne de la Faculté de Droit à l’Université d’Ottawa. « Il y a des efforts de gentrification de ces quartiers-là, comme ailleurs, et donc je pense que c’est pas complètement fou de penser qu’il y a un élément de lutte de classe », analyse la graduée de Harvard.

Une vision partagée par les frères Baulne, co-coordonnateurs de l’Association pour la défense des droits sociaux - Outaouais. « C’est difficile de dire qu’une guerre de classe est ouvertement lancée par les élus. Mais, on sait qu’insidieusement, c’est ça qui se passe pareil », nuance Pier-Luc Baulne. Selon lui, les intérêts politiques sont conjoints avec les intérêts économiques dominants.

Pour le frère et collègue de Pier-Luc, Jean-Sébastien Baulne, la police a un rôle actif dans cette lutte de classes. « À qui elle sert [la police]? Clairement, on peut dire qu’elle défend une classe très aisée. C’est certain qu’en la mettant dans un quartier populaire, ça va déranger et faire fuir les gens », avance-t-il.

Un QG de 170 millions $

La mairesse Bélisle est en faveur du projet du QG sur le site du Centre Robert-Guertin, au coût de 170 millions de dollars, car le construire sur un autre site pourrait engendrer des frais supplémentaires de 50 millions de dollars.

Selon Mme Sylvestre, ces sommes pourraient être partiellement réinvesties dans les services sociaux et communautaires. « Je pense qu’il y a une façon plus économique que d’investir dans notre système policier et notre système judiciaire qui sont vraiment des institutions coûteuses et qui sont dans gestion plutôt que la résolution des problèmes sociaux », estime-t-elle.

Pier-Luc, pour sa part, se questionne sur la légitimité d’une hausse du financement du service de police alors que la criminalité est en baisse dans la région et à travers la province. « On n’est pas dans le Bronx! On pourrait réinvestir dans des services pour la population », ajoute son frère et collègue, Jean-Sébastien Baulne.

Claudine Bérubé, une itinérante du Vieux-Hull, se dit choquée qu’autant d’argent soit injecté dans la police. Elle juge qu’une mince partie de ce montant pourrait être investi dans des services pour les femmes en situation d’itinérance, qui sont en manque dans la région.

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