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Les 10 000 travailleurs membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) pourraient bien entrer en grève prochainement, déstabilisant l'économie canadienne. Les conducteurs, ingénieurs de locomotive et employés de gares de triage s'opposent aux importantes dégradations de leurs conditions de travail, alors que le gouvernement et les grands conglomérats du rail tentent de gagner du temps.
Les employés du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) ont voté le 29 juin dernier pour l'obtention d'un deuxième mandat de grève. Au total, 89,5% des membres ont voté et 98,6% d'entre eux ont voté en faveur.
Un mandat de grève avait déjà été adopté le 1er mai 2024 et aurait pu être déclenché dès le 22 mai. Cependant, le gouvernement fédéral l'avait suspendu pour permettre au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) de déterminer s'ils pouvaient limiter leur droit de grève sous l'excuse récurrente du «services essentiels», utilisée régulièrement dans les dernières années pour intimider les travailleurs.
Puisque les mandats de grève pour les entreprises privées au niveau fédéral sont seulement valables pour 60 jours et qu'il y a eu des délais du côté du CCRI, le syndicat a été obligé de proposer un deuxième mandat de grève.
Le syndicat s'oppose à différentes demandes de la part des deux grandes compagnies. D'un côté, le CPKC cherchent à diminuer leurs coûts—augmentant par la bande leurs profits—en supprimant toutes les protections concernant la fatigue des travailleurs de la convention collective. Cela permettrait aux gestionnaires de forcer les employés à travailler plus longtemps, malgré leur manque de repos.
Selon le syndicat, ce changement n'aurait pas seulement un effet sur les conditions de travail, mais augmenterait également les risques d'accident ou même de déraillement. En effet, il n'est pas nécessaire de remonter très loin pour trouver des exemples de ce que les économies de bouts de chandelle peuvent faire au transport ferroviaire.
Dans son rapport de 2013 intitulé The Lac-Mégantic Disaster—Where Does the Buck Stop?, Bruce Campbell explique qu'après sa création par fusion de plusieurs entreprises, Montréal-Maine-and-Atlantic, la compagnie qui gérait le train ayant explosé, « s'est lancée dans un exercice drastique de réduction des coûts, en licenciant du personnel et en réduisant les salaires, dans le but de dégager des bénéfices. »
Dans un article de 2007, l'avocat et ingénieur du rail Wayne Benedict demandait déjà au gouvernement d'augmenter urgemment les standards des compagnies ferroviaires.
Selon lui, « pour les entreprises ferroviaires privées, dont la raison d'être est de réaliser un maximum de profits, les investissements coûteux en matière de sécurité [...] seront toujours subordonnés à d'autres facteurs concurrentiels lorsqu'ils seront soumis à une analyse coûts-bénéfices. »
Et c'est ce qui est arrivé en juillet 2013, tuant 47 personnes et détruisant la communité de Lac-Mégantic. Pourtant, la tendance dans l'industrie semble continuer.
Ainsi, de l'autre côté, le CN vise seulement à retirer une partie des conditions relatives à la fatigue, mais demandent en échange le droit de forcer les travailleurs à « se déplacer à travers le pays durant de longues durées pour combler les pénuries de main-d'œuvre dans les régions éloignées du Canada » ainsi que le « prolongement des journées de travail dans toutes les provinces à l'ouest de l'Ontario ».
Selon le CFTC, l'approche du CN et du CKPC est non seulement inefficace pour régler leurs problèmes de pénuries de main-d'œuvre, mais met également en danger leurs travailleurs en plus de diminuer leurs conditions de travail:
« Compromettre la sécurité ferroviaire, ou encore menacer de séparer des familles pendant des mois, n’est pas une solution aux problèmes de manque de personnel. » Pour le syndicat, c'est une humanisation du travail et de bonne conditions qui régleront les problèmes de l'industrie.