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Entrevue: organiser un débat électoral local

Des discussions édulcorées et des politiciens peu intéressés

Temps de lecture:3 Minute

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Le lundi 3 octobre, des élections provinciales ont eu lieu au Québec, laissant l'Assemblée nationale relativement inchangée. Dans les semaines précédant le vote, de nombreux débats locaux avaient lieu, et l'Étoile du Nord s'est entretenue avec André-Philippe Doré, organisateur de la Ligue 33, un organisme de l'est de Montréal, au sujet du débat qu'il a aidé à organiser et de son expérience.

"La Ligue 33, on essaie d'aider le quartier à comprendre différents enjeux politiques, et à s'organiser soi-même pour améliorer leur vie. Donc on finit par devoir dealer avec des politiciens, surtout municipaux. Y'a beaucoup d'enjeux dans le quartier où la mairie dit 'c'est pas nous, c'est le provincial.' La décision d'organiser un débat est alors venue naturellement. Les questions ont toutes été proposées par des citoyens du quartier.

"Honnêtement, ça a été difficile d'organiser ce débat-là." Seulement trois candidats se sont présentés, malgré des efforts majeurs. C'était surprenant pour l'organisateur, qui croyait offrir une plateforme aux politiciens pour parler directement aux citoyens. "La CAQ, le parti au pouvoir, a demandé à leurs candidats de ne participer à aucun débat. Il n'y a eu aucune sortie dans les médias, mais partout, ils se sont désistés des débats à la dernière minute."

Pour M. Doré, les politiciens ne "choisissent pas leur débat en fonction de la plateforme que ça leur donne pour parler directement avec les citoyens, mais plus en fonction du potentiel de PR [relation publique]. La politique locale et provinciale, c'est assez consanguin: si tu connais le frère d'un tel ou de tel autre, tu vas pouvoir avoir un poste à telle affaire, etc. Tous les politiciens nous demandaient pourquoi on n'était pas avec l'autre débat auquel ils sont habitués."

La Ligue 33 est un peu un ovni dans le paysage communautaire et politique de l'est de Montréal. "On a des pratiques assez différentes des autres - c'est-à-dire qu'avant de décider des choses, on consulte constamment la population. Donc on n'est pas un incontournable dans le quartier pour les politiciens, au contraire des citoyens, pour qui on l'est de plus en plus j'ai l'impression."

"J'ai l'impression qu'il y a des couloirs de communications entre le communautaire et la politique provinciale qui vient du fait que les députés financent des organismes à titre individuel et qu'ils essaient de se les acheter. Nous, notre but, c'était de poser les questions des citoyens, pas d'être ami avec les candidats. Ça doit avoir nui à notre capacité à les attirer."

Durant le débat, "c'était facile de gérer la foule de candidats pour éviter que ça dérape, parce qu'ils étaient tellement tous d'accord sur les mêmes choses qu'ils ne se sont pas engueulés. Mais c'était difficile dans le sens où c'était tellement édulcoré. Mon rôle dans le débat c'était de poser des questions pour essayer de voir c'était quoi leur 'vrai' point de vue sur certains enjeux, mais c'était tellement abstrait que c'était presque infaisable." 

Le peu d'éclat du débat et les différences mineures qui séparaient les candidats n'ont pas surpris la Ligue 33 et les gens du quartier qui y assistaient. "On sait qu'il y a un problème de démocratie. On le sait parce que les gens nous le disent: 'on s'en fout un peu des différents partis, ils sont tous pareils' ou 'moi je ne voterai pas, ce sont tous des crosseurs'. Parfois, des choses comme 'Quebec Solidaire, c'est bien beau! Mais ça va changer quoi QS? On va juste rajouter plus de vélos? C'est quoi l'affaire?'"

"Le monde ordinaire a pas vraiment son mot à dire au final dans les élections, pis après les élections, encore moins," lâche finalement M. Doré. "Nous on dit que la population devrait pouvoir décider et gérer ses affaires, recevoir des comptes de ses candidats. Bizarrement, c'est notre débat où les politiciens ne veulent pas aller parce qu'ils savent que peut-être qu'on va critiquer leurs idées et ça, ça paraitrait mal."

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