L'Étoile du Nord

Tribunal international des peuples

Des investissements miniers canadiens liés à des violations des droits de l’homme aux Philippines

Temps de lecture:5 Minute

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Le Tribunal international des peuples (TIP) s'est réuni en Belgique la fin de semaine dernière pour enquêter sur les allégations de crimes de guerre commis par les gouvernements américain et philippin. Ce forum quasi-judiciaire a rendu son verdict de culpabilité le 19 mai. Le rôle important que jouent les élites canadiennes dans cette répression n'est cependant pas aussi largement reconnu.

Depuis juillet 2016, de nombreuses violations des droits de l'homme ont été documentées dans ce pays d'Asie du Sud-Est, dont 509 exécutions extrajudiciaires, 400 596 bombardements et 506 588 évacuations forcées. Un certain nombre d'entre elles sont liées à des multinationales canadiennes.

Les Amis du peuple philippin en lutte (APPL), qui ont convoqué le Tribunal, affirment que les États-Unis et leur gouvernement fantoche philippin utilisent des tactiques de militarisation, de répression et de violation des droits des peuples pour continuer à exploiter la population et à piller ses terres.

Ces tactiques sont déployées contre la résistance continue des travailleurs, des agriculteurs et des communautés autochtones philippines, y compris une lutte révolutionnaire armée vieille de 50 ans menée par le Front démocratique national des Philippines et le Parti communiste des Philippines.

Le Canada est étroitement impliqué dans la destruction des terres et la pollution des cours d'eau aux Philippines par le biais d'accords et d'investissements dans l'industrie minière qui sont très contestés, tels que l'accord accordé à OceanaGold, une société minière australo-canadienne. Le Canada détient 1,6 milliard de dollars d'investissements directs aux Philippines, dont 843 millions de dollars dans le secteur minier.

Le secteur extractif dans le pays est lié à de multiples violations des droits de l'homme, y compris l'assassinat d'au moins 281 défenseurs de l'environnement et de la terre depuis 2012, selon Global Witness, une ONG internationale qui dénonce les effets de l'exploitation des ressources naturelles sur les communautés locales.

« En tant que tribunal populaire, les conclusions du TIP ont un poids politique et moral important. Son importance en tant que tribunal populaire réside dans sa capacité à servir de plateforme morale et politique pour les victimes, les défenseurs et les mouvements de justice nationale et sociale en quête de justice et de responsabilité », explique un document explicatif sur le TIP.

L'audience du TIP a donné lieu à des témoignages de personnes et de communautés directement touchées aux Philippines. Beaucoup de ces histoires sont rarement entendues dans les médias grand public.

Jonathan, président de la section de Vancouver des APPL, espère que le tribunal amplifiera leurs appels à la réparation. « Les Philippines sont constituées de centaines d'îles. Et on n'entend pas parler de tous ces massacres et de tous ces crimes partout. C'est parfois vraiment déconnecté », a-t-il déclaré lors d'un entretien avec l'Étoile du Nord.

S'adressant à l'Étoile du Nord sous le couvert de l'anonymat, le secrétaire général des APPL à Vancouver a évoqué B2Gold, une grande société minière basée à Vancouver, qui exploite des mines au Mali, en Namibie et aux Philippines :

« Lorsque des militants tentent de lutter contre la dégradation de leurs terres, ils sont attaqués par des forces paramilitaires alignées sur les forces armées des Philippines et désireuses de protéger les intérêts économiques de la classe dirigeante dans ce pays. »

Outre le rôle prépondérant des entreprises canadiennes dans le secteur minier aux Philippines, le Canada et les Philippines entretiennent des liens militaires de plus en plus étroits. Cela s'explique par le rôle important que jouent les deux pays dans la tentative des États-Unis et de leurs alliés de contenir l'influence chinoise dans la région.

En janvier, le Canada et les Philippines ont signé un protocole d'accord sur la coopération militaire qui, selon le ministre philippin de la défense, pourrait déboucher sur un pacte de troupes à l'avenir. « Cela comprend plus de 2 milliards de dollars d'investissements aux Philippines [par le Canada], dont un tiers à vocation militaire », a ajouté le secrétaire général de la FFPS.

Le Canada détient d'importantes participations dans l'industrie de l'armement militaire et subventionne les principaux acteurs du secteur, notamment Lockheed Martin, Bell et Northrop Grumman :

« Il fournit également le point de vente de ces produits par l'intermédiaire de la Commission canadienne des valeurs mobilières (CANSEC). Il s'agit d'un énorme salon commercial qui se tient chaque année à Ottawa et où ces entreprises viennent vendre leurs armes à des nations fascistes comme les Philippines ou Israël, dont l'une des plus importantes est Elbit Systems. »

Les investissements canadiens dans la fabrication d'armes et la coopération militaire entre les deux gouvernements soulignent le rôle du Canada dans la répression du peuple philippin qui lutte contre les entreprises qui empiètent sur ses droits humains fondamentaux.

Le président des APPM a expliqué que « les forces armées des Philippines attaquent directement leur peuple avec [ces armes]. Et nous savons que les militaires canadiens vont entraîner les forces armées des Philippines. »

Le président a poursuivi : « [Le TIP] est un outil des masses philippines pour montrer le caractère fasciste du régime fantoche actuel des Philippines à l'échelle internationale. »

Il a ajouté : « Ces procédures, bien qu'elles ne soient pas juridiquement contraignantes, pourraient déboucher sur des rapports physiques tangibles, comme de la documentation, que cette génération et les générations à venir pourront utiliser pour dénoncer la violence de l'État capitaliste, de l'État impérialiste, et appeler à une paix juste et durable et à un avenir juste avec un gouvernement qui peut être issu du peuple, par le peuple, et pour le peuple. »

Violations du droit international humanitaire sous les régimes Duterte et Marcos

ViolationsRégime Duterte (juillet 2016 – juin 2022)Régime Marcos (juillet 2022 – novembre 2023)
Exécutions extrajudiciaires42287
Disparitions forcées2112
Arrestations illégales ou arbitraires2,957316
Fausses remises ou remises forcées3,991552
Attentats à la bombe378,20322,391
Évacuations forcées481,91824,670
Tirs indiscriminés20,34839,769
Menaces, harcèlement et intimidation2,890,6231,609,496
Source: Rapport de fin de mandat de Duterte et de fin d'année de Marcos Jr. en 2022 ; Karapatan, 2023
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