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Après des semaines de négociations, de grèves et de pressions de la part du ministre du travail du Canada, les 7 400 travailleurs portuaires de Colombie-Britannique en conflit avec le gouvernement depuis le début du mois de juillet ont à nouveau rejeté un accord proposé par le fédéral dans le but de résoudre rapidement la situation. Dimanche soir, le syndicat a indiqué qu'il était parvenus à un nouvel accord de principe et que la décision des membres sera rendu vendredi. Dans le cas où il serait rejeté, selon le ministre du Travail O'Regan, l'Industrial Relations Board devra "imposer un arbitrage final".
Les déclarations répétées de ce type du gouvernement fédéral, exprimant sa volonté d'imposer un contrat aux travailleurs sans leur consentement, ont révélé tout au long de ce conflit sa complicité avec les grands groupes de pression patronaux tels que la British Columbia Maritime Employers Association, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et l'Association des manufacturiers et exportateurs canadiens.
Le conflit avait débuté le 1er juillet, lorsque les travailleurs portuaires représentés par la section locale 500 de l'ILWU (Syndicat international des débardeurs et des entrepôts) ont entamé une grève pour lutter contre l'intention de la British Colombia Maritime Employers Association (BCMEA), l'association patronale, de supprimer des emplois syndiqués en confiant les travaux d'entretien à des sous-traitants moins chers et non syndiqués, ainsi que contre la stagnation des salaires dans un contexte d'augmentation du coût de la vie.
Le président de l'ILWU Canada, Rob Ashton, a exprimé sa frustration à l'égard de la BCMEA au début de la grève, en déclarant : "Leur seul objectif est de retirer des droits et avantages sociaux aux débardeurs après s'être gavés de profits records pendant la pandémie". Après l'expiration du contrat de l'ILWU et deux mois de négociations, les syndiqués ont voté en faveur d'une grève à quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
Le gouvernement fédéral n'a pas tardé à intervenir en faveur de la BCMEA et des 49 multinationales qu'elle représente. Il a nommé un médiateur du ministère du travail pour rédiger un accord et mettre fin rapidement à la grève, ce que le ministre du travail, Seamus O'Regan, a qualifié de "vigoureux coup de pouce". Les médiateurs ont donné au syndicat un ultimatum de 24 heures pour accepter l'accord qu'ils proposaient, que le syndicat a rejeté le 13 juillet.
À ce moment, l'association des fabricants et exportateurs canadiens a déclaré: "Nous demandons au gouvernement fédéral de prendre toutes les mesures à sa disposition, en particulier une loi spéciale, pour mettre fin le plus rapidement possible à la grève. Tout retard ne fera qu'aggraver les dommages causés aux fabricants, à l'économie et à la réputation mondiale du Canada". Le même jour, le Premier ministre Trudeau a convoqué le Groupe d'intervention en cas d'incident, qui comprenait auparavant des représentants de l'armée et des services de sécurité canadiens, et leur a demandé de poursuivre "toutes les options disponibles", menaçant, de fait, de légiférer pour mettre fin à la grève. La direction du syndicat a répondu à cette intimidation en recommandant l'accord à ses membres, qui l'ont rejeté le 18 juillet.
La décision des dockers de faire grève a entraîné le gel des expéditions à l'entrée et à la sortie de 30 terminaux de fret en Colombie-Britannique, laissant les trains bloqués sur des kilomètres et les porte-conteneurs au ralenti à l'extérieur du port de Vancouver. Cette situation a entraîné un ralentissement de la production et de la distribution des marchandises dans tout le pays, ce qui a semé la panique parmi les politiciens et les lobbyistes des grandes entreprises, qui se sont mis à plaider vigoureusement en faveur d'une loi spéciale visant à faire cesser la grève.
Dès le début de la grève, les principaux organes de presse canadiens ont publié une multitude d'articles décriant la grève comme irresponsable pour l'économie canadienne et appelant le gouvernement fédéral à intervenir. Pourtant, selon ces grands groupes médiatiques possédés par de riches oligarques canadiens, il ne semblait n'y avoir rien d'irresponsable à ce que la BCMEA délocalise des emplois et refuse d'augmenter les salaires en dépit de ses bénéfices records. Au contraire, ils reprochaient aux travailleurs de perturber l'économie par leur résistance.
Maersk, un géant norvégien du transport maritime représenté par la BCMEA, a réalisé plus de 100 milliards de dollars de bénéfices en 2022, soit 30 milliards de dollars de plus que l'année précédente. Hapag Lloyd a réalisé plus de 25 milliards de dollars de bénéfices et des agences maritimes plus petites comme Hyundai Merchant Marine et Evergreen ont également enregistré des bénéfices records de 20 et 15 milliards de dollars respectivement. Malgré que ce soit leur travail qui ait généré ces profits, les travailleurs ont été qualifiés de "déraisonnables" pour avoir exigé un meilleur traitement.