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Après le parlement canadien, les politiciens québécois s'apprêtent peut-être à augmenter aussi leurs salaires, alors que de nombreux travailleurs s'inquiètent d'une crise économique à venir. La Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis de créer des comités indépendants pour la rémunération des députés, mais a finalement abandonné cette idée en 2021. Un comité composé de deux anciens députés, dont la ministre libérale Lise Thériault, et d'un expert en ressources humaines, a publié le 19 avril ses recommandations sur le sujet.
Les députés d'arrière-banc pourraient voir leur salaire annuel augmenter immédiatement de 30 205$, passant de 139 745$ à 169 950$, tandis que le premier ministre verrait le sien passer de 208 200$ à 278 120$. Les ministres verraient également leur salaire augmenter de 177 732$ à 230 591$. Ces augmentations représenteraient une hausse de 30%.
Le salaire médian au Québec est de 51 560$, c'est-à-dire que la moitié de la population gagne moins que ce montant. Une quantité considérable de travailleurs de la province ont un revenu semblable ou même inférieur à l'augmentation minimale de 30 205$ que se sont octroyé les députés. Un citoyen sur les réseaux sociaux ironise: «Et si on leurs accordait un bonus selon leur rendement? Proportionnel à la qualité de vie du citoyen moyen. Me semble que ce serait légitime dans une société capitaliste.»
Un comité controversé
Lise Thériault, membre du comité, est une figure controversée de la politique québécoise. Elle a été ministre pendant la commission Charbonneau, qui enquêtait sur la corruption dans l'industrie de la construction. Elle reste toujours très vocale à clamer l'innocence de l'ancien premier ministre Jean Charest—sous enquête, mais jamais condamné—malgré les doutes de la population. Elle s'est également confrontée aux syndicats de la construction en 2010, dans le but d'éliminer leur pouvoir de placement de la main-d'œuvre.
À la FTQ, la commission parlementaire qui a servi à cette manoeuvre est décrite comme «show politique organisé» pour «casser du sucre sur le dos des syndicats». Selon un dirigeant ayant témoigné anonymement, «c'était n'importe quoi et surtout, de la désinformation», en référence aux affirmations de la ministre sur l'attitude qu'avaient les travailleurs durant les grèves.
Pour Thériault, la tâche de député est lourde, contraignante et ingrate, justifiant ainsi les augmentations. Cependant, de nombreux citoyens s'interrogent sur la pertinence de cette augmentation de salaire. Sur les réseaux sociaux, les réactions sont virulentes. "Hypocrites. Leurs salaires devraient être liés à ceux de la fonction publique. Si le petit 9% sur 5 ans est une offre acceptable pour eux, ce devrait l'être aussi pour les députés non?"
Tensions avec la population
Le gouvernement se trouve actuellement dans un face à face avec un front commun syndical. C'est la première coalition de ce genre entre tous les syndicats de la fonction publique québécoise depuis des décennies, démontrant la gravité de la situation. Le front commun syndical estime que les travailleurs des services publics devraient avoir droit au même traitement que les députés.
Illustration de ce sentiment d'opposition généralisé, un sondage Léger du début avril 2023 estime que 4 canadiens sur 5 s'opposent à la hausse des salaires des députés canadiens. Bien que ça ne concerne pas directement le Québec, cela donne une indication de l'opinion de la population face à cet enjeu.